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Juliette Binoche et William Shimell dans Copie conforme
Esthétique

« Copie conforme » d’Abbas Kiarostami : La prose politique du monde

17 septembre 2021
Il est toujours bien difficile d’écrire sur une œuvre quand d’autres l’ont consacré/désacralisé au préalable par toute une végétation de glose, du dithyrambe à la condamnation, interdisant sans doute d’y voir autre chose, tout comme le décor de la société iranienne, du moins ses représentations occidentales, a imprimé l’image d’un cinéaste, jusque dans certaines rubriques nécrologiques, prétendument suppôt/collabo du régime islamiste pour ne pas avoir condamné ni quitté plus tôt l’Iran, patine critique qui a longtemps obéré son cinéma, empêchant trop souvent de venir à l’œil. Autant de malentendus que Copie conforme (2010), l’un des derniers films réalisés par Abbas Kiarostami, déjoue, jamais frontalement, toujours par la recherche d’une forme cinématographique particulière pour signifier le fond. Si Copie conforme a, dès lors, pour pré-texte une réflexion sur la copie et l’original en art, celui à qui certains ont reproché de n’avoir pas de positions franches sur la politique de l’État iranien, laisse, sans doute, à cet égard, une réflexion sur l’art en général autant qu’il opère comme métonymie sur la question politique. Un film passe-miroir, invitant le spectateur à prendre part au débat comme à cette mise en abyme, dont les lignes qui viennent s’efforceront de suivre les détours, ces écarts qu’Abbas Kiarostami aura laissé afin que chacun puisse y laisser sa propre trace.
Youri (Alséni Bathily) vole à travers la cage d'escalier de son immeuble dans Gagarine
Critique

« Gagarine » de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh : Animation culturelle, décollage immédiat

17 septembre 2021
Gagarine tourné dans la cité du même nom avant sa destruction milite pour qu'un imaginaire en remplace un autre et si le communisme ne fait plus lever les yeux, peut-être que la science-fiction pour adolescents prolongés le pourrait. Le film de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh est conçu comme la navette décollant d'une terre stérile mais le lancement concerne moins ses habitants que les animateurs culturels se servant de leur cité comme de la rampe de lancement de leur fusée. Gagarine organise ainsi la démonétisation du mot de rêve quand il ne sert qu'à faire décoller au firmament du cinéma consensuel et encensé ses enchanteurs qui en sont les thuriféraires intéressés.
Paul Atréides (Timothée Chalamet) et sa mère dans le désert dans Dune
Critique

« Dune » de Denis Villeneuve : Une vocation de marbre

16 septembre 2021
Dune : le serpent de mer est un ver des sables. Le monument de la science-fiction glisse entre les doigts des amateurs de l'épice d'Arrakis désirant la convertir en poussières d'or. Le temps des mues nouvelles pilotées par Denis Villeneuve donne l'occasion de faire le point vérifiant le rapport profond, esthétique et politique, des tentatives d'adaptation de l'inadaptable cycle de romans de Frank Herbert avec leur contexte de production, industriel autant qu'historique.
Lucie (Lucie Debay) en armure et sur son cheval dans les montagnes dans Lucie perd son cheval
BRIFF

« Lucie perd son cheval » de Claude Schmitz : Faut pas perdre le film

15 septembre 2021
Dans ce film coupé en deux, chamboulé et disparate, Claude Schmitz, tout comme son personnage Lucie, s’en tient néanmoins à une devise qui semble devoir présider à la construction de sa filmographie en devenir : « Faut pas perdre le fil ». Aux nombreuses questions qui restent en suspens chez le spectateur à la fin de Lucie perd son cheval, Claude Schmitz répond sans tergiverser, tout en promettant une suite qui permettra peut-être d’y répondre encore un peu mieux ou, au contraire, de les prolonger et de les complexifier.
Une tombe recouverte de fleurs dans Des morts
Esthétique

« Des morts » de Thierry Zéno : Le calendrier de notre finitude

13 septembre 2021
Avec Des morts, Thierry Zéno, Jean-Pol Ferbus et Dominique Garny s'intéressent d'abord à la manière dont la mort est mise en scène, aux réactions qu'elle provoque et aux réponses singulières de ceux à qui elle a déjà réservé un mauvais sort. Par sa narration, le film acquiert également une dimension cosmogonique replaçant l'être humain au plus près du fonctionnement à la fois implacable et cruel de la nature.
La gérante du kiosque dans Le Kiosque
BRIFF

« Le Kiosque » d’Alexandra Pianelli : L’Art de la miniature

12 septembre 2021
Dans l’espace cloisonné d’un kiosque, derrière son comptoir, Alexandra Pianelli s’adonne à un art de la miniature qui, par l’accumulation de ses petites touches et la juxtaposition de ses petites couches, tend à une ampleur et une densité au départ insoupçonnée. Quand le « tout petit » peut prétendre sans le vouloir et sans s’en rendre compte au « grand ».
Un révolutionnaire s'attaque aux bourgeois dans Nouvel Ordre (New Order)
BRIFF

