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Critique

Sans égard pour la brûlante actualité, l'exercice critique au Rayon Vert tient alternativement plus de la crise, de la pesée ou de la criée que du jugement lancé depuis une quelconque chaire du bon goût.

Zoe Saldana danse au gala de charité dans Emilia Perez
Critique

« Emilia Perez » de Jacques Audiard : L'invraisemblable cynisme

27 août 2024
Il faut, paraît-il, accepter Emilia Perez comme un film invraisemblable. Mais cette histoire de baron de la drogue qui veut se racheter de ses fautes accouche en même temps d'un invraisemblable cynisme qui est à peu près son seul horizon, à l'exception de la délicate tension apportée par Karla Sofía Gascón. C'est que la vraisemblance peut avoir un double sens quand elle exprime quelque chose d'invraisemblable : le cynisme atteint un tel degré d'invraisemblance qu'il en devient l'invraisemblable vérité du film. Au final, Audiard se la joue plutôt Grand Jacques en livrant sa reprise des « Bigotes » qui traduit bien le cheminement du film et la réaffirmation vieillotte d'un auteur attaché à ses artifices, exactement comme Leos Carax.
JR photographie un prisonnier dans Tehachapi
Critique

« Tehachapi » de JR : Misère de l’humanisme carcéral

25 août 2024
Une prison de haute sécurité californienne, un suprémaciste blanc repenti et une photo de famille géante collée sur le sol du terrain de basket : JR, dans Tehachapi, a soigneusement choisi les ingrédients de son nouveau documentaire bigger than life. Mais tel l’éléphant qui accouche d’une souris, l’artiste sert finalement une soupe libérale, à l’avant-poste du maintien d’un insoutenable consensus carcéral.
Cooper (Josh Hartnett) dans la salle de concert dans Trap de M. Night Shyamalan
Critique

« Trap » de M. Night Shyamalan : Misères de la mise en boîte

9 août 2024
Concevoir des films comme des pièges à regard, c'est pour M. Night Shyamalan jouer de perspective et d'imbrication, double fond, triple fond, etc. Et rappeler ainsi au spectateur qu'il n'y a de redoublement et de retournement possible qu'en raison d'une faille originaire logée dans son regard, ce vide qui peut tout accueillir, l'empathie mêlée au savoir qu'il a pour figure la pire. Mais à quoi bon montrer, dans Trap, que le fond fait varier les parallaxes en ouvrant toujours à la possibilité de la ligne de fuite, si c'est pour retomber ensuite dans les filets d'Œdipe, avec ses petites boîtes qui font le cercueil des bonnes idées ? C'est qu'il y a deux papas, un méchant et un gentil, et si le premier sait captiver le regard, le second travaille à ne pas décevoir sa fifille.
Maxine dans la rue avec son amie dans MaXXXine de Ti West
Critique

« MaXXXine » de Ti West : Le bûcher des vanités

5 août 2024
Une, deux, trois, en compagnie de Maxine nous retournons à son bois. Quatre, cinq, six, y sentir une dernière fois le houx dont le feu sacré sert à d'antiques sacrifices. Sept, huit, neuf, avec un nouveau panier mais cette fois-ci les œufs y seront moins frais. Dix, onze, douze, pour concocter une omelette hollywoodienne qu'affadit sûrement le ketchup abusif du cynisme. Le bois de houx dont se chauffe MaXXXine de Ti West, le troisième et dernier volet dédié à la féroce Maxine, fait d'abord rougir et cuir la peau des sataniques années 80, avant de mener à la baguette un récit accordé à la nécessité du malheur pour réussir à se faire une place au soleil, même s'il est caniculaire.
Margaret Qualley, Willem Dafoe et Jesse Plemons enlacés dans Kinds of Kindness
Critique

« Kinds of Kindness » de Yorgos Lanthimos : Et in Arcadia ego

5 juillet 2024
Posons qu'il y aurait trois genres de gentillesse mais qu'elles reviennent fondamentalement au même. L'identique rend caduque toute dialectique quand la variété apparente des formes de l'obligeance, d'un salarié pour son patron, d'une femme pour son compagnon, d'une sectatrice pour son gourou, fait le lit d'une propension avérée mais avariée à la domination. Dans Kinds of Kindness, trois fables font ainsi itération d'un monde simplifié à l'extrême, clivé entre deux positions auxiliaires, l'une pour qui s'abandonne à l'asservissement, l'autre pour qui en profite du côté du commandement. Même Javellisée, la clinique des arbitraires réglés et des absurdités de la vie moderne délivre la même chirurgie ablative quand le tiers en vient comme ici à manquer.
Leos Carax et Monsieur Merde (Denis Lavant) dans un parc dans C'est pas moi
BRIFF

