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Festivals, théâtre, danse, photographie, opéra, télévision, journalisme... Car il n'y a pas que le cinéma dans la vie !

Carmen et Antonia dans L'image permanente
BRIFF

« L'image permanente » de Laura Ferrés : Sauver les âmes mouvementées

14 juillet 2024
Dans L'image permanente, la photographie ne vole pas les âmes. Elle les sauve, le temps d'une rencontre, de la morosité dans laquelle elles baignent, ces impasses temporaires dans lesquelles le passage du temps a forcé Carmen et Antonia à se replier. Mais les choix esthétiques de Laura Ferrés sont avant tout au service de son empathie pour les personnages et d'un humour décalé qui adoucit l'influence du passage du temps : Carmen et Antonia sentent encore le souffle d'un sauvetage de leur vie dans leur dos, ce souffle permanent qui rappelle qu'heureusement rien n'est jamais joué.
Antonia (Clara-Maria Laredo) avec son outil de distanciation dans "À son image"
BRIFF

« À son image » de Thierry de Peretti : Une vie distante

4 juillet 2024
Sept ans après Une vie violente, Thierry de Peretti revient en Corse pour aborder les guerres fratricides du nationalisme dans À son image, mais le fait à partir du regard distancié de son personnage principal, la jeune photographe Antonia, elle-même observée et racontée par une tierce personne. Cette double — voire triple — distanciation éclaire et théorise le point de vue et la position du cinéaste, entrant en résonance avec sa manière de filmer et sa direction d'acteurs.
Leos Carax et Monsieur Merde (Denis Lavant) dans un parc dans C'est pas moi
BRIFF

« C’est pas moi » de Leos Carax : Itinéraire d’un enfant gâté

14 juin 2024
C’est pas moi : malgré son air à l’insolence gamine, le titre porte irrésistiblement à l’antiphrase que le film-essai, le tout premier de Leos Carax, s’applique en 42 minutes à vérifier. Il n’y est question en effet que de lui. L’autoportrait commandé par le Centre Beaubourg à la suite d’une exposition avortée est une nuit mauvaise de remâchement et d’insomnie pour un cinéaste qui, sacrifiant à sa légende, a fait un projet de prolonger son adolescence en y cloîtrant le cinéma qu’il a aimé alors qu’il avait pour vertu de l’en émanciper.
Jessica Chastain et Peter Sarsgaard parlent dans la forêt dans Memory
BRIFF

« Memory » de Michel Franco : Le chirurgien opère le cœur

3 mai 2024
Memory est le film le plus humain, le plus empathique et le plus profond réalisé par Michel Franco. Il permet de comprendre définitivement le cinéaste non plus comme un misanthrope, mais selon une double optique : soit comme un médecin qui ausculte la noirceur du monde avec fatalité, soit comme un chirurgien capable de guérir ses personnages pour qu'ils puissent aimer à nouveau.
Les dessins des enfants assassinés dans Une des mille collines
Esthétique

« Une des mille collines » de Bernard Bellefroid : Esthétique du cimetière à ciel ouvert

15 mars 2024
Dans Une des mille collines, Bernard Bellefroid continue de filmer les traces de ce qui ne peut plus être représenté. Il réussit à filmer le quotidien absolument ubuesque d'un village où les anciennes victimes et les anciens bourreaux continuent de cohabiter sur le cimetière de leur histoire. En ce sens, Bernard Bellefroid effectue un travail esthétique où il enregistre la manière dont l'espace est découpé et les corps répartis face à ce qui existe encore.
Purdey et Makenzy Lombet, dans "Il pleut dans la maison"
Critique

« Il pleut dans la maison » de Paloma Sermon-Daï : Transpercer la lumière

3 octobre 2023
Trois ans après son premier long-métrage, Petit Samedi, qui fut remarqué au FIFF, Paloma Sermon-Daï revient avec un film qui continue de creuser le lien entre la maison, le foyer et les membres de la famille qui l'occupent. Prenant le contrepied de la plupart des chroniques sociales naturalistes, genre au sein duquel il s'inscrit malgré tout, Il pleut dans la maison tente d'installer une connivence et une complicité presque humoristique entre ses personnages et ses spectateurs, tout en faisant poindre épisodiquement une violence sociale sous-jacente. Si ces trouées "négatives" dans la fausse légèreté qu'il distille lui donnent sa singularité, on se demande parfois si on ne préfère pas au fond les films qui affichent clairement leur pessimisme à ceux qui le dissimulent derrière la lumière.
Le poster de la 80ème édition de la Mostra de Venise 2023
Festival