« Nouvel ordre » de Michel Franco : Rien de neuf sous l’éternel soleil de la misanthropie

7 septembre 2021
Avec son titre ironique, son Mexique dystopique et sa vision extrêmement noire et désespérée du monde et de la nature humaine, Nouvel ordre de Michel Franco semble tout faire pour parer à la moindre critique et au moindre débat. Il est en quelque sorte le point culminant d’un cinéma de la misanthropie qui échappe à toute tentative de décantation et ne cultive aucun mystère. Tout est dit, tout est montré. Le film devient alors une démonstration.
Aïda (Jasna Djuricic) parle au microphone devant la foule dans La voix d'Aïda
BRIFF

« La Voix d'Aïda » de Jasmila Žbanić : Tu parles dans le vide, Aïda !

6 septembre 2021
La Voix d'Aïda retrace très classiquement le chemin de croix de son personnage principal pour en faire un énième porte-drapeau d'un cinéma humanitaire qui repose essentiellement sur la prise en otage d'un spectateur paralysé par les enjeux dramatiques du film et la fidélité de sa reconstitution historique. Celui-ci s'inscrit pleinement dans la tradition des films réalistes et dénonciateurs qui s'intéressent aux tragédies de l'Histoire à travers le destin de martyrs cinématographiques.
Arnaud dans la forêt dans Soy Libre
BRIFF

« Soy Libre » de Laure Portier : Se libérer du film

5 septembre 2021
En filmant son frère Arnaud dans une quête de liberté après un enfermement forcé, Laure Portier lui donne également la possibilité de se libérer d’un carcan filmique qu’elle aura mis en place avec le concours du premier intéressé. Soy Libre montre au final une libération, à la fois réelle et cinématographique, en donnant l’occasion à un « personnage » de cinéma de se libérer de son film.
Clarisse (Vicky Krieps) au volant de sa voiture dans Serre moi fort
BRIFF

« Serre moi fort » de Mathieu Amalric : La projectionniste et son film intérieur

4 septembre 2021
Serre moi fort est-il un film (trop) cérébral ? Renferme-t-il un mystère trop opaque ? Le film de Mathieu Amalric interroge en tout cas la projection mentale en la mettant en parallèle avec la projection cinématographique tout en invoquant des fantômes. Si la recherche de l’explication prime sur l’immédiateté de l’émotion, il s’agit malgré tout d’un film qui hante autant qu’il est hanté.
France De Meurs (Léa Seydoux) sur un plateau de télévision dans France
Critique

« France » de Bruno Dumont : Gloria Mediatica Mundi

2 septembre 2021
France de Meurs n'est pas que le nom rigolo d'une vedette de télévision fictive, c'est surtout celui d'une allégorie qui associe à la défense d'une certaine idée de la France le combat nécessaire à dissocier du spectacle qui en travestit l'essence le cinéma qui en délivre la rédemption. France est une satire féroce dont l'acerbité est si outrée qu'elle voudrait rendre gorge aux artifices de la représentation, mascarade et cosmétique. Le scénario du pardon accordé aux blessures de la pulsion s'y impose cependant avec le naturel de la tradition opposant les tragédies du pays réel aux farces des liturgies médiatiques : la France meurt d'être un simulacre déraciné, sa vérité demeure ancrée dans la terre qui, elle, ne ment jamais.
Les ouvriers en révolte dans Chers Camarades !
Critique

« Chers Camarades ! » d'Andreï Kontchalovski : Il faut sauver le cinéma soviétique

30 août 2021
Pour son vingt-troisième long-métrage, Andreï Kontchalovski se retourne vers l’époque de sa jeunesse, l’URSS des années 60, en réalisant un projet qu’il cogite depuis 25 ans. Relatant le massacre des ouvriers de Novotcherkassk perpétré en juin 1962 par le KGB et passé sous silence pendant 30 ans, Chers Camarades ! n’est pas seulement un récit dénonciateur des crimes du régime soviétique. Kontchalovski en profite pour rallumer la flamme du cinéma soviétique à son meilleur.
Le candyman dans le mirroir dans Candyman
Histoires de spectateurs

« Candyman » de Bernard Rose : Le spectateur et le monstre face au miroir

29 août 2021
Si Candyman peut prétendre au statut de mythe contemporain, il reste intéressant d’interroger encore ces images, au-delà du discours bien connu de ce film indépendant devenu culte, conjuguant film d’horreur et métaphore des souffrances de la communauté afro-américaine. En retournant devant le miroir pour invoquer son souvenir, un autre chemin apparait : celui de la mise en abyme de notre statut de spectateur face au cinéma fantastique et d’horreur et, surtout, face à la force effrayante de nos croyances. De quoi cet autre Candyman est-il le nom ?
L'enfant et le chien dans Le Pain et la rue
Rayon vert

« Le Pain et la rue » et « Expérience » d'Abbas Kiarostami : L'exemple des enfants