« C’est pas moi » de Leos Carax : Itinéraire d’un enfant gâté

14 juin 2024
C’est pas moi : malgré son air à l’insolence gamine, le titre porte irrésistiblement à l’antiphrase que le film-essai, le tout premier de Leos Carax, s’applique en 42 minutes à vérifier. Il n’y est question en effet que de lui. L’autoportrait commandé par le Centre Beaubourg à la suite d’une exposition avortée est une nuit mauvaise de remâchement et d’insomnie pour un cinéaste qui, sacrifiant à sa légende, a fait un projet de prolonger son adolescence en y cloîtrant le cinéma qu’il a aimé alors qu’il avait pour vertu de l’en émanciper.
Kirsten Dunst sauve Cailee Spaeny de l'explosion au début de Civil War
Critique

« Civil War » de Alex Garland : L'Amérique floutée, le cinéma floué

11 mai 2024
Alex Garland, dans Civil War, voulait proposer une réflexion sur le pouvoir de l'image – trop grand, comme celui d'un président devenu autocrate dans une Amérique en proie à une guerre civile. Mais il produit finalement une image à l'image de son président assassiné. Une image despotique. Une image spectaculaire qui agit dans le sens d’une manipulation comme d’une saturation du voir. Une image télévisuelle, à caractère publicitaire, qui s'arrête net, qui fait le point, qui met au point, auquel il devient impossible d’échapper comme dans n'importe quel régime autoritaire.
Jessica Chastain et Peter Sarsgaard parlent dans la forêt dans Memory
BRIFF

« Memory » de Michel Franco : Le chirurgien opère le cœur

3 mai 2024
Memory est le film le plus humain, le plus empathique et le plus profond réalisé par Michel Franco. Il permet de comprendre définitivement le cinéaste non plus comme un misanthrope, mais selon une double optique : soit comme un médecin qui ausculte la noirceur du monde avec fatalité, soit comme un chirurgien capable de guérir ses personnages pour qu'ils puissent aimer à nouveau.
Le professeur (François Civil) dans la cour de l'école dans Pas de vagues
Critique

« Pas de vagues » de Teddy-Lussi Modeste : L'école en débat

23 avril 2024
L'école est un lieu d'expérimentation in vivo pour nombre de réalisateurs. Elle opère comme une micro-société au cinéma, un lieu test pour questionner le genre, le racisme, le rapport à l'autorité, à la discipline, l'information... en témoignent de nombreuses œuvres cinématographiques. Le récent film de Teddy Lussi-Modeste, Pas de vagues, sur la question du harcèlement scolaire, était l'occasion de faire le point à partir d'un long-métrage qui, croyant disculper son enseignant, l'accuse définitivement.
Takumi (Hitoshi Omika) et sa fille Hana dans Le Mal n'existe pas
Critique

« Le Mal n'existe pas » de Ryūsuke Hamaguchi : Une décevante partie de campagne

6 avril 2024
Le Mal n'existe pas de Ryūsuke Hamaguchi tient pendant un bon moment le cap de la primauté de la sensation en insistant sur la nécessité pour ses personnages de faire corps avec leur environnement, mais aussi en dépliant des situations de circulation de la parole proches de celles mises en scène dans ses admirables films précédents. Ryūsuke Hamaguchi finit malheureusement par dériver vers les eaux moins stimulantes de l’assénement d’un discours critique sur l’ethos citadin contemporain, avant de s’embourber dans le symbolisme cryptique.
La prof (Leonie Benesch) crie devant sa classe dans La Salle des profs
Critique

« La Salle des profs » d’Ilker Çatak : La vertu au pilori

8 mars 2024
Rien ne va plus dans le monde merveilleux du libéralisme. Le nid douillet d’un collège allemand, modèle de tolérance culturelle et de bienveillance éducative, est un foyer infectieux. Une banale affaire de vols met le feu aux poudres, le bocal devient cocotte-minute puis baril. La Salle des profs est un modèle de ce qui obscurcit aujourd’hui le cinéma d’auteur quand le surmoi est à la direction de la dénonciation. La petite machine paranoïaque qui fait la peau aux parangons de vertu fait sadiquement la nique à qui croit que la morale vaudrait mieux que le poids des attachements passionnels et la rivalité compétitive des intérêts individuels.
Amal (Lubna Azabal) devant sa classe, avant le drame
Critique

« Amal » de Jawad Rhalib : La tumeur, Gargamel et le Flamand magique

17 février 2024
Brandi par les institutions et les médias comme outil de propagande idéal pour asseoir un discours manichéen sur l'éducation, Amal de Jawad Rhalib emprunte une voie ouverte par des oeuvres telles que Noces ou Animals, mais semble pousser encore plus loin sa démarche volontariste et manipulatrice. En trouvant des stratagèmes d'écriture pour se dédouaner et échapper à des accusations de poujadisme, le film entretient sa médiocrité par l'entremise de ses acteurs en roue libre, de personnages aussi involontairement comiques qu'un méchant de dessin animé grand-guignolesque ou encore un "Flamand magique". Le film parvient tout de même à se tirer une balle dans le pied en comparant l'extrémisme religieux à une tumeur, ne comprenant pas qu'il est lui-même une dégénérescence de la tumeur du cinéma belge francophone, ce cinéma à sujet édifiant.
Edouard Baer (Dali) à table lors de l'histoire du prêtre dans Daaaaaali !
Critique