Mostra de Venise 2023 : Tragédie des frontières dépassées

9 septembre 2023
Retour sur la 80ème édition de la Mostra de Venise qui se tenait du 30 août au 9 septembre 2023. Elle a été marquée par le terrible diptyque sur les horreurs des crises migratoires proposé par Agnieszka Holland et Matteo Garrone. Deux films qui se retrouvent au palmarès mais heureusement pas sur les plus hautes marches. D'autre part, Richard Linklater et Quentin Dupieux ont signé deux très bons films, et nous avons fait la belle découverte de Love Is a Gun de Lee Hong-chi, qui repart avec le prix du meilleur premier film.
Sophie Letourneur pose pour Philippe Katerine dans "Voyages en Italie"
BRIFF

Ramasser des cailloux : Interview de Sophie Letourneur pour « Voyages en Italie »

2 août 2023
Avec Voyages en Italie, Sophie Letourneur réalise son film le plus "autofictionnel" et affine sa méthode, toujours à la recherche d'un rythme précis, presque mécanique, dans les dialogues et l'écriture visuelle. En délocalisant une nouvelle fois ses personnages, elle fait apparaître l'extraordinaire dans l'ordinaire, voire dans le trivial. À travers la grivoiserie, les blagues de mauvais goût et les clichés les plus ancrés sur le tourisme et l'Italie, le film parvient à toucher à une certaine universalité dans la représentation du couple, et fait de son voyage un réceptacle de tous les autres. Nous avons rencontré Sophie Letourneur lors de sa venue à Bruxelles pour aborder toutes ces questions avec elle.
La rencontre entre Agathe et Tomas (Adèle Exarchopoulos et Franz Rogowski) dans "Passages" d'Ira Sachs
BRIFF

« Passages » : Interview de Ira Sachs

9 juillet 2023
À l'occasion de sa venue au BRIFF (Brussels International Film Festival) pour la présentation de son dernier film, Passages, nous avons rencontré Ira Sachs qui revient avec nous sur sa méthode de travail, ses personnages déboussolés et à la croisée des chemins, sa recherche de l'authenticité dans l'écriture et dans la direction d'acteurs, ainsi que sur son refus de la démonstration et de l'hystérie.
Cléo dans les bras de Gloria dans Àma Gloria
BRIFF

« Àma Gloria » de Marie Amachoukeli : À l'ombre de la Tortue Rouge

6 juillet 2023
Dans un premier temps inégal, Àma Gloria de Marie Amachoukeli semble s'inspirer de La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit pour livrer un film complexe sur l'enfance et l'absence. S'il y a une tortue à l'intérieur de Cléo, elle évolue aussi tout au long du film, peut-être change-t-elle de carapace ou de couleur avant la grande transformation en femme.
Timéo Mahaut dans le film Les Pires.
Critique

« Les Pires » de Lise Akoka et Romane Gueret : Tropisme du cinéma social

15 avril 2023
« Sous quel astre ennemi faut-il que je sois née ? », demandait un personnage de Racine. En banlieue, entend-on trop souvent aujourd'hui. Les Pires, récompensé à Cannes en 2022, entendait objecter. Mais à vouloir faire un château à sa cité, il lui a réservé son plus beau tombeau.
Dalva enlevant son rouge à lèvre de femme dans le film Dalva
Critique