26 août 2021
Chercher à l'intérieur de soi ou bien faire avec ce qu'il y a à portée de main de quoi bricoler des petites machines de résistance, voilà ce qu'il faut pour tenter un rapport nouveau entre le réel et la réalité qui ne soit plus d'opposition statique mais de composition dynamique. C'est ce que les premiers enfants du cinéma d'Abbas Kiarostami expérimentent en rappelant qu'à l'épreuve de chaque situation nouvelle il y a la possibilité héroïque d'en goûter l'éternel matin.
Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos dans La vie d'Adèle
Esthétique

Être au monde dans le cinéma d’Abdellatif Kechiche : De la lutte des classes à la lutte des places

25 août 2021
La critique dresse volontiers, le plus souvent, le portrait du cinéaste Adellatif Kechiche en sociologue, du moins lui reconnaît-elle cette qualité essentielle quand elle l’attaquera à disproportion sur d’autres fronts, comme sur son apparent voyeurisme. Un cinéma qui, au mieux, donc, s’intéresserait, de près comme de loin, à la question des rapports de classe comme de caste (du genre, de l’ethnie parfois), toujours sous forme de lutte, qui ferait du cinéaste, pour ce que cette critique considère de meilleur dans son œuvre, le héraut d’un genre cinématographique, le « banlieue-film ». Un portrait qui manquerait d’apercevoir, toutefois, combien cette lutte des classes s’apparente davantage à une lutte des places, chacun se faisant son film chez Abdellatif Kechiche en proposant un contre-récit au récit qui lui est imposé par la naissance, la position économico-socialo-culturelle, par l’ethnie, l’âge, le genre encore, de sorte que chacun ne soit pas uniquement le produit d’une prédestination qui serait à l’œuvre dans son existence, le simple artefact de forces extérieures, ce à quoi la critique réduirait trop souvent le cinéma d’Abdellatif Kechiche mais, plus subtilement, le lieu où des forces intérieures chercheraient autant à s’exprimer, tous devenant le lieu d’une exploration, le territoire d’un rapport sensible au monde comme de la manière d’y être. Un cinéma qui poserait une question essentielle : comment figurer au monde lorsque tout va à contre-pente, fomente contre soi ?
La conductrice (Mania Akbari) au volant de la voiture dans Ten
Rayon vert

« Ten » d'Abbas Kiarostami : Rond-point et sens unique

25 août 2021
Ten c'est le cinéma d'Abbas Kiarostami qui, comme un coup de dé à l'heure de la révolution numérique, rejoue dix fois de suite la non opposition des contraires, fiction et documentaire, pellicule et numérique, cinéma et art contemporain, dans l'expression renouvelée des frictions du féminin et du masculin. Ten qui mise tout sur la disparition de la mise en scène y substitue pourtant une conception volontariste du dispositif bénéficiant davantage à l'artiste contemporain désormais appelé par les musées qu'au cinéaste formé hier à la pédagogie.
M. Badii (Homayun Ershadi) dans Le Goût de la cerise
Rayon vert

« Le Goût de la cerise » d'Abbas Kiarostami : La terre jusqu'au ciel

25 août 2021
Après le tremblement de terre du 21 juin 1990 qui a ruiné le nord du pays et dont les territoires abritent pourtant les reconstructions verdoyantes de Et la vie continue et Au travers des oliviers, c'est un autre tremblement de terre que filme Abbas Kiarostami dans Le Goût de la cerise. Cette dévastation est celle-là l'œuvre du travail humain et l'un de ses secrets serait pour le stoïque M. Badii la secrète volonté de disparaître dans un champ qui est celui de ses ruines en trouvant l'ami qui l'y aiderait mais le trahirait aussi en lui redonnant paradoxalement le goût de la vie.
Tous les personnages de la série Friends lors des retrouvailles dans Friends : The Reunion
La Chambre Verte

« Friends : The Reunion » : La grande communion

22 août 2021
Dix-sept ans après la fin de la série Friends, une réunion entre les six membres de son casting a été organisée, créant un trouble de réception auprès des fans de la première heure. Entre produit commercial conçu pour faire plaisir aux afficionados, objet nostalgique laissant parfois filtrer une vraie mélancolie, et grande communion spirituelle rassemblant dans un geste « méta », voire métaphysique, les acteurs, les personnages et les spectateurs, Friends : The Reunion a en tout cas réactivé la chambre verte de beaucoup de spectateurs en sortant les "vieux jouets" du placard.
Mehdi (Soufiane Guerrab) avec le bébé dans ses bras dans De bas étage
Rayon vert

« De bas étage » de Yassine Qnia : La malédiction des forgerons

4 août 2021
De bas étage est un petit film qui raconte une vieille, une très vieille histoire, vieille comme Gilgamesh et l'Odyssée, l'Énéide et la Divine Comédie, entre le Mythe d'Er de Platon et Voyage au centre de la Terre de Jules Verne : De bas étage est l'histoire d'une catabase. Descendre dans le souterrain consiste toujours à descendre à l'intérieur d'un monde qui est celui de son corps, le corps de ses organes et de ses images. La jeunesse qui est si puissante et si impuissante a, avec ses démons, le génie de ses blessures.
Samad (Payman Maadi) passe devant les prisonniers dans La Loi de Téhéran
Critique