« Daaaaaali ! » de Quentin Dupieux : Steak trop cuit

8 février 2024
Multiplier les vestes (de daim) à l'adresse d'un maître d'opérette, l'épouvantail du génie rempli de la bourre de lui-même, c'est demeurer au poste à tuyauter la même blague gigogne, ad nauseam. La circulatoire en circuit fermé, un « circulez, il n'y a rien à voir ». L'humour vachard qui touille la crème de gruyère de l'ego n'a pas d'autre crémerie que La vache qui rit.
Priscilla Presley dans la limousine d'Elvis dans Priscilla
Critique

« Priscilla » de Sofia Coppola : Biopolitique de la jeune fille en fleur

17 janvier 2024
On pensait la logique capitaliste de réification des individus avoir atteint son point marchand avec Barbie en 2023, dont How To Have Sex de Molly Manning Walker aurait été faussement le pendant débrido-peinturlureur quand il était thatchero-conservateur. C'était compter sans Priscilla, de Sofia Coppola, en ce début 2024, dans un film sur l'emprise, la logique d'effacement de son héroïne par le King, dont la prise Kong aurait été débranchée, en prise directe avec la logique du tout marchand, pour installer depuis et par son ennui profond une guerre de tous les instants contre un machisme ambiant que le film reconduit autrement et plus puissamment.
Daniel Auteuil entouré des médias dans Un Silence
Critique

« Un Silence » de Joachim Lafosse : La mort du loup

11 janvier 2024
Un Silence est le combo, le best-of du pire de Joachim Lafosse : celle d'une grande pathologie et d'un grand pervers narcissique qui, ici, renverse toute la salière dans la soupière. Retour en dyade sur le film.
Apolonia Sokol se coupant les cheveux dans Apolonia, Apolonia
Critique

« Apolonia, Apolonia » de Lea Glob : D'entre les morts

18 décembre 2023
Dans Apolonia, Apolonia, Apolonia Sokol et Lea Glob reviennent d'entre les morts. Un lien invisible, un même rapport au corps et un deuil assez semblable à porter vont les unir au fil des treize années durant lesquelles s'étend le film, qui incarne une forme de féminisme fondée sur l'affirmation et non sur le ressentiment.
Le maire (Alexis Manenti) regarde la maquette des constructions dans Bâtiment 5
Critique

« Bâtiment 5 » de Ladj Ly : Politique de l'extrême-centre

6 décembre 2023
Bâtiment 5, de Ladj Ly, exile chacune des forces contestataires qu'il mobilise dans son film face aux autorités publiques qui, toutes, outrepassent pourtant les limites de l’État de droit. Il a finalement un pouvoir d’indifférence, de transmutation soudaine. Paradoxalement, il flatte cette défection des forces subversives. Plus rien n’y ébranle l’œil. Sans retour possible, Bâtiment 5 devient alors à lui-même l'objet de sa défaite : un film homicide.
Holly (Cathalina Geeraerts) réconforte la mère d'un enfant mort dans Holly.
Critique

« Holly » de Fien Troch : La marchande du temple

27 novembre 2023
Holly raconte autant une histoire religieuse que la réincarnation d'une marchande du Temple dans un imbroglio métaphysique en toc. Fien Troch veut nous faire croire que Holly possède le Holy Spirit mais ses pouvoirs s'avèreront limités et arbitraires. La sorcière, personnage pourtant riche en potentialités, est évoquée au début du film mais est vite évacuée : elle sent juste mauvais.
Le tueur (Michael Fassbender) assis dans un divan avec son imperméable dans The Killer
Critique

« The Killer » de David Fincher : Le cynisme imperméable de Pop-Eye

30 octobre 2023
The Killer de David Fincher est un revenge movie banal et cynique quand il critique en filigrane le capitalisme tout en glorifiant un tueur qui ne l'est pas moins. Celui-ci, borgne (c'est l'influence de Popeye) et méticuleux (c'est l'influence de James Bond) est imperméable au monde qui l'entoure depuis le creux de son solipsisme et le confort de sa vie luxueuse qu'il cherche à maintenir à tout prix.
Leonardo DiCaprio et Lily Gladstone dans Killers of the Flower Moon
Critique

« Killers of the Flower Moon » de Martin Scorsese : Le confessionnal de l'Amérique

24 octobre 2023
Dans un film somme, Killers of the Flower Moon refait le portrait de l'Amérique. Ses nombreux poisons : l'argent, le libéralisme, le marché, le droit, la cupidité des individus, tous les crimes des États-Unis. Une logique de péchés que père Scorsese entend laver par un curieux acte final de contrition, non pas pour nettoyer l'Amérique de son rêve mais l'absoudre pour tout lui pardonner.
Purdey et Makenzy Lombet, dans "Il pleut dans la maison"
Critique

