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Les différents personnages sur Zoom dans Host
BIFFF

« Host » de Rob Savage : Zoom sur la peur intime

Thibaut Grégoire
Premier film d’horreur dont l’action se déroule exclusivement sur « Zoom », Host de Rob Savage se révèle beaucoup plus complexe, réflexif et secret qu’il ne paraît de prime abord. Derrière la façade d’un énième « found footage » dont le mot d’ordre serait l’efficacité se dissimule un film riche et ludique qui invite constamment son spectateur à creuser, à chercher des sens cachés et à explorer la peur primale de ses personnages tout en proposant une approche théorique en lien avec la manière dont le coronavirus a changé notre quotidien.

« Host », un film de Rob Savage (2020)

Découvert en ligne lors de l’édition virtuelle du BIFFF (Brussels International Fantastic Film Festival) en avril dernier, Host, deuxième long métrage du britannique Rob Savage, semblait avoir trouvé une « fenêtre » d’exposition s’accordant parfaitement à ce qu’il est, dans son fond comme dans sa forme. Ceux qui connaissent l’ambiance qui règne lors des projections en salles des films présentés au BIFFF – ambiance plusieurs fois décrite en ces pages, notamment dans l’article « Power Ranger », le BIFFF et le Spectateur Nomade – savent à quel point la réception des films présentés peut dépendre de l’accueil que leur réservera la salle, invitée à interagir avec eux. Cette année, des films ordinairement très bien reçus par le public d’initiés du BIFFF, principalement des comédies horrifiques propices au délire général organisé et souvent lauréates du prix du public en bout de course, subissaient la dure épreuve du silence de la salle, puisque salle il n’y avait pas, seulement les mêmes individus ordinairement réunis en meute et ici isolés chacun chez eux. À contrario de ces films-là, la présentation de Host en ligne, et dès lors reçue par les festivaliers depuis chez eux sur un écran d’ordinateur ou une télévision, était probablement la configuration idéale pour ce film mettant en scène par le menu, dans le temps et l’espace, une réunion Zoom. Mais cette drôle de disposition, en l’occurrence favorable à la réception de Host en tant que divertissement immersif, ne devrait pas non plus empêcher de regarder et considérer celui-ci en tant que film, que ce soit dans ses choix esthétiques, dans son approche réflexive et théorique de la peur en tant que sentiment intime, et dans le sens caché qu’il dispose dans certains rebondissements scénaristiques et quelques thèmes abordés.

L’évidence : Zoom, médium immersif

Quelle forme le film prend-il donc, et quel effet cela crée-t-il sur les spectateurs, effet également déterminé par le procédé de diffusion et le moyen de réception ? Host relate et prend la forme d’une réunion entre sept personnes sur Zoom, lors de laquelle est prévue une séance de spiritisme. La réunion est à l’initiative de l’une des participantes, Haley, et l’une des six autres personnes, Seylan, se trouve être une médium ou une spirite, en tout cas quelqu’un qui connaît les clés à actionner et les portes à ouvrir pour entrer en connexion avec les esprits. Les autres participants sont des amis d’Haley, quatre femmes et un homme (Jemma, Emma, Radina, Caroline et Alan), lesquels sont plus ou moins perplexes quant à l’idée même d’invoquer les esprits. Le film débute sur l’écran Zoom de Haley au moment où elle l’ouvre et prépare la réunion à venir. On la voit donc en temps réel se préparer chez elle, stresser dans l’expectative de la séance à venir, puis inviter un à un les participants. Au fur et à mesure qu’ils la rejoignent, les autres participants se révèlent en même temps que leurs intérieurs respectifs, appartement, maison familiale, villa à l’étranger, etc. Tout le monde subit simultanément le premier confinement dû au covid-19, et les conversations tournent forcément autour de ce sujet. Dans un même temps, certaines des jeunes femmes révèlent également leur nouvelle maîtrise des caches, fonds d’écran et autres effets de toutes sortes disponibles sur les interfaces telles que Zoom ou Instagram. Emma, par exemple, arbore à un moment donné un cache sur le visage qui lui procure une apparence de lézard. Puis Caroline montre son fond d’écran, en réalité une capture d’un moment filmé précédemment par sa webcam – avec exactement le même cadre –, lors duquel elle traverse sa chambre puis se poste devant son miroir pour se coiffer et se maquiller – créant pour effet de faire apparaître simultanément deux Carolines à l’écran, l’une face caméra au moment de la réunion, l’autre en fond d’écran. Une fois que tous les amis se sont retrouvés en ligne, Haley invite enfin la fameuse Seylan, qu’elle est la seule à connaître – non sans avoir sermonné ses joyeux drilles de camarades, qu’elle suspecte de mal se comporter durant la séance. S’ensuit donc cette séance, où l’action, au sens dramaturgique du terme, ancrée pleinement dans le genre fantastique, se déroule toujours en « temps réel » ou ressenti comme tel.