« La Loi de Téhéran » de Saeed Roustaee : Bulldozer efficace

3 août 2021
Dans La Loi de Téhéran, la parole est omniprésente et constitue le symptôme d'un système qui semble être devenu incontrôlable. Saeed Roustaee adresse par là sa critique la plus cinglante aux différents rouages de la société iranienne alors que ce bulldozer administratif semblait au contraire être sa force : le cinéaste prend ainsi au piège la censure et l'administration en jouant par l'absurde avec ce qu'elles estiment être leur force, à savoir l'efficacité de leur fonctionnement. On peut néanmoins regretter que La Loi de Téhéran prenne les allures d'une démonstration de force, à l'image du bulldozer administratif que décrit le film. Mais avait-il d'autres choix ?
Margot Robbie, Peter Capaldi, Idris Elba, Joel Kinnaman et John Cena marchent sous la pluie dans The Suicid Squad
Critique

« The Suicide Squad » de James Gunn : Transgresser pour conserver

1 août 2021
L'intérêt de The Suicide Squad relève de la symptomatologie. La spectaculaire parodie du film de super-héros tourne à plein régime en logeant son noyau de sérieux en travers de la gorge : quand les apparences de la débilité ne contredisent pas son essence, la transgression représente le stade suprêmement régressif d'une très pénible conservation. L'idéologie aime à nous raconter des histoires mais elle persévère à ne mentir jamais. America is back reste le credo des blasés clamant qu'ils n'en sont pas dupes tout en y tenant comme à la prunelle de leurs yeux.
Crista Alfaiate et Carloto Cotta cueillent des fruits dans Journal de Tûoa
Critique

« Journal de Tûoa » de Miguel Gomes et Maureen Fazendeiro : Le ver est dans le fruit

23 juillet 2021
Tûoa est une anagramme, l'équivalent français du portugais Otsoga. Tûoa est un sésame pour l'éden d'un cinéma retrouvé d'avant le grand partage des eaux de la fiction et du documentaire, celui dont film après film rêve Miguel Gomes. Journal de Tûoa se veut une réponse du cinéma au confinement, une déclaration d'intention simple et vitale pour le cinéma expérimenté comme le partage communautaire d'une bouffée d'air frais, un milieu charnel faisant coïncider la fiction avec le documentaire. Le film se révèle cependant faussement modeste et vraiment confiné, colonie de vacances et fête privée dont la réclame est mimée pour le bénéfice ostensible de son vaniteux publiciste.
Henry (Adam Driver) et Ann (Marion Cotillard) s'embrassent dans Annette
Critique

« Annette » de Leos Carax : Mauvais chant

17 juillet 2021
Dans ce double texte, nous revenons sur les multiples problèmes posés par Annette. On a longtemps cru que Leos Carax était le gardien d’une certaine poésie bricolée, Vigo, Godard, Cocteau, à l’heure du tournant publicitaire du cinéma français représenté par Jean-Jacques Annaud, Luc Besson et Jean-Jacques Beineix. On comprend qu’il y a un lourd tribut à payer pour l’artiste maudit ayant conscience d’être un homme du ressentiment. Si Annette a des étoiles qui brillent au fond des yeux, c’est dans la brillance publicitaire des logos : un cinéma qui est tout dans son image, fait corps avec elle, interdit toute autre image, un cinéma du carton, de la pancarte, de l’homme sandwich qui vend sa misère au plus offrant. Et Leos Carax serait un réalisateur qui se pense hors du commun (à travers le cinéma comme la figure de l’artiste maudit) quand il a tout du commun.
Titane couchée sur une voiture lors du salon de Titane l'auto au début de
Critique

« Titane » de Julia Ducourneau : Cadavre exquis

14 juillet 2021
Trop-plein, protéiforme, tantôt attendu tantôt imprévisible, le second long métrage de Julia Ducourneau s’achemine d’un terrain vers un autre en convoquant la mutation des genres, tant sur le plan cinématographique que sexuel. En détournant les clichés et les fantasmes sexuels les plus tenaces, et en en faisant de même avec la figure paternaliste de l’acteur Vincent Lindon, Titane laisse une première impression très incertaine, mais incite à creuser encore dans l’œuvre à venir de la cinéaste.
Virginie Efira au milieu de soldats dans Benedetta
Critique

« Benedetta » de Paul Verhoeven : Entre cloaque et comète

13 juillet 2021
La jouissance des mystiques est certaine comme est certain qu'elles et ils n'en savent rien. La raison dans l'Histoire est une fable qui ne marche qu'après coup en ressemblant surtout à un grand corps malade, un corps furieux qui ne sait pas ce qu'il peut, un corps qui jouit parce qu'il préfère s'en faire des images plutôt que d'en avoir un savoir. L'écart entre la jouissance et son savoir fonde le cinéma de Paul Verhoeven tendu entre parodie kitsch et naturalisme scatologique et c'est un abîme au bord duquel danse Benedetta, entre cloaque et comète.
Cassandre (Adèle Exarchopoulos) marchant seule en Espagne dans Rien à foutre
La Chambre Verte