« Il pleut dans la maison » de Paloma Sermon-Daï : Transpercer la lumière

3 octobre 2023
Trois ans après son premier long-métrage, Petit Samedi, qui fut remarqué au FIFF, Paloma Sermon-Daï revient avec un film qui continue de creuser le lien entre la maison, le foyer et les membres de la famille qui l'occupent. Prenant le contrepied de la plupart des chroniques sociales naturalistes, genre au sein duquel il s'inscrit malgré tout, Il pleut dans la maison tente d'installer une connivence et une complicité presque humoristique entre ses personnages et ses spectateurs, tout en faisant poindre épisodiquement une violence sociale sous-jacente. Si ces trouées "négatives" dans la fausse légèreté qu'il distille lui donnent sa singularité, on se demande parfois si on ne préfère pas au fond les films qui affichent clairement leur pessimisme à ceux qui le dissimulent derrière la lumière.
Emile (Paul Kircher) dans la forêt dans Le Règne animal
Critique

« Le Règne animal » de Thomas Cailley : Science-fiction républicaine

28 septembre 2023
La phrase de René Char que répète deux fois François dans Le Règne animal apparaît inadéquate et inopérante : « Celui qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience ». Le film ne redessine en effet jamais les frontières de l'ordre auquel il se soumet et qui est imposé par une conception républicaine du monde ne tolérant aucun trouble de l'ordre public. Heureusement, une seule et unique scène, une scène d'amour, vaut le détour en faisant éclater les barrières imposées par le scénario.
La petite fille syrienne et son père à la frontière polonaise dans Green Border
Critique

« Green Border » d'Agnieszka Holland : La grande faucheuse humanitaire

27 septembre 2023
Green Border se rêve en grand manifeste humanitaire tout en se contentant d'exhiber les horreurs de la barbarie humaine dans une fable immersive qui ne recule devant rien. Agnieszka Holland a la tête à la fois dans la boue marécageuse (elle enfonce tout ce qu'elle peut) et aux commandes d'une moissonneuse-batteuse (elle rase et détruit tout sur son passage). Ce qui touche à l'humain est ainsi constamment réduit, recyclé et recraché en symboles transmettant lourdement un discours politique arbitraire.
Sandra Hüller et Samuel Theis dans Anatomie d'une chute
Critique

« Anatomie d'une chute » de Justine Triet : Du nez pour les yeux gris

25 août 2023
Tout tribunal a pour visée la dissection, tout procès a pour horizon d'anatomiser. Anatomie d'une chute s'en voudrait la démonstration, disséquant l'objet de l'accusation (une femme accusée du meurtre de son conjoint l'est pour l'échec de son couple) pour mieux en préserver le fondement (le droit n'y est jamais contesté). Si le film de procès n'intrigue pas, soumis à la rhétorique d'un match mal engagé par la défense avant d'être remporté au finish pour le plus grand malheur de la victime, qui l'aura surtout été de son ressentiment, intéresse davantage l'antique loi qui en représente la part aveugle. La loi de l'enfant malvoyant qui fait le choix d'un scénario préférant à la vérité des faits la justice des affections asymétrique, différente selon que l'on soit papa ou maman. La balance revient à l'enfant, plus mature que ses parents.
Critique

« Le syndrome des amours passées » de Ann Sirot et Raphaël Balboni : Consommons-nous les uns les autres

11 août 2023
Pour leur deuxième film après Une vie démente (2020), Ann Sirot et Raphaël Balboni s’intéressent à une nouvelle pathologie, cette fois-ci fictive. Celle dont est atteint le couple du film les rend stérile, à moins qu’ils ne retournent coucher avec chacun de leurs ex. Ce Syndrome des amours passées liquide tout romantisme, mais surtout il l’évacue dans un flot d’images hachées au jump cut – soit le mariage heureux du cinéma d’auteur et de l’esthétique Konbini.
Yannick (Raphaël Quenard) se lève pour interrompre la pièce de théâtre dans Yannick
Critique

« Yannick » de Quentin Dupieux : OuBlier Dupieux ?

4 août 2023
Interrompre une mauvaise pièce, qui n'y a jamais songé ? Interrompre un mauvais film, aussi bien. Quentin Dupieux a été l'ouvre-boîte du flat beat, il se flatte depuis de faire du flat cinéma. Avec Yannick, celui qui se rêve le nouveau Blier du cinéma français en serait à la fois le Jeff Koons (l'art idiot frisant la connerie) et le Monsieur Meuble (meubler c'est le comble du remplissage d'une fosse laissant plus que sceptique). À filer le je-m'en-foutisme ainsi, on va finir par ouBlier Dupieux.
Oppenheimer sur le terrain dans Oppenheimer
Critique