« Dalva » d'Emmanuelle Nicot : Relooking réussi

14 mars 2023
Dalva s'en tire sans les honneurs dans le genre codifié du récit psychologique d'émancipation dont l'évolution n'est pas encore pour demain. C'est l'histoire d'un relooking réussi qui manque de profondeur même s'il faut bien sûr laisser du temps au temps. Avant d'être, dans sa deuxième partie, le récit du retour d'une enfant vers les dernières lueurs d'une enfance manquée parce que gâchée, le film d'Emmanuelle Nicot accumule tellement de tares qu'il faut répéter à nouveau ce qui ne va pas dans le formatage de ce cinéma qui recourt systématiquement aux mêmes clichés et répond de plus en plus à l'appel de l'humiliation.
Jean, le père du cinéaste, se filme dans "Le Film de mon père"
FIFF

« Le Film de mon père » de Jules Guarneri : La caméra est un fantôme

5 octobre 2022
En filmant sa famille "de l'intérieur", et plus particulièrement son père Jean, figure excentrique à la fois empathique et envahissante, Jules Guarneri s'exposait aux tares de l'autofiction voyeuriste façon « Strip-tease ». Il les contourne à moitié en instillant dans un cadre précis, parfois malaisant, une hétérogénéité et une porosité qui se devinent entre les lignes, qui se méritent. Avec sa caméra-fantôme, Le Film de mon père déploie un véritable discours sur la hantise sous toutes ses formes.
Louis Garrel se fait "diriger" par Roschdy Zem dans "L'Innocent"
FIFF

« L’Innocent » de Louis Garrel : Jouer et déjouer (les attentes)

29 septembre 2022
Après une première partie assommante dans le registre de la comédie de quiproquos sur fond social, dans laquelle Louis Garrel laisse ses acteurs - y compris lui-même - en roue libre, le film se retourne à l'occasion d'une scène théorique sur le jeu d'acteurs, avant de s'acheminer vers un final qui déjoue les attentes. Plus réflexif et moins convenu qu'il n'en a l'air, L'Innocent est éminemment ludique.
Affiche du BIFFF 2022
BIFFF

BIFFF, la machine à démonter le temps

15 septembre 2022
Plusieurs années après avoir décrit l'ambiance particulière qui règne au BIFFF (Brussels International Fantastic Film Festival), un festival de cinéma à part, nous revenons une nouvelle fois sur les expériences spectatorielles que l'on peut y faire, à travers cette édition singulière, celle des 40 ans, qui s'est déroulée - une fois n'est pas coutume, nous l'espérons - entre les murs du Palais 10 au Heysel. Dans cette grande machine à remonter, à stopper et à étirer le temps qu'est le BIFFF, le spectacle avait une fois de plus autant lieu dans la salle et hors de celle-ci que sur l'écran.
Florent Dorin est "Le Visiteur du futur"
BIFFF

« Le Visiteur du futur » de François Descraques : La schizophrénie du second degré

8 septembre 2022
Version "cinéma" d'une web-série à l'humour décalé dans la veine de Kaamelott, Le Visiteur du futur apparaît comme un produit éminemment schizophrène, peinant à se trouver entre un second degré constant et une véritable ambition de film de SF. C'est paradoxalement dans un emprunt à un autre film de série B, lors de son climax, que le film se pose enfin et parvient à susciter une émotion au premier degré, jusqu'alors inespérée.
Sarah (Karen Gillan) apprend à se battre pour le "Dual" avec son coach (Aaron Paul)
BIFFF

« Dual » : La comédie dépressive selon Riley Stearns

7 septembre 2022
Pour son troisième long métrage, Riley Stearns s'aventure sur les terrains balisés de la science-fiction contemporaine et des histoires de clones, mais parvient à couler dans ce moule attendu un récit ambigu et désespéré, tout en y instillant une réelle originalité et en restant fidèle à son style singulier, entre comédie dépressive et humour abstrait. Si Dual semble parfois basculer du côté de la misanthropie, le film se rattrape toujours de justesse par des pirouettes inattendues et des trouvailles ludiques.
Alfredo et Afonso rejouent un tableau de Rubens dans "Feu Follet"
BRIFF