Toute cette mise en place n’est pas anodine et loin d’être superflue, comme on pourrait le croire de prime abord. Elle fait évidemment partie intégrante de ce dispositif immersif, voire interactif, proposé par Host. La séance de spiritisme qu’il met en scène est offerte comme telle au spectateur, invité à entrer dedans, dans les mêmes conditions que ses participants fictionnels, ces conditions étant plus ou moins égales en fonction que le film soit vu sur un écran d’ordinateur, de télévision ou de cinéma. Plus peut-être que n’importe quel film de « found footage » ou que n’importe quel film se contraignant à un exercice de style déterminé, Host tire précisément de cette contrainte – contrainte pour le coup intra et extradiégétique – une véritable force d’immersion et de mise en scène. Contrairement à d’autres films transposant dans une fiction le principe scrutateur et quasi-participatif de l’écran d’ordinateur – les deux Unfriended et Searching, entre autres – Host fait le choix de réduire cet écran d’ordinateur à la simple plateforme Zoom, ne sortant jamais de celle-ci pour aller voir ce qu’il se passe, au choix, sur le « desktop », sur un moteur de recherche, sur une boîte de chat, etc. Ce type-là de configuration, allant chercher dans toutes les possibilités offertes par les différentes fonctionnalités d’un ordinateur portable, a pu produire des choses assez intéressantes – flirtant parfois avec l’expérimentation – dans les deux Unfriended où le texte écrit, tapé parfois en bas de l’écran, et les petites fenêtres vidéos apparaissant à l’improviste dans telle ou telle partie de l’écran, inventaient une nouvelle forme d’immersion participative impliquant l'attention et la patience du spectateur. Le choix opéré par Rob Savage dans Host est finalement beaucoup plus simple, peut-être plus classique, mais accentue formellement une donnée thématique, scénaristique, embrassée par le film. Cette donnée n’est ni plus ni moins celle de l’isolement, du confinement éprouvé par les personnages, et également éprouvé, de manière rétrospective ou non, par pratiquement tous les spectateurs du film. Presque personne, au moment où il verra Host, n’aura échappé à cette expérience de vie, dès lors partagée avec les personnages. Cette impression de ne pas pouvoir sortir de chez soi, de ne pas pouvoir sortir de l’application Zoom, de ne pas pouvoir sortir du film, est induite en partie par cette utilisation unique de la fenêtre Zoom comme cadre formel. Même si le film procède continuellement par le montage à une sélection et une mise en exergue de telle ou telle fenêtre attribuée à tel ou tel personnage – en fonction de l’action qui s’y déroule ou du suspense qu’elle induit –, l’enfermement dans le cadre strict de Zoom renvoie à l’enfermement imposé par le confinement aux personnages et aux spectateurs. Là où le spectateur d’un film tel que le premier Unfriended pouvait parfois se poser la question – légitime ou non – de savoir pourquoi les personnages en prise avec une entité maléfique et vengeresse par l’intermédiaire de leur écran d’ordinateur ne l’éteignaient tout simplement pas ou ne sortaient pas de chez eux, le paramètre du confinement, en plus de celui du spiritisme, empêchent tout simplement de se poser la question, par ce rattachement à une expérience commune au spectateur et aux personnages, celle de l’enfermement dû au confinement et à cette incapacité physique et psychologique de sortir du cadre de son « chez soi » ou, indirectement, de celui de Zoom.