« Oppenheimer » de Christopher Nolan : Proche de zéro

23 juillet 2023
Le désastre du nouvel âge ouvert dans le fracas du nucléaire est un désert : Oppenheimer en témoigne, avec tous les tours, pompes et trucs de la manière nolaniennne, colossale. Pourtant le magistère déçoit, encore une fois. Concevoir un film comme un abri antiatomique pour un cerveau dont il faut rétablir le cœur et l’honneur a ses limites. Christopher Nolan sait bien que le monde est mortel, pourtant le fin stratège qu’il est ne le voit pas. Si le conflit des facultés entre faire et imaginer se traduit par le paradoxe classique du visionnaire aveugle, c’est un miroir que se tend à lui-même un auteur qui, si narcissique soit-il, échoue à s’y reconnaître.
Olfa et ses filles dans Les filles d'Olfa
Critique

« Les filles d'Olfa » de Kaouther Ben Hania : Femmes sous influence

18 juillet 2023
Le Mal avait un axe. Kaouther Ben Hania le dévie de son orbite pour gagner les régions du bushisme. Les filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania est en effet l'illustration de la loi de bipolarité des erreurs dont parle Gaston Bachelard : à vouloir combattre un extrême (la violence machiste, l'islamisme radical), Les filles d'Olfa s'extrémise lui-même pour devenir ce qu'il réprouvait.
Abdulah Sissoko incarne "Le Jeune imam" dans le film de Kim Chapiron
Critique

« Le Jeune imam » de Kim Chapiron : La dernière tentation du Fric

20 juin 2023
La devise de Kim Chapiron, dans Sheitan, était : « Ne leur pardonnez rien, car ils savent ce qu'ils font », inversant la parole de Jésus sur le Mont Golgotha à l'instant d'être sacrifié. Au front de la bêtise, le poing levé, écrivait Nietzsche. Ne pardonnons donc rien à son dernier film, Le Jeune imam, car, en effet, qu'il sache ou non ce qu'il fait, ce cinéma, à enclicher la banlieue, mériterait une bonne droite évangélique.
Aïssa Maïga et Vincent Macaigne au milieu d'une rencontre intergénérationnelle dans "Quand tu seras grand"
Critique

« Quand tu seras grand » d’Andréa Bescond et Éric Métayer : "C’est de la merde, là…"

4 juin 2023
Après le très mauvais Les Chatouilles, film coup-de-poing manipulateur, Andréa Bescond et Éric Métayer persistent et signent avec ce Quand tu seras grand, qui avance masqué et se présente tout d'abord comme un "feel-good movie" avant de basculer irrémédiablement dans le cinéma de la "claque" et dans la monstration inévitable de fluides corporels brunâtres, sous couvert d'un gag potache qui fait s'exclamer à l'unisson le personnage principal et le spectateur du film : "C'est de la merde, là...".
Agnès Jaoui et Jonathan Zaccaï marchent dans la rue dans Le Cours de la vie
Critique

« Le Cours de la vie » de Frédéric Sojcher : Plus belle la vie

30 mai 2023
Le Cours de la vie méritait bien un dyade. Si le film est traversé par au moins trois trajectoires et permet au fantôme de Jean-Pierre Bacri de venir hanter l'amphithéâtre où Agnès Jaoui donne son cours de scénario, le film se révèle dans l'ensemble médiocre en réchauffant le pire d'un romantisme téléfilmesque à la Lelouch. Après l'affaire Sojcher qui secoua le petit entre-soi du cinéma belge, il est difficile de trouver dans Le Cours de la vie une contre-proposition au cinéma institutionnalisé que nous avons aussi vivement critiqué. Ce scénario méritait-il une aide du Centre du Cinéma de la Fédération Wallonie-Bruxelles ? Rien n'est moins sûr.
Matt Damon dans son bureau dans Air
Critique

« Air » de Ben Affleck : L'odyssée du marketing

21 mai 2023
Sur fond de choc civilisationnel, après avoir démonté les fous de Dieu de la République islamiste d'Iran à coup de farce hollywoodienne vantant les mérites de l’héroïsme cool de l'empire démocratique dans Argo, Ben Affleck continue son travail d'homme de main du rêve américain. Dans son dernier film, il réalise une pub sur un coup de pub, ou comment Nike l'outsider du début des années 80 a fait d'un pas sept lieues en chaussant le pied de l'agile Air Jordan. Air possédait pourtant un potentiel autocritique comme la possibilité d'une charge subversive. Las, il opte pour la success story du capitalisme décontracté, les deux mains sur la galette de son panier, non pas une balle ronde en pleine tête du système.
Une patiente du bateau dans Sur l'Adamant
Critique

« Sur l'Adamant » de Nicolas Philibert : Malaise-sur-Seine

14 mai 2023
Flirtant constamment avec le malaise, Sur l'Adamant enchaîne les vignettes comme autant de numéros d'exhibition. L'humanité des patients filmée cliniquement par Nicolas Philibert apparaît alors lointaine. Heureusement, le réel finit par se retourner contre le cinéaste lorsque la plupart des patients expriment leur souffrance, leur inconfort et leur gêne face à ceux qui se trouvent derrière la caméra et qui cherchent à les rendre drôles.
Une photo de Nan Goldin de dos dans Toute la beauté et le sang versé
Critique