« Rien à foutre » d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre : La nouvelle vie d’Adèle

11 juillet 2021
Présenté lors de la Semaine de la Critique à Cannes, le premier long métrage de fiction d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre fait de la présence de son actrice principale, Adèle Exarchopoulos, un véritable sujet à part entière, un enjeu théorique et de mise en scène, qui le fait dépasser les terres pourtant arpentées du psychologisme et du récit de l’acceptation. Huit ans après La Vie d’Adèle, la présence et le jeu de l’actrice trouvent dans Rien à foutre un autre écrin à partir duquel la fascination peut à nouveau opérer et l’attachement se créer.
Onoda camouflé dans la jungle dans Onoda
Critique

« Onoda » d'Arthur Harari : Écrit sur du vent

7 juillet 2021
L'originalité d'Onoda, le deuxième film d'Arthur Harari, tient au fait qu'il présente le récit écrit et documenté du soldat japonais comme un mythe dont les fondements reposent sur du vent et sur une forme de spectralité que le cinéaste explore de différentes manières. Ce texte raconte ainsi une histoire de fantôme proprement cinématographique plutôt que la reconstitution biographique attendue d'un personnage à part entière.
Millie (Kathryn Newton) avec le serial killer Barney (Vince Vaughn) dans Freaky
Critique

« Freaky » de Christopher Landon : Entre genres et genders

6 juillet 2021
Freaky, s'il n'a pas l'ambition d'être autre chose qu'un film de commande destiné aux adolescents, s'amuse habilement à déconstruire les stéréotypes de genres en faisant permuter les identités de ses deux protagonistes principaux. Bien qu'il peine à se montrer réellement subversif, le film de Christopher Landon dénonce, sans jamais tomber dans les travers du film à charge, les comportements sexistes à travers la réutilisation des clichés les plus dépassés du teen movie.
Casey Affleck et Lucas Hedges durant l'enterrement dans Manchester by the sea
Rayon vert

« Manchester by the Sea » de Kenneth Lonergan : Il a plu cette vie

1 juillet 2021
Que faire face aux drames de la vie ? Éviter la compassion, vivre dans la clandestinité son chagrin, espérer endiguer autant que possible la sinistre contagion des pleurs, l’émulation bouffonne du malheur où chacun, malgré soi, rivalise dans l’expression emphatique de la douleur ? Mais, à bien y réfléchir, l’inverse ne serait-il pas moins risible : la comédie stoïque de l’horreur surplombée, maîtrisée, l’effacement pseudo-héroïque de tous les signes du désespoir ? Manchester by the Sea de Kenneth Lonergan (2016) ne joue pas l’une de ces postures contre l’autre, autant dire qu’il n’est pas qu’un simple drame, mais offre une dimension cinématographique au tragique de l’existence, un tragique qui, s’il est bien compris, peut être paradoxalement dans le film source de joie, qui le rend irremplaçable.
Jackie Chan dans la scène d'ouverture de Police Story
La Chambre Verte

« Police Story » : Jackie Chan face à la douleur

25 juin 2021
La douleur fait partie intégrante de la mythologie créée par Jackie Chan : il réalise ses cascades lui-même et se blesse régulièrement durant ce processus. Dans ce contexte, Police Story tient toutes ses promesses de spectacle mais le héros ne subira pas tout à fait ses douleurs de la manière attendue. Pour une fois, ses blessures ne se referment pas totalement, et ses plaies laissées ouvertes posent des questionnements stimulants.
L'Avenue des Champs-Élysées lors de la victoire de la France en Coupe du Monde dans Les misérables
Le Majeur en crise

« Les misérables » de Ladj Ly : Les saigneurs du stade

16 juin 2021
Comme l’équipe de France de football revient faire son coup de 1998 en 2018, la France jouant son destin sur tapis vert vingt-ans plus tard pour gagner sa deuxième étoile, la finale de la coupe du monde sert de contexte footballistique au film de Ladj Ly, qui, pour sa part, rejoue dans la foulée la finale du cinéma français-de-banlieue, celle de La Haine, dans son film Les misérables, en 2019. Sous haute tension, une analyse footballistique du film s’imposait donc.
Le Dieu d'Osier en feu dans The Wicker Man
Esthétique