Sous l’évidence et sous les draps : trouver la peur primale

Au-delà de l’évidence immersive et de son procédé précédemment décrit, Host utilise en outre des outils divers pour créer la peur, sous toutes ses formes. Le film opère d’ailleurs un mouvement de va-et-vient assez constant entre des outils neufs, voire inédits, tels que les effets et autres caches permis par les interfaces d’internet – comme précédemment expliqué –, et des outils beaucoup plus primitifs, basiques, liés à l’intime et à l’humain. Parmi ces vecteurs primitifs de peur, il y évidemment les objets, des objets parfois liés au quotidien le plus banal – une chaise, un four, une bouteille en verre – ou également des objets liés au passé, voire à l’enfance. Dans le préambule à la séance de spiritisme, lors des retrouvailles entre les différents protagonistes, ceux-ci évoquent déjà l’objet qu’ils ont chacun sélectionné pour le rituel qu’ils vont accomplir ensemble. Ces objets semblent d’une manière ou d’une autre liés au passé de chacun, à une peur primale ou à l’esprit qu’ils veulent invoquer. Alan, par exemple, a choisi une boîte à musique de son enfance que son frère utilisait régulièrement pour lui faire peur. C’est également chez Alan que se trouve un autre objet, également lié à une peur à la fois primale et potentiellement irrationnelle : un pantin représentant un clown, qu’Alan ne manquera pas d’actionner devant la caméra, au pire des moments, pour titiller la coulrophobie latente de quelques-unes de ses camarades. Dans les faits déroulés par le film, ces objets liés au passé où à des peurs irrationnelles ne seront finalement pas ou peu utilisés pour susciter de la peur chez le spectateur, puisque ce seront surtout les objets les plus banals et quotidiens, ainsi que les effets permis par Zoom – caches, fonds d’écran et autres – qui rempliront cette fonction. Si tant est que l’on accepte que Zoom, entre autres interfaces permettant l’utilisation de ces effets, est entré dans le quotidien des personnages et des spectateurs de Host, le statut endossé par tel ou tel objet ou élément déclencheur de peur est finalement peu ou prou identique. Mais cette dialectique posée par le film entre la peur issue du quotidien et la peur liée à l’intime, qu’il s’agisse du passé ou d’un ressenti parfois irrationnel, renvoie quoi qu’il en soit à ce qui est probablement la pierre angulaire de ce type de cinéma dans lequel s’inscrit Host, le « found footage » – et dont il prolonge le développement, l’évolution, dans une quotidienneté du spectateur qui découvre le film au moment où il est dévoilé pour la ou les première(s) fois –, à savoir un rapport intime à la peur et la tentative d’appréhender celle-ci au plus près de cette intimité.

Une jeune femme invoquant un esprit avec une bougie dans Host
© Visuel fourni par Cinéart Belgium

Cette recherche de l’appréhension du sentiment de peur comme quelque chose d’intime est intrinsèquement liée à l’une des premières images du film d’horreur de « found footage » tel qu’on le conçoit aujourd’hui – si l’on excepte un Cannibal Holocaust ou d’autres films Mondo –, à savoir le plan iconique repris comme photo emblématique de l’affiche du film The Blair Witch Project, représentant le visage de l’actrice Heather Donahue, en contre-plongée et des narines jusqu’au bonnet, dans un moment du film où elle se livre à une véritable confession auto-filmée. Dans Host et sur son affiche, une image faisant directement référence à celle de The Blair Witch Project illustre elle aussi cette tentative d’utiliser le genre du « found footage » et la caméra portative – ici vraisemblablement celle d’un smartphone ou d’une tablette – pour approcher au plus près, physiquement et intimement, le personnage au moment où il éprouve ce sentiment de peur, et le saisir dans cette situation de détresse, de lâcher-prise. Là où la caméra de Blair Witch Project semblait vouloir pénétrer dans les narines de Heather (prénom de l’actrice et du personnage) au moment où sa peur et sa détresse sont à leur apogée, celle de Host s’immisce ni plus ni moins que sous les draps d’Emma (également prénom de l’actrice et de son personnage), au moment où elle se cache sous ceux-ci et sur son lit comme si cette sorte de tente improvisée – sa tête sous le drap forme en effet une sorte de tente, vue de l’intérieur, en contre-plongée – la protégeait de la menace qui la guette dans son appartement. Cette manière de saisir le personnage dans une position et une configuration renvoyant métaphoriquement à l’intime le plus manifeste – sous les draps, dans le lit – et à une image liée à l’enfance – la tente ou la grotte secrète que peut se créer un enfant en se fabriquant un antre rien qu’en se cachant sous un drap, pour jouer, lire, où se raconter des histoires secrètes – cristallise une démarche (volontaire ou non) d’inscription dans un type d’horreur, lié à la proximité et à l’intime, que le « found footage » et The Blair Witch Project en particulier ont (malgré eux ou non) théorisé et/ou élevé au rang d’art, de figure esthétique.