« Toute la beauté et le sang versé » de Laura Poitras : Panser pour demain

2 mai 2023
Toute la beauté et le sang versé ouvre les pages d'un livre consacré aux morts, mais aussi aux vivants et aux morts-vivants sans pour autant se complaire dans la fatalité du sort réservé à ceux dont le sang a coulé. Laura Poitras, grande cinéaste de l'instant, filme une volonté d'effacement qui porte en même temps une tentative de panser et nettoyer pour que les photos et l'activisme de Nan Goldin se constituent comme un acte de mémoire à partir duquel reconstruire et réécrire.
D'Artagnan se bat avec son épée dans Les trois mousquetaires D'Artagnan
Critique

« Les trois mousquetaires : D'Artagnan » de Martin Bourboulon : Touché, coulé

29 avril 2023
Quelle nécessité y a-t-il à écrire sur un film, Les trois mousquetaires : D'Artagnan, dont nul ne peut ignorer que tout le mal qui pourrait en être dit n'affectera jamais son million d'entrée ? À quoi bon en parler, sauf à s'agacer les dents sur un os déjà rongé ? On voudrait plutôt en dire tout le mal, non pas pour empêcher quiconque à le regarder, mais au contraire pour inciter le monde entier, s'il était possible, à (bien) le voir. On voudrait lui faire cette publicité-là : voir ce film pour dire tout ce qu'il n'y a pas à voir ; voir ce film pour montrer tout ce qu'il faudrait bien y voir. Regarder en face ce cinéma pour signifier, non pas ce qu'est le cinéma – on en serait bien en peine –, mais essayer de l'approcher de manière apophatique, comme on ne pourrait approcher prudemment Dieu que de manière négative, pour dire que, non, décidément, ce n'est pas du cinéma mais un programme d'hypnose qui préparerait son public à un sommeil profond en ces temps de contestation.
Timéo Mahaut dans le film Les Pires.
Critique

« Les Pires » de Lise Akoka et Romane Gueret : Tropisme du cinéma social

15 avril 2023
« Sous quel astre ennemi faut-il que je sois née ? », demandait un personnage de Racine. En banlieue, entend-on trop souvent aujourd'hui. Les Pires, récompensé à Cannes en 2022, entendait objecter. Mais à vouloir faire un château à sa cité, il lui a réservé son plus beau tombeau.
Laure Calamy dans la scène où sa voiture tombe dans l'eau dans Bonne conduite
Critique

« Bonne conduite » de Jonathan Barré : Politique de la fausse route

11 avril 2023
Bonne conduite raconte l'histoire d'une gérante d'auto-école le jour, serial killeuse la nuit, qui élimine les nuisibles en un cinéma appliqué, un cinéma dépassé, qui ne passera jamais la seconde, incapable d'inventer sa route, sauf à rester sur son bord avec les rieurs de l'époque. Ou quand un film sous ses allures de légèreté fait un cinéma bien droitier.
Mathieu (Jérémie Renier) et sa femme (Suzanne Clément) au bord du lac dans la forêt dans Ailleurs si j'y suis.
Critique

« Ailleurs si j'y suis » de François Pirot : L'appel de la morosité

28 mars 2023
Dans Ailleurs si j'y suis, Mathieu, Catherine et Stéphane sont loin d'être des rois de l'évasion. D'une manière cynique et paradoxale, le film reste largement traversé par le contrôle et martèle qu'il est impossible pour eux de changer de vie et de monde : la forêt, filmée à la fois de manière bucolico-exotique et anxiogène, ne leur offre pas un ailleurs mais débouche sur un retour à la morosité de leur quotidien.
Dalva enlevant son rouge à lèvre de femme dans le film Dalva
Critique

« Dalva » d'Emmanuelle Nicot : Relooking réussi

14 mars 2023
Dalva s'en tire sans les honneurs dans le genre codifié du récit psychologique d'émancipation dont l'évolution n'est pas encore pour demain. C'est l'histoire d'un relooking réussi qui manque de profondeur même s'il faut bien sûr laisser du temps au temps. Avant d'être, dans sa deuxième partie, le récit du retour d'une enfant vers les dernières lueurs d'une enfance manquée parce que gâchée, le film d'Emmanuelle Nicot accumule tellement de tares qu'il faut répéter à nouveau ce qui ne va pas dans le formatage de ce cinéma qui recourt systématiquement aux mêmes clichés et répond de plus en plus à l'appel de l'humiliation.
Les Fabelmans au cinéma quand Sam est enfant dans The Fabelmans
Critique