« The Wicker Man » de Robin Hardy : Les derniers feux de l'été

10 juin 2021
The Wicker Man (Le Dieu d'osier) jouit aujourd'hui du statut de film-culte, exemplaire d'un sous-genre du cinéma d'épouvante apparu au mitan des années 60-70, la folk horror. Le film de Robin Hardy s'apparente pourtant davantage à un pastiche libertaire d'enquête policière. La peur s'y voit constamment contredite ou déplacée par un rire persifleur moquant le sérieux amidonné d'un policier de Sa Majesté, d'autant plus quand le fonctionnaire est un bigot. Il faudra attendre la toute dernière séquence pour reconnaître que l'horreur avait en fait toujours été là, prenant des chemins escarpés et sinueux afin d'irradier à retardement. Le film de Robin Hardy reste incandescent quand, avec la lucidité aveuglante du soleil à son zénith, son rayonnement peut éclairer le nadir de l'occident contemporain.
Un papillon du film Pyrale
BRIFF

« Pyrale » de Roxanne Gaucherand : Vers la lumière

8 juin 2021
Moyen métrage mêlant documentaire et fiction, Pyrale fait se rencontrer la réalité documentaire d’une invasion de papillons asiatiques dans le sud de la France et la fiction d’une histoire d’amour adolescente. Le film questionne cette rencontre à travers les figures allégoriques du papillon et de la lumière.
Les parents portant leur jeune enfant dans So Long, My Son
Rayon vert

« So Long, My Son » de Wang Xiaoshuai : Les figures de l’absence

3 juin 2021
So Long, My Son, treizième film du réalisateur chinois Wang Xiaoshuai, est une ample fresque historique qui s’ancre dans la Chine communiste des années 1980 jusqu’à nos jours. Elle épouse les destins singuliers de Yaojun (Wang Jing-Chun) et Liyun (Yong Mei), couple endeuillé par la perte accidentelle de leur enfant. À rebours du mélodrame sans nuance ou de la seule critique de la politique de l’enfant unique et de ses conséquences sociales dramatiques, Wang Xiaoshuai choisit d’interroger, avec subtilité et pudeur, la profondeur mystérieuse des liens qui, sur le long terme, unissent une communauté d’êtres traversés par la même violence indicible.
Guy Gilles sur le tournage de l'amour à la mer
Le Majeur en crise

Trois films de Guy Gilles : Ruines sentimentales

26 mai 2021
La noyade est partout et, pourtant, il faut tenter d'y survivre. La mémoire est le radeau quand la vie est un naufrage. Entre le soleil et la mer, entre le flux et le reflux, un cinéaste icarien désire sauver et l'instant éternisé et la vie sans arrêt. Chez Guy Gilles, la naïveté des sentiments touche avec la fébrilité du trait au nerf d'une fragilité existentielle, d’une hyper-sensibilité. Quand l’intermittence des plans est un battement de paupière, le montage est un vent soufflant que rien n’est plus beau qu’un amour, sinon son souvenir – l'éternité retrouvée.
Laura (Scarlett Johansson) au volant de sa voiture dans Under the skin
La Chambre Verte

« Under The Skin » de Jonathan Glazer : L'insoutenable gravité de Scarlett Johansson

20 mai 2021
Mettre sa peau sur la table, disait Céline. Bouffer dessus ajoute Jonathan Glazer dans son film Under the Skin (2013). Bouffer dessus, puis renverser la table cinéma comme il retourne la peau de son actrice fétiche Scarlett Johansson comme un célèbre gant. En l’exposant nue comme jamais dans cet OCNI, objet cinématographique non identifié, Jonathan Glazer pense le monde médiatisé par le cinéma, son esthétique devenant proprement politique, c’est-à-dire intégralement cinématographique.
Les différents personnages sur Zoom dans Host
BIFFF

« Host » de Rob Savage : Zoom sur la peur intime

13 mai 2021
Premier film d’horreur dont l’action se déroule exclusivement sur « Zoom », Host de Rob Savage se révèle beaucoup plus complexe, réflexif et secret qu’il ne paraît de prime abord. Derrière la façade d’un énième « found footage » dont le mot d’ordre serait l’efficacité se dissimule un film riche et ludique qui invite constamment son spectateur à creuser, à chercher des sens cachés et à explorer la peur primale de ses personnages tout en proposant une approche théorique en lien avec la manière dont le coronavirus a changé notre quotidien.
Les deux personnages principaux assis sur un banc dans Extro
BIFFF

« Extro » de Naoki Murahashi : L’émotion du second plan

13 mai 2021
« Mockumentaire » classique charriant à la fois un humour absurde et des saillies drolatiques au premier degré, Extro de Naoki Murahashi, en organisant la rencontre imprévue entre des figurants en quête de leur moment de gloire et un monstre mythologique créé de toutes pièces, fait surgir l’émotion là où on ne l’attend pas.
Hideko Takamine et Masayuki Mori parlent dans un bar dans
Rayon vert