« Feu follet » de João Pedro Rodrigues : L’arbre et le phallus

9 juillet 2022
À travers une rêverie musicale et la fable d'un roi sans couronne qui veut devenir pompier pour protéger les arbres, João Pedro Rodrigues établit dans Feu Follet un lien entre une communion sexuelle et une communion avec la nature, avec comme ciment l'amitié et des images fortes comme autant d'allégories visuelles et textuelles auxquelles peut se raccrocher un spectateur invité à contempler cette fantaisie sexuelle et écologique flamboyante, comme un spectacle à la fois ouvert au monde et circonscrit à la forme donnée par son auteur.
Des habitants du village polonais des images d'archives dans Three Minutes : A Lengthening
BRIFF

« Three Minutes : A Lengthening » de Bianca Stigter : Véracité d'une archive

5 juillet 2022
Avec Three Minutes : A Lengthening, Bianca Stigter apporte sa pierre à l'édifice de la très longue histoire de la représentation de la Shoah au cinéma. En travaillant uniquement au départ de trois minutes d'archives sur lesquelles se superposent des témoignages, elle fait se rencontrer deux traditions de pensée généralement opposées.
Carmen (Aline Küppenheim) dans la poterie au début de 1976
BRIFF

« 1976 » de Manuela Martelli : Petite histoire d'une seconde chance

4 juillet 2022
En faisant revivre le spectre d'une grand-mère partie trop tôt, 1976 est porté par un refus de la fatalité et de la tristesse. Loin de toute démonstration de force, Manuela Martelli, sous l'influence de Chantal Akerman, fait le choix d'une certaine forme de minimalisme pour raconter son histoire de seconde chance.
Neil Bennett (Tim Roth) prend le soleil sur la plage dans Sundown
BRIFF

« Sundown » : Interview de Michel Franco

2 juillet 2022
De passage à Bruxelles pour la cinquième édition du BRIFF, Michel Franco présentait Sundown, qui est peut-être, avec Chronic, son film le plus doux et le plus abouti.
Les enquêteurs de "La Nuit du 12"
BRIFF

« La Nuit du 12 » : Interview de Dominik Moll

1 juillet 2022
Dans « La Nuit du 12 », Dominik Moll s'empare du genre "piégé" de l'enquête policière et confère à la figure du policier une dimension quasi mythologique de passeur ou de réceptacle d'émotions. Son passage à Bruxelles, lors du BRIFF, était l'occasion pour nous de décrypter et d'analyser avec lui ce film, ainsi que de revenir sur l'ensemble de son œuvre et des obsessions qui la nourrissent : de la hantise au mal en passant par l'animalité.
Kiril dans la forêt dans Une bosse dans le cœur
BRIFF

« Une bosse dans le cœur » de Noé Reutenauer : Un miroir comme un autre

30 juin 2022
Avec Une bosse dans le cœur, Noé Reutenauer réussit avec brio un film sur la trisomie où il tend un miroir au spectateur qui pourra réfléchir sur les fondements de sa propre existence. La notion d'humanité peut alors être comparée à un grand puzzle dont chacun recolle les morceaux à sa façon. Nous avons tous des bosses dans le cœur, logées quelque part au croisement du réel, des rêves et de la spectralité.
L'affiche des Magritte du Cinéma
Chronique

Les Magritte du Cinéma 2022 : Faux raccords

13 février 2022
Crise sanitaire oblige, la onzième cérémonie des Magritte du Cinéma avait pour nouveauté un dispositif alternant une scène avec ses gradins et ses coulisses. Au programme : des faux raccords hilarants, un timing bien trop strict, des textes qui tombent à plat et des séquences tire-larmes dignes d'un télé-crochet. Mais que pouvions-nous attendre d'autre de la télévision dans un pareil contexte, même adapté ?
Valeria Bruni-Tedeschi et Pio Marmaï à l'hôpital dans La Fracture
Critique

« La Fracture » de Catherine Corsini : Bobos partout, cinéma nulle part

11 novembre 2021
La France va mal, la France a mal, elle a des bobos partout, amours à la dérive, Gilets jaunes en colère, hôpital en danger. Une métaphore servira en la circonstance de suture, la fracture qui appelle des réparations appropriées. Mais la chirurgie de La Fracture est une médecine à la Knock qui ne prend soin de rien quand le social en galère est un raffut de demandes ramenées aux plus petits dénominateurs communs, le bordel et l'hystérie. Le cinéma d'auteur en replâtrage des bobos du social n'a pas alors d'autre volonté que de mettre KO assis son spectateur.
Simon et les enfants dansant au camping dans La Vraie famille
FIFF