« The Fabelmans » de Steven Spielberg : Le trou noir d'Œdipe

23 février 2023
De quoi The Fabelmans est-il le film ? La grande fable du génie précoce du cinéma adoubé par le maître John Ford est une fable amoindrie sur les pouvoirs du cinéma. Le plus grand chapiteau du monde coincé dans la lorgnette du nombril d'Œdipe, moins l'ombilic du cinéma que ses limbes. Le blockbuster qui fait exploser le quartier y a déposé des trous d'enfance et du trou noir est sorti un Hamelin du troisième type qui a tiré d'un trauma d'enfance ordinaire l'autorisation de confiner les enfants dans leur chambre, tenus à l'amour de leur kidnappeur, ce capitaine Crochet. Une fois fait un sort au syndrome de Stockholm, les symptômes peuvent capitonner une histoire de la cinéphilie qui, de contre-culture, est redevenue l'arme des colons qui se font aimer de leurs colonisés. L'enfance est captivée afin d'être convertible en très lucrative puérilité.
Le jeune prêtre danois filme le paysage islandais dans Godland
Critique

« Godland » de Hlynur Pálmason : L’Amour et la Violence

23 février 2023
Appelle-t-on Northern un western qui se passe dans le nord ? Godland est tour à tour émission de survie en pleine nature, télé-réalité d’enferment, compétition de Bachelor et la Ferme des Célébrités. Il récupère au passage certains tics de la télévision, qui viennent narrer ce qui n’a souvent pas besoin de l’être, et resasse ce que l’on sait déjà. Mais on lui concédera qu’il le fait avec une certaine économie et un style affirmé, le plaçant bien au-dessus de nombreux récits mensongers bourrés d’illusions sur la nature humaine.
Wen (Kristen Cui) dans "Knock at the Cabin" de M. Night Shyamalan
Critique

« Knock at the Cabin » de M. Night Shyamalan : Unfunny Games

7 février 2023
Si Knock at the Cabin ne déroge pas à la règle de la filmographie de M. Night Shyamalan et continue de creuser la réflexion de l'auteur sur la croyance, il est néanmoins condamné à être plus mineur car il exige de son spectateur un acte de foi qui, pour le coup, est beaucoup trop lié à la religion. Malgré tout, le film atteste une nouvelle fois de la propre croyance de Shyamalan dans le pouvoir du cinéma et des images.
Omar Sy est le soldat "inconnu" dans "Tirailleurs" de Mathieu Vadepied
Critique

« Tirailleurs » de Mathieu Vadepied : L’illustre inconnu

1 février 2023
Poussé par la présence imposante à son affiche d'Omar Sy et par sa sélection à la très "sérieuse" et "parallèle" section Un Certain Regard à Cannes, Tirailleurs de Mathieu Vadepied se paie un succès commercial et se voit érigé en exemple, alors qu'il n'est au fond qu'un téléfilm académique et didactique. Plus grave, son twist final utilise une "trouvaille" scénaristique à des fins douteuses, jusqu'à prétendre à une ampleur qu'il ne mérite assurément pas. De "film pour les écoles", Tirailleurs passe à "cas d'école", exposant ce qu'il ne faut surtout pas faire.
La cheffe Lydia Tár (Cate Blanchett) dirige son orchestre dans Tár
Critique

« Tár » de Todd Field : Magistère amer

27 janvier 2023
Magistral. Le qualificatif s'impose facilement sous la plume des critiques et, pour une fois, son usage serait justifié si on voulait enfin se poser la question de savoir ce qu'il est censé signifier. Magistral, Tár l'est en effet et ce n'est pas forcément une qualité, on voudrait en discuter. Le magistère y est amer et l'amertume est un goudron qui, non seulement attire les plumes d'une critique dithyrambique, mais s'accorde également avec le nom de son héroïne, Tár, avant d'enliser un film dans l'aggloméré de ses intentions dont la distillation est auto-destructive.
Nellie LaRoy (Margot Robbie) à la fête dans le prologue dans Babylon
Critique

« Babylon » de Damien Chazelle : "Smack My Bitch Up"

21 janvier 2023
Il fallait bien un triptyque et une écriture à quatre mains pour fouiller dans les tréfonds et recoins de Babylon. Damien Chazelle est un prodige, mais d'un genre particulier. La vérité du prodige a été établie par un groupe britannique de musique électronique au nom caractéristique, The Prodigy, quand il a intitulé son hit « Smack My Bitch Up » qui se traduit ainsi : « Claque ma chienne ». Le prodige est ainsi : ses turgescences sont des pièces montées dont la crème fouettée l'est au lasso, par des coups de fouet, écœurantes parce qu'elle sont sans cœur. Le prodige tourne ainsi des films comme un maquereau claque la croupe de ses « chiennes », avec l'épate et le swing tapageur de celui qui loue le spectacle en assurant que ses réussites acclamées sont des fessées nécessaires à faire gicler du pire le meilleur. Le spectacle est une chienne qu'il faut dresser en la bifflant et le prouve encore Babylon : l'apologie du cinéma des origines a le fantasme urologique mais c'est l'énurésie qui domine et les larmes ne sont que celles du crocodile.
Rebecca Hall est Margaret dans "Resurrection"
Critique