« Quand une femme monte l'escalier » de Mikio Naruse : Trois montées des marches

7 mai 2021
Keiko est hôtesse dans un bar du quartier de Ginza à Tokyo et celle que l'on surnomme « Mama » supporte de moins en moins de monter l'escalier qui la mène à son lieu de travail. Cet escalier qui donne son titre au film en y associant le destin d'une femme, Mikio Naruse le filme trois fois et chaque reprise marque une différence indiquant la singularité quelconque qu’incarne Keiko. Singulière et quelconque parce qu’elle est parfaitement définie socialement mais sans autre identité que l’exemple qu’elle expose pudiquement. Comme toutes les héroïnes narusiennes, en particulier celles génialement interprétées par Hideko Takamine, Keiko est une singularité quelconque et c’est pour cela qu’elle se tient face à l’irréparable en étant et restant aimable, telle qu’elle nous importe de toutes les façons – à sa manière.
Mati Diop et Alex Descas dans 35 rhums
Rayon vert

« 35 Rhums » de Claire Denis : Musique du déraillement

29 avril 2021
Dans « 35 Rhums », le mouvement existe d’abord par lui-même, il précède sa caractérisation, son origine et sa destination, bref : il précède son sens. Les personnages de Claire Denis naissent au spectateur à l’intérieur de ces mouvements pendant de longues minutes, avant que le récit ne donne quelques (incomplètes) explications sur leur identité et leurs relations.
Trond Fausa Aurvåg devant une maison dans le désert dans Norway of Life
Critique

« Norway of Life » de Jens Lien : Phantom of the IKEA Paradise

23 avril 2021
Norway of life (2006), premier film de Jens Lien, entendait sans doute jeter les bases, au début des années 2000, d’un nouveau type de cinéma contestataire, dénonçant ce qu’il conviendrait d’appeler l’ikéaisation de nos sociétés. Un monde étrange dans lequel se trouve plongé Andréas, où tout est à disposition — emploi, femme, maison — duquel aucune échappée n’est possible, malgré un plan d’évasion qui s’apparentera finalement davantage à un plan de montage d’un meuble Ikéa où tout est, malheureusement, joué d’avance.
Gemma (Imogen Poots) et Tom (Jesse Eisenberg) avec leur enfant devant leur maison dans Vivarium
Critique

« Vivarium » de Lorcan Finnegan : The Ikea Horror Picture Show

16 avril 2021
« Ranger fait de la place à la vie », dit une publicité Ikéa de 2020, sur le titre de Betty Hutton, « It’s Oh So quiet ». Un grand ménage de printemps qu’entend faire tranquillement Vivarium de Lorcan Finnegan, la même année, ou comment un jeune couple sympathique, parce que plein d’espoir encore en ce bas-monde qui ne finit pourtant pas de crever, est en quête de son Graal personnel : s’installer confortablement dans une maison. Rêve de toute une génération qui les conduira irrémédiablement aux confins de l’horreur sociale du tout consumérisme, ikéaisation de la société que le film entend (prétendument) dénoncer quand il en conforte les présupposés.
Angela Abar (Regina King) portant son masque noir dans Watchmen
Interview

« Masques blancs, peau noire. Les visages de Watchmen » : Interview de Saad Chakali

9 avril 2021
Au départ de cinq motifs qui forment autant de questionnements où il redéplie sa pensée, Saad Chakali introduit son livre « Masques blancs, peau noire. Les visages de Watchmen » publié aux éditions L'Harmattan et consacré à la série de Damon Lindelof.
Germaine Dulac, "La Coquille et le Clergyman"
Esthétique

« Écrits sur le cinéma » de Germaine Dulac : Le temps retrouvé du cinéma ?

31 mars 2021
Il est émouvant de retrouver une époque, celle des années 20, celle des années 30, vivace encore aujourd’hui dans ses enjeux cinématographiques, époque décisive, à la charnière du muet/du parlant/, du noir/du blanc/de la couleur, et de citer à se donner le tournis, René Clair, Julien Duvivier, Louis Feuillade, Jacques Feyder, Abel Gance, Marcel l’Herbier, Jean Renoir, Maurice Tourneur, Chaplin, Griffith, les débuts des Ford, Hawks, Vidor, Walsh, mais aussi Hitchcock période muet, Eisenstein, Dreyer, Lang, Murnau, Von Stroheim, pour ne pas dire un Âge d’or que Luis Buñuel tournera en1930…, époque que le travail de Prosper Hillairet sur la théoricienne du cinéma Germaine Dulac rend si bien. Époque tremblante où se joue le destin du cinéma comme la main de Gilles Deleuze, dans son mouvement, dit sa reconnaissance à la théoricienne, en page de garde, non pas comme un avertissement au lecteur, mais comme on feuilletterait un album fait de souvenirs commun. Un album qu’il faut donc rouvrir de toute urgence, le contextualisant, l’exposant, le questionnant afin d’en envisager la puissance comme la pertinence.
Bill Murray et Scarlett Johansson lors de leur virée nocturne dans Tokyo dans Lost in Translation
Rayon vert

