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Charles Chaplin, L’Emigrant, 1917, le rêve de la Terre Promise.
Chronique

« Charlie Chaplin. Le Rêve » d'Adolphe Nysenholc

Morgane Jourdren
L’originalité de « Charlie Chaplin. Le Rêve », le livre d’Adolphe Nysenholc, réside dans la façon dont il mime les productions de l’Age d’Or du cinéma muet, dans un va et vient constant entre diverses silhouettes, entre divers visages, entre Chaplin et les personnages qu’il joue, au point que le lecteur déambule dans un monde de doubles.
Morgane Jourdren

« Charlie Chaplin. Le Rêve », un livre d'Adolphe Nysenholc (2020)

« Charlie Chaplin. Le Rêve », un livre d'Adolphe Nysenholc

Grand spécialiste de Charlie Chaplin, Adolphe Nysenholc consacre son tout dernier ouvrage au cinéaste et à son œuvre. Le titre Chaplin. Le Rêve est habile, en ce qu’il dévoile juste ce qu’il faut pour titiller la curiosité du lecteur et pour le préparer mentalement à entrer dans le livre, un peu comme l’on entre dans une salle obscure en laissant derrière soi ses soucis et ses préoccupations pour mieux se laisser porter par les images à l’écran.

L’originalité du livre d’Adolphe Nysenholc réside dans la façon dont il mime les productions de l’Age d’Or du cinéma muet, dans un va et vient constant entre diverses silhouettes, entre divers visages, entre Chaplin et les personnages qu’il joue, au point que le lecteur déambule dans un monde de doubles. Comme dans un rêve à demi-éveillé dans lequel s’entremêlent le réel et l’imaginaire, dans de saisissants accélérés ou, au contraire, dans de frappants ralentis.

Les images se succèdent et viennent ainsi crever l’écran comme autant de fragments d’un univers qui vire parfois au cauchemar, lorsque la machine se fait dévoreuse de chair humaine ou lorsque le petit homme découvre avec horreur que le dictateur et lui-même portent la même moustache. Images d’un monde d’une inquiétante étrangeté, d’un monde du labyrinthe où se perd l’humanité. Adolphe Nysenholc nous amène ainsi à ‘errer’ jusqu’au cœur de toute une époque dont le cinéaste visionnaire a perçu mieux que quiconque les grands traits.

Sous les rictus, les grimaces, les sourires en coin, les rires étouffés de son alter-ego qu’est le Tramp se cachent les réactions de Chaplin face à l’absurdité du monde moderne.

Mais comme le montre très bien Adolphe Nysenholc, si Chaplin perçoit toute la noirceur du monde, il n’en reste pas moins un optimiste et un rêveur invétéré. L’humanité est sans doute en proie à la folie, mais l’individu, lui, à l’instar de Charlot, est à même de préserver une forme de dignité, une forme de liberté, une capacité à poursuivre sa route et à s’abstraire des conventions d’une société mortifère.

L’auteur, en poète qu’il est, convoque ainsi d’autres images avec bonheur qui transportent le lecteur-spectateur dans un autre monde, loin du brouhaha de l’Histoire et de la cruauté de l’existence. Le livre le mène alors sur des chemins de traverse, dans un état de quasi-apesanteur, à la rencontre de la liberté dans un univers peuplé d’êtres féériques ou de nymphes...

C’est donc un ouvrage on ne peut plus riche que nous livre Adolphe Nysenholc et qui permet de revisiter l’œuvre de Chaplin dans toute sa complexité et son foisonnement. Il suffit de fermer les yeux, une fois la lecture du livre achevée, pour voir défiler tous les personnages de Chaplin et en particulier celui du Tramp sur un air parfois triste, parfois joyeux, parfois endiablé, aux accents qui rappellent la musique juive ou tsigane...