« La Vraie famille » de Fabien Gorgeart : Le paradis perdu des familles de cœur

8 octobre 2021
La Vraie famille raconte l'histoire déchirante d'une séparation en utilisant, pour le meilleur et pour le pire, les grandes ficelles du mélo. Mais grâce à son honnêteté et ses choix narratifs, le film de Fabien Gorgeart s'impose comme une tentative honorable du genre.
Guillaume Canet au piano dans Lui
Critique

« Lui » de Guillaume Canet : Et moi, et moi, et moi…

6 octobre 2021
Dans sa dernière fiction autocentrée, Lui, Guillaume Canet se met doublement en scène au cœur d’un casting de comédiens usuels du cinéma français « grand public », qu’il utilise comme autant de poupées parlantes uniquement bonnes à le mettre en valeur, « lui », et à débiter ses mots d’auteur. Cet ersatz d’un mauvais film de Bertrand Blier aurait dû s’appeler Moi, tant il ne tourne qu’autour de la personne de l’acteur-réalisateur.
Jane Birkin et Charlotte Gainsbourg devant la maison (musée) de Serge Gainsbourg à Paris dans Jane par Charlotte
FIFF

« Jane par Charlotte » de Charlotte Gainsbourg : Toucher ou muséifier

4 octobre 2021
Jusqu’à quel point peut-on prétendre toucher à une icône, l’approcher dans sa réalité, dans son authenticité, à partir du moment où cela se fait par l’entremise d’une caméra et d’une mise en scène orchestrée par une fille actrice à la gloire de sa mère ? Telle est la grande question de Jane par Charlotte qui ne cessera de l'explorer sous différentes formes, jusqu'à visiter un "musée" — l'ancienne maison de Serge Gainsbourg restée dans l'état — où il est interdit de toucher aux reliques du passé.
Leïla (Leïla Bekhti) et Damien (Damien Bonnard) assis dos à dos dans l'atelier dans Les Intranquilles
Critique

« Les Intranquilles » de Joachim Lafosse : L'art de ne pas avoir honte

30 septembre 2021
S’il donne l’impression, dans la première partie du film, de vouloir tout faire pour se « contenir », contourner ses vieux tics et ses vieux démons pour présenter un film « vierge » à un regard tout aussi « vierge », oublieux de tout le passif du réalisateur, Joachim Lafosse ne peut s’empêcher de retrouver sa vraie nature une fois l’illusion dissolue. Les Intranquilles développe alors toute une théorie de l’acceptation de soi en tant que cinéaste-roi, avec toutes ses tares et surtout sans honte : rien ne viendra jamais fondamentalement modifier la physionomie de ce cinéma autosatisfait et étranger à toute forme de remise en question. Mais il faut lui pardonner : il est comme ça, il ne changera pas.
Issachar (Maxi Delmelle) et Zabulon (Harpo Guit) essayent de tirer sur un piegon dans Fils de plouc
BRIFF

« Fils de plouc » de Harpo et Lenny Guit : Joyeux bordel

28 septembre 2021
Fils de plouc, par sa filiation avec plusieurs grandes figures de la comédie américaine, fait souffler un vent nouveau sur la comédie belge francophone en l'arrachant à son populisme tout autant qu'à son (sur)réalisme poétique coquet et stérile. Ce qui compte, dans Fils de plouc, c'est de rire avec eux, dans un joyeux bordel, et non de rire d'eux comme c'est parfois le cas dans la comédie de terroir wallonne.
Lucie (Lucie Debay) en armure et sur son cheval dans les montagnes dans Lucie perd son cheval
BRIFF