Le sens caché : parabole moraliste pour qui cherche bien

Host opère donc toute une démarche de dévoilement progressif, ou en tout cas met en place dans sa narration et sa mise en scène toute une stratégie à la fois mécanique et théorique pour que son spectateur puisse creuser, gratter progressivement des couches d’apparence – aller plus loin que l’apparat du film-gadget sur Zoom, aller plus loin que l’efficacité en questionnant esthétiquement le rapport que le genre entretient à la peur, etc. – et donc dévoiler d’autres strates, plus cachées, plus secrètes. Parmi ces secrets tenus par le film, certains sont assez facilement décryptables avec une grille de lecture au premier degré quant à ce que « veut dire » tel ou tel élément du scénario. Certains critiques et théoriciens du cinéma ont parfois tendance à s’attacher coûte que coûte, de façon parfois superficielle, au « message » du film, à ce qu’il veut dire sur tel ou tel sujet, sur son époque, sur la société. En général, quand il s’agit pour ceux-là d’analyser un film de genre, il est fréquent qu’ils jettent l’éponge, balayant d’un revers de la main toute possibilité qu’un film d’horreur, qu’un thriller ou autre, ne s’attachent à livrer un message ou un « avis » sur l’état du monde ou sur quoi que ce soit – mis à part concernant quelques auteurs réalisant des films de genre et dont n’est jamais remis en question, à tort ou à raison, le fait qu’ils apportent une « vision » sur l’époque, le monde et/ou leur art (par exemple John Carpenter, Christopher Nolan, Jordan Peele, etc.). Il est probable que Rob Savage – relativement voire complètement inconnu du grand public, des critiques et des cinéphiles à ce stade – ne fasse pas partie des auteurs auxquels on accorde cette « qualité » et que Host ne soit par extension pas scruté en tant que film refermant un « message » au sens le plus littéral du terme. Pourtant, au moins un des éléments de scénario, des rebondissements proposés par le film est, doublement, chargé d’une symbolique, porteur d’une allégorie si ce n’est politique, au moins sociétale, que cette allégorie soit fine ou pas, qu’elle soit pertinente ou pas.

