La Vallée, c'est le sommet du style de Ghassan Salhab, la pointe de la rose dont l'éclosion en signe les stigmates. Son site est pourtant évasé, trouvé dans la plaine de la Bekaa, cette antre qui met à distance deux montagnes : à l’ouest le Mont Liban, à l’est l’Anti-Liban. Deuxième volet d'un triptyque, ouvert avec La Montagne (2010) et clos avec La Rivière (2019), La Vallée s'ouvre au passage intervallaire d’un amnésique, l’ange annonciateur à son corps défendant de la catastrophe qui vient en ne cessant pas de revenir depuis l'origine. L'ange est terrible en l'étant du Neutre, déployant avec sa mémoire perdue et ses ailes de géant la désactivation de tout ce qui fait l'ordinaire du désastre en cours. La Vallée est une annonciation qui a vu l'avenir qui nous échoit comme le présent du pire, la guerre civile et ses incivilités mondiales. L'ange de l’Histoire fait pourtant tourbillonner des phénomènes originaires, ces roses de personne que tous nous sommes en ne faisant que passer sur terre, tantôt pour la cribler de roses malades ou meurtrières, tantôt pour y rejoindre le limon fertile d'un nouveau monde.