« Lucie perd son cheval » de Claude Schmitz : Faut pas perdre le film

15 septembre 2021
Dans ce film coupé en deux, chamboulé et disparate, Claude Schmitz, tout comme son personnage Lucie, s’en tient néanmoins à une devise qui semble devoir présider à la construction de sa filmographie en devenir : « Faut pas perdre le fil ». Aux nombreuses questions qui restent en suspens chez le spectateur à la fin de Lucie perd son cheval, Claude Schmitz répond sans tergiverser, tout en promettant une suite qui permettra peut-être d’y répondre encore un peu mieux ou, au contraire, de les prolonger et de les complexifier.
La gérante du kiosque dans Le Kiosque
BRIFF

« Le Kiosque » d’Alexandra Pianelli : L’Art de la miniature

12 septembre 2021
Dans l’espace cloisonné d’un kiosque, derrière son comptoir, Alexandra Pianelli s’adonne à un art de la miniature qui, par l’accumulation de ses petites touches et la juxtaposition de ses petites couches, tend à une ampleur et une densité au départ insoupçonnée. Quand le « tout petit » peut prétendre sans le vouloir et sans s’en rendre compte au « grand ».
Un révolutionnaire s'attaque aux bourgeois dans Nouvel Ordre (New Order)
BRIFF

« Nouvel ordre » de Michel Franco : Rien de neuf sous l’éternel soleil de la misanthropie

7 septembre 2021
Avec son titre ironique, son Mexique dystopique et sa vision extrêmement noire et désespérée du monde et de la nature humaine, Nouvel ordre de Michel Franco semble tout faire pour parer à la moindre critique et au moindre débat. Il est en quelque sorte le point culminant d’un cinéma de la misanthropie qui échappe à toute tentative de décantation et ne cultive aucun mystère. Tout est dit, tout est montré. Le film devient alors une démonstration.
Aïda (Jasna Djuricic) parle au microphone devant la foule dans La voix d'Aïda
BRIFF

« La Voix d'Aïda » de Jasmila Žbanić : Tu parles dans le vide, Aïda !

6 septembre 2021
La Voix d'Aïda retrace très classiquement le chemin de croix de son personnage principal pour en faire un énième porte-drapeau d'un cinéma humanitaire qui repose essentiellement sur la prise en otage d'un spectateur paralysé par les enjeux dramatiques du film et la fidélité de sa reconstitution historique. Celui-ci s'inscrit pleinement dans la tradition des films réalistes et dénonciateurs qui s'intéressent aux tragédies de l'Histoire à travers le destin de martyrs cinématographiques.
Arnaud dans la forêt dans Soy Libre
BRIFF

« Soy Libre » de Laure Portier : Se libérer du film

5 septembre 2021
En filmant son frère Arnaud dans une quête de liberté après un enfermement forcé, Laure Portier lui donne également la possibilité de se libérer d’un carcan filmique qu’elle aura mis en place avec le concours du premier intéressé. Soy Libre montre au final une libération, à la fois réelle et cinématographique, en donnant l’occasion à un « personnage » de cinéma de se libérer de son film.
Clarisse (Vicky Krieps) au volant de sa voiture dans Serre moi fort
BRIFF

« Serre moi fort » de Mathieu Amalric : La projectionniste et son film intérieur

4 septembre 2021
Serre moi fort est-il un film (trop) cérébral ? Renferme-t-il un mystère trop opaque ? Le film de Mathieu Amalric interroge en tout cas la projection mentale en la mettant en parallèle avec la projection cinématographique tout en invoquant des fantômes. Si la recherche de l’explication prime sur l’immédiateté de l’émotion, il s’agit malgré tout d’un film qui hante autant qu’il est hanté.
Un papillon du film Pyrale
BRIFF

« Pyrale » de Roxanne Gaucherand : Vers la lumière

8 juin 2021
Moyen métrage mêlant documentaire et fiction, Pyrale fait se rencontrer la réalité documentaire d’une invasion de papillons asiatiques dans le sud de la France et la fiction d’une histoire d’amour adolescente. Le film questionne cette rencontre à travers les figures allégoriques du papillon et de la lumière.
Les différents personnages sur Zoom dans Host
BIFFF