« Resurrection » d’Andrew Semans : L'emprise du mâle

18 janvier 2023
En dépit de la volonté manifeste de son actrice principale et productrice exécutive Rebecca Hall de s'ériger en nouvelle papesse du "post-#Metoo", et de la lourdeur de sa prémisse, présageant du pire dans le registre de l'allégorie sentencieuse, Resurrection d'Andrew Semans parvient à contourner ses tares potentielles en restant ambigu et par l'entremise d'un final hybride et organique qui n'est pas sans rappeler ceux des récents Men d'Alex Garland et Titane de Julia Ducourneau.
Megan Twohey (Carey Mulligan) et Jodi Kantor (Zoe Kazan) dans les bureaux du New York Times dans She Said
Critique

« She Said » de Maria Schrader : Aveu d'impuissance

15 janvier 2023
She Said témoigne d'une double impuissance. Maria Schrader n'a rien à montrer et un film comme celui-là (dit "féministe post #MeToo") ne peut venir que dans le temps d'après, après son sujet et après les articles si importants de Jodi Kantor et Megan Twohey. Ce qui est terriblement paradoxal quand on décide de s'attaquer à un monstre à la puissance libidinale maladive comme Harvey Weinstein. Impuissance aussi du cinéma à fonctionner de cette façon et d'autant plus terrible quand on sait que le prédateur était un grand producteur. She Said offre ainsi l'occasion de refaire le point sur la manière dont une forme de féminisme s'empare du cinéma.
Critique

« White Noise » de Noah Baumbach : Le fascisme à bas-bruit

10 janvier 2023
L'un des derniers films de l'année 2022, White Noise de Noah Baumbach, sorti le 30 décembre dernier sur Netflix, avait sans doute l'ambition de ramasser toute son époque : filmer la propagande médiatique, la crise sanitaire, la dépression généralisée d'un système capitaliste déliquescent et son porte-drapeau, les États-Unis, un contexte annonçant le fascisme qui gronde. Sauf qu'à le marteler, White Noise finit lui-même par (se) fasciser.
Sandrine Kiberlain et Vincent Lacoste dans Le Parfum vert
Critique

« Le Parfum vert » de Nicolas Pariser : Eau de Cologne bon marché

27 décembre 2022
BD et cinéphilie à la rescousse de l'Europe menacée par un fascisme jamais passé ? C'est le pari décalé de Nicolas Pariser et si l'exercice de style démarre sur les chapeaux de roue d'une bonne impulsion théorique (le point commun des récits de persécution de Hergé et d'Hitchcock ayant pour contexte les années 30 est l'absence de toutes références juives), il achoppe sur ses propres impensés. Le Parfum vert patauge en effet gaiement dans l'eau de Cologne bon marché, celle d'une Europe à sauver malgré tout contre un antilibéralisme qui, à chaque fois, ferait le jeu du vieil antisémitisme en oubliant que l'Europe a fait aussi le lit d'un nationalisme ayant la haine du musulman et de l'immigré. On répond mal aux urgences de l'époque en ajoutant aux impensés d'hier les impensés non moins biaisés d'aujourd'hui.
La famille Sully dans Avatar 2 : La Voie de l'eau
Critique

« Avatar 2 : La voie de l'eau » de James Cameron : Hydrocéphale on est mal

17 décembre 2022
L'hydrocéphalie est une anomalie pathologique, un trouble du liquide cérébro-spinal dont l'excès perturbe le cerveau. On croit avoir la tête bien pleine, elle est remplie d'une eau qui asphyxie la pensée. Avatar 2 : La voie de l'eau est un avatar monumental du post-cinéma, le cinéma liquidé dans les eaux bleues du langage binaire et d'un imaginaire réactionnaire, l'esprit des traditions tribales coulé dans la méga-machine techno-militaire. L'hydrophilie confine à l'hydrocéphalie et si James Cameron fait de grands ronds dans l'eau, c'est une suite de petits zéros.
Lee Kang-sheng et Anong Houngheuangsy dans "Days" de Tsai Ming-liang
Critique

« Days » de Tsai Ming-liang : Ce qui s'épanche et penche

13 décembre 2022
Lee Kang-sheng n'est pas l'acteur fétiche de Tsai Ming-liang : il en est la condition, alpha et oméga, trois décennies déjà, on ne s'en lasserait pas. On ne sait pas ce que peut un corps et celui de Lee est le corps du désir de Tsai, moins une énigme (qui laisserait entendre qu'il y a du sens et un autre à le résoudre) qu'un mystère (faisant silence de ce que l'on ne peut dire et qu'il faut taire). L'écoulement est un miroir biface, le tain d'une double imprégnation. Si Lee est l'autre dont Tsai a tant besoin, l'homo-érotisme retourné en hétéro-narcissisme et les épanchements mieux que les mots, c'est en prenant tout le temps qu'il faut, le dur désir de durer qui s'écoule en douceur, pour montrer ce que le temps fait au visage en y faisant voir cette vieille compagne toujours déjà là : la mort au travail. Mais celle de qui, Tsai ou Lee ? Ce qui s'épanche sans piper mot a des penchements frisant aujourd'hui l'aporie.
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