« Lost in Translation » de Sofia Coppola : Orange mélancolique

22 mars 2021
Le deuxième long-métrage de Sofia Coppola, Lost in Translation (2004), à travers la rencontre d’un quinquagénaire fatigué de sa vie comme de son mariage, acteur sur la fin, Bob (Bill Murray), avec une à peine ex-étudiante et jeune mariée désillusionnée, Charlotte (Scarlett Johansson), dans un hôtel au Japon, interroge le sens de leur existence. Une quête qui, toutefois, se termine paradoxalement dans le film, à l’instant de son dernier soupir, sans aucun Graal ni lot de consolation distribué, mais par le partage d’un secret, Bob le dévoilant/le murmurant à l’oreille de Charlotte, en un sens qui sera pour toujours dérobé au spectateur, demeurant une énigme inaudible pour lui. Lost in Translation n’offre donc pas de magic box, mais un film sous forme de « boîte noire », une interrogation sur le sens de la vie à laquelle cherche à répondre Sofia Coppola par une énigme sous forme d’absence de solution, sans doute parce que les véritables questions ne s’épuisent jamais dans les réponses.
Bill Murray et Rashida Jones boivent un cocktail dans On The Rocks
Critique

« On The Rocks » de Sofia Coppola : True lies, false life

15 mars 2021
Dans son dernier film, On the Rocks (2020), Sofia Coppola, à travers la crise existentielle que traversent un père et sa fille, semble reprendre et corriger Lost in translation en un procès qui tourne mal, et pour ses personnages et, peut-être aussi et surtout, pour son film comme son cinéma.
Mark (Albert Finney) et Joanna (Audrey Hepburn) sur leur transat à la plage dans Voyage à Deux
Esthétique

« Voyage à deux » de Stanley Donen : Le temps des amoureux qui jouent

12 mars 2021
Avec Voyage à deux de Stanley Donen, la comédie hollywoodienne n'a pas dit son dernier mot, elle en aurait encore sous le capot. Pour sauver les meubles du classique du dépôt au musée des antiquités, rien de mieux alors que le véhicule dynamique de la modernité. Ce n'est pas que la modernité s'opposerait au classicisme comme le présent au passé, c'est qu'elle en représente au contraire la relève héroïque, à l'heure critique des bilans qui concluent les épopées méridiennes sur le crépuscule de la tragédie.
Charlie Chaplin et Jackie Coogan assis dans la rue dans Le Kid
Esthétique

Les 100 ans du « Kid » de Charlie Chaplin

9 mars 2021
À l'occasion du centenaire du « Kid » de Charlie Chaplin, retour sur un film qui dessine une topographie de la misère urbaine et dépeint les échecs comme les contradictions de la société américaine du début du XXème siècle. Mais comme souvent chez Chaplin, c’est au cœur du chaos, là où il n’y a plus d’espoir, que naît la beauté et se produit tout à coup le miracle de la vie.
Randall Patrick McMurphy (Jack Nicholson) dans les bras de « Chef » Bromden (Will Sampson) dans Vol au-dessus d’un nid de coucou
Le Majeur en crise

« Vol au-dessus d’un nid de coucou » de Milos Forman : L’empire des droits, la main du fou

3 mars 2021
Quand passent les cigognes, de 57 à 75 à bond d’oiseau, en un Vol au-dessus d’un nid de coucou, Forman est prêt à jouer dans son film sa pièce maîtresse, en une diagonale du fou assumée, au cours d’une partie d’échecs symbolique entre McMurphy l’interné et Miss Ratched l’infirmière psychiatrique, chacun rejouant les codes comme les valeurs libérales de l’Amérique, où Forman propose rien de moins qu’une forme inédite de gouvernement démocratique dans son film.
Dick Johnson mis en scène dans une fausse mort dans Dick Johnson is Dead
Critique

« Dick Johnson is Dead » de Kirsten Johnson : Quand les images ressuscitent

26 février 2021
« Dick Johnson is Dead » (disponible sur Netflix) met en scène une série de morts imaginaires de Dick Johnson tout en révélant constamment ses artifices. Derrière cet aspect ludique, les images témoignent plus que jamais de leur capacité à transformer un individu quelconque en un personnage de cinéma doté d'une certaine forme d'immortalité. Mais cette tentative a aussi ses limites et, dans le cadre d'un film documentaire, pose des questions sur la place du réel dans un film qui ne cesse de vouloir le contourner.
Margaret Waverton (Gloria Stuart) et Morgan (Boris Karloff) dans La Maison de la Mort
Le Majeur en crise

« La Maison de la mort » de James Whale : Un fou rire de baleine

23 février 2021
The Old Dark House est électrisé d'un rire qui appartient pleinement à son auteur, James Whale. Un rire de baleine, son nom bien sûr s'y prête. Le film est monstrueux en soumettant son paysage gothique, partagé entre une nature apocalyptique et une vieille bâtisse lourde en inavouables secrets, aux pressions marines d'un humour scatologique qui tire de l'arrière-plan psychanalytique un grand fou rire. Rire immense en brouillant les lignes du genre comme de fouetter l'ordre des sexualités (le verbe to whale signifie rosser, flageller). Rire immense dédié à un amour fou et tabou dont la noyade de James Whale est une ponctuation finale comme une image de vérité pour qui s'est appelé Baleine en lâchant le mot de la fin : « c'est assez ».