« Host » de Rob Savage : Zoom sur la peur intime

13 mai 2021
Premier film d’horreur dont l’action se déroule exclusivement sur « Zoom », Host de Rob Savage se révèle beaucoup plus complexe, réflexif et secret qu’il ne paraît de prime abord. Derrière la façade d’un énième « found footage » dont le mot d’ordre serait l’efficacité se dissimule un film riche et ludique qui invite constamment son spectateur à creuser, à chercher des sens cachés et à explorer la peur primale de ses personnages tout en proposant une approche théorique en lien avec la manière dont le coronavirus a changé notre quotidien.
Les deux personnages principaux assis sur un banc dans Extro
BIFFF

« Extro » de Naoki Murahashi : L’émotion du second plan

13 mai 2021
« Mockumentaire » classique charriant à la fois un humour absurde et des saillies drolatiques au premier degré, Extro de Naoki Murahashi, en organisant la rencontre imprévue entre des figurants en quête de leur moment de gloire et un monstre mythologique créé de toutes pièces, fait surgir l’émotion là où on ne l’attend pas.
Charles Chaplin, L’Emigrant, 1917, le rêve de la Terre Promise.
Chronique

« Charlie Chaplin. Le Rêve » d'Adolphe Nysenholc

1 décembre 2020
L’originalité de « Charlie Chaplin. Le Rêve », le livre d’Adolphe Nysenholc, réside dans la façon dont il mime les productions de l’Age d’Or du cinéma muet, dans un va et vient constant entre diverses silhouettes, entre divers visages, entre Chaplin et les personnages qu’il joue, au point que le lecteur déambule dans un monde de doubles.
Heidi en voyage en Chine dans Heidi en Chine
FIFF

« Heidi en Chine » : Interview de François Yang

9 octobre 2020
Accompagnant sa mère Heidi dans un voyage sur les traces du passé de sa famille et de la Chine, François Yang déploie un récit humain dans lequel l’intime accueille une quête d’identité liée à l’histoire socio-politique d’un pays. Il parvient à en dire beaucoup sans jamais tomber dans la démonstration ou le didactisme. L’extrême sensibilité de Heidi en Chine et son final en forme d’épiphanie nous ont convaincu de rencontrer son réalisateur afin de mettre quelques mots sur ce ressenti.
Liz (Noée Abita) dans Slalom
FIFF

Interview de Noée Abita, apprentie sorcière

5 octobre 2020
Cette rencontre avec Noée Abita est une nouvelle occasion d'ouvrir les portes de notre Chambre Verte. Le travail de cette jeune actrice de 21 ans, par la cohérence de sa filmographie, permet en effet déjà de tisser des liens entre ses différents rôles et de raconter une double histoire : celle d'une adolescence sombre et sans tabous et celle de corps qui ne cessent d'affirmer leur puissance et leurs désirs en évitant les étiquettes et toute forme de surdétermination.
Deux danseurs s'embrassent dans Si c'était de l'Amour
BRIFF

Interview de Patric Chiha pour « Si c'était de l'Amour »

11 septembre 2020
"Mettre en scène, ce n'est pas diriger mais aimer assez le monde et les gens pour qu’ils vivent d’eux-mêmes". Dans ce grand entretien autour de « Si c'était de l'Amour », Patric Chiha revient sur sa conception de la mise en scène, du montage et de l'auteur. En filmant les répétitions et les coulisses de « Crowd », un pièce proposée par la compagnie de danse de Gisèle Vienne, Patric Chiha s'interroge sur la condition de l’artiste au travail et sur sa propre méthode de cinéaste. Tout comme les danseurs du spectacle recherchent toujours quelque chose en eux ou chez l’autre, pour comprendre ou être stimulé, le cinéma de Patric Chiha s’épanouit aussi dans une démarche de recherche constante et d’échange, toujours dans un équilibre instable, voire impalpable, entre documentaire et fiction. "L’émotion étant le contraire du contrôle, je ne crois pas que l’on puisse émouvoir s’il y a un programme, un plan. L’émotion est une surprise, un événement qui interrompt le fil des choses. Une émotion prévue n’est par essence pas une émotion".
Les policiers dans la rue face aux manifestants dans "Un pays qui se tient sage"
BRIFF

Interview de David Dufresne pour « Un pays qui se tient sage »