Au moment où les cinq jeunes femmes connectées sur Zoom – le seul homme, Alan, a déjà quitté la réunion à ce moment-là –, accompagnées de la médium Seylan, ont ouvert un portail possible avec l’au-delà et commencent à guetter l’un ou l’autre signe d’une manifestation surnaturelle, l’une d’entre elle (Jemma) sursaute en poussant un cri, puis dit qu’elle éprouve une sensation d’étranglement. Quand Seylan lui demande si un prénom lui vient en tête et ce que ce prénom lui évoque, Jemma parle d’un certain Jack, un ancien camarade de classe qui se serait suicidé. Peu de temps après ce coup d’éclat, le groupe perd la connexion avec Seylan et Jemma révèle à ses amies qu’elle a joué la comédie, et que ce Jack n’existe pas. Quand Seylan reprendra contact, par téléphone, avec le groupe, et qu’elle apprendra cette supercherie, elle mettra en garde les jeunes femmes : en invoquant un faux esprit et en lui inventant un nom, c’est comme si Jemma avait fait une invitation ouverte à n’importe quel esprit, démoniaque ou pas, d’endosser le rôle de « Jack », comme on pourrait porter un masque. En d’autres termes, en faisant cette blague de mauvais goût et en mentant aux autres participants à la séance, Jemma a ouvert une boîte de Pandore et déclenché la colère d’un esprit vengeur. Cet élément « déclencheur » du scénario fait définitivement basculer le film dans le domaine de l’horreur, et la faute en incombe presque exclusivement à un personnage. La manière dont Jemma se rend fautive et responsable des malheurs du groupe peut dès lors apparaître, dans un premier temps, comme une critique allégorique et légèrement appuyée de la manière dont on se met en scène sur les réseaux sociaux, de cette ère du paraître et de la superficialité. Le retour de bâton subit par Jemma et ses amies apparaîtrait dès lors comme un revers extrêmement moralisateur infligé par le film à ses personnages et Host tout entier comme un film un poil réactionnaire, renvoyant à la figure de ses spectateurs, eux-mêmes assimilés à des acteurs – malgré eux ou non – des réseaux, et en l’occurrence de Zoom, leurs propres travers. Mais si l’on complexifie un tout petit peu la grille de lecture appliquée préalablement à ce rebondissement, à cet élément déclencheur, et que l’on assimile le mensonge de Jemma et la comédie qu’elle joue à une fausse information (« fake news »), l’interprétation que l’on peut en tirer, et que l’on peut appliquer à tout le déroulement ultérieur du film, acquiert une dimension nettement plus politique, dans un cadre intrinsèquement lié à un contexte d’actualité(s). L’allégorie proposée par Host serait donc la suivante : une « fake news », assimilée dans un premier temps comme vraie par une audience, même si elle est démentie par la suite, aura eu largement le temps de créer une faille dans laquelle se seront introduites des forces malveillantes, donnant ainsi naissance à une ère de terreur. Cette parabole de la « fake news » proposée par le film et disposée comme un indice à décrypter à celui qui le trouvera et voudra s’y attarder, est au final plus cachée, plus complexe – mais pas forcément plus subtile – qu‘elle n’y paraît de prime abord. Dans sa manière de concevoir et de disposer cette parabole dans son scénario et sa mise en scène, Host appuie en tout cas cette impression qu’il procède par strates superposées dont l’une cache l’autre et dont le grattage successif permet de révéler des secrets et des messages cachés. Ce jeu de grattage, ou cette succession d’énigmes qu’il propose à ses spectateurs de décoder, semble même avoir contaminé jusqu’au titre, puisque là également, il doit y avoir quelque chose de caché, une lettre manquante permettant, une fois révélée, de donner à « HOST » une autre signification bien plus parlante : un G en début de mot qui donnerait une idée plus précise de la menace que recèle le film.

Conclusion : creuser plus loin, plus profond

Si Host procède donc dans sa stratégie de dévoilement progressif par la mise en place d’énigmes à décrypter et de secrets à révéler, il développe de manière globale toute une dialectique de l’approfondissement, de l’idée qu’il faille toujours creuser un peu plus, chercher plus loin que l’évidence de ce qu’il donne à voir. Comme les personnages creusent dans leurs résistances respectives à la croyance en l’au-delà et creusent également dans leur passé pour déterrer des objets où des disparus qui l’ont jalonné, Host creuse également en lui-même et au sein du genre auquel il appartient pour essayer d’atteindre une certaine idée de la peur comme ressenti intime. Pour cela, il va jusqu’à déterrer lui aussi des éléments du passé, des objets et des effets associés à une certaine « rudimentarité » du cinéma classique – le drap d’Emma, par exemple, servira in fine à « révéler » la silhouette de l’esprit maléfique puisque, quand elle le jettera dans le vide, le drap blanc épousera la forme du fantôme à la manière des plus anciennes représentations de cette figure horrifique. Le film creuse aussi pour trouver d’autres effets, plus inédits, puisqu’il recherche dans la grande bibliothèque d’effets de caches, de filtres ou autres fonds d’écran disponibles sur les interfaces ceux qui se révèleront bénéfiques et efficaces dans le cadre d’un film d’horreur, genre qui s’inscrit également dans cette recherche de l’efficacité apte à déclencher la peur, parfois de manière immédiate ou systématique. Enfin, par ses différentes couches superposées, par sa démarche de recherche esthétique et théorique au sein du genre qu’il occupe et de la forme qu’il emprunte, Host invite son spectateur à lui-même creuser pour accéder à une certaine richesse – esthétique, thématique et théorique donc – dissimulée sous une façade de quotidienneté extrêmement actuelle – au sens le plus littéral du terme –, à savoir Zoom et sa place dans le confinement expérimenté par tous, quotidienneté que d’aucun pourrait dès lors associer à la superficialité. Cette recherche de la richesse cachée d’un film qui se vend presque lui-même comme « petit » – ne serait-ce que par son format et sa durée inhabituelle de moins d’une heure –, telle une chasse aux trésors cinéphile, est un plaisir particulier et finalement tout aussi intime que la peur qu’il cherche à capter et à traduire.