8 septembre 2020
"Avant, il n'y avait rien" : c'est par ces mots que David Dufresne souligne l'importance des images qu'il a regroupées et montées dans « Un pays qui se tient sage ». Depuis deux ans, nous avons donc des images des violences et des pratiques policières. Nous pouvons maintenant penser avec elles. Le film, tourné vers l'avenir, se pose comme un champ de réflexion autour de ces images grâce à un dispositif où différents intervenants échangent à égalité "sans qu'il n'y ait de parole autorisée d'une part et de parole plus faible de l'autre". David Dufresne répond avec générosité à nos questions plus critiques et évoque plusieurs séquences du film d'un point de vue cinématographique.
Caméra et micros des médias
Chronique

Devant les images du Coronavirus : Réalisme de crise

29 mars 2020
Ce 29 mars 2020, plus de 3 milliards d'habitants sont confinés sur la planète, réduits à l'observation d'une crise mondiale provoquée par une pandémie de maladies à coronavirus. Les lignes qui suivent ont été écrites par un spectateur idiot, si l'on veut bien entendre par là, dans le sillage de Deleuze, celui qui n'a pour lui que la raison naturelle, sans les béquilles d'aucune vérité révélée ou tradition livresque. Elles témoignent d'un rapport au monde qui passe par les images, s'épuise dans les images, informées par les pouvoirs médiatique et politique. À ces images sont arrachées quatre formes de réalisme de crise qui s'offrent comme autant de tentatives d'en sortir.
Le concept "Drunk Shakespeare"
Histoires de spectateurs

« Drunk Shakespeare » : Profession de foi du comédien ivre

12 mars 2020
Le concept de « Drunk Shakespeare », en plus de proposer l’expérience plaisante d’une parodie de « Macbeth » plus ou moins improvisée, raconte quelque chose de singulier sur le rapport entre le comédien, le spectateur et l’ivresse. Au théâtre du haut, sérieux, tragique et sobre, répondrait alors un théâtre du bas, parodique, improvisé et donc ivre.
Elia Suleiman devant la mer dans It Must Be Heaven
BRIFF

« It Must Be Heaven » de Elia Suleiman : Palestiniens partout, Palestine nulle part

11 décembre 2019
« It Must Be Heaven » d’Elia Suleiman parle de la Palestine comme d'un "dépays" comique et mélancolique dont la circonférence serait partout et le centre nulle part ; et des Palestiniens comme une espèce en voie de disparition tandis que monte un devenir-palestinien global.
Dimanche des compagnies Focus et Chaliwaté
Le Majeur en crise

« Dimanche » : Statu quo et crise environnementale

21 novembre 2019
« Dimanche », une pièce de théâtre des compagnies Focus et Chaliwaté en tournée mondiale depuis novembre 2019, met en crise le statu quo de nos modes d'existence en situation de crise environnementale.
Matthias (Gabriel D’Almeida Freitas) et Maxime (Xavier Dolan) durant la scène du baiser.
Critique

« Matthias et Maxime » de Xavier Dolan : Baiser taché

19 octobre 2019
Dans « Matthias et Maxime », l’heure n’est plus à l’expression débridée des sentiments, des frustrations et des colères, mais plutôt à une sorte de contenance forcée que semblent s’imposer les personnages et que Dolan s’impose également à lui-même.
Perdrix de Erwan Le Duc avec Maud Wyler et Swann Arlaud
Critique

« Perdrix » de Erwan Le Duc : Le Perdreau et l'Arbrisseau

6 octobre 2019
À finalement jouer la rengaine du sentimentalisme pour son « Perdrix », Erwan Le Duc déforce la charge historique et politique initiée par une rencontre aussi improbable qu'amoureuse dans les Vosges.
Les Héros ne meurent jamais d'Aude Léa Rapin
FIFF

« Les Héros ne meurent jamais » de Aude Léa Rapin : Zoran est arrivé

5 octobre 2019
Critique et clinique, le film « Les Héros ne meurent jamais » d'Aude Léa Rapin s'offre comme la fiction cathartique d'un document traumatique sous l'horizon de la résurrection d'un défunt de la guerre de Bosnie-Herzégovine.