L’âge d’or du cinéma, pour certains, c’était avant. Le muet, un cinéma d’implosion et d’explosion, qui se serait rétracté ensuite. Serge Daney. Mais d’aucuns jureront que ce sera avant tout Murnau, tout Murnau, plus tard Ford, Antonioni, Rossellini, dans une certaine mesure, au début. Pour d’autres encore, l’âge d’or, ce sera après, en une ressaisie en avant. Godard. Le plus beau film : celui qui n’a pas encore été réalisé. Chaque époque fait ainsi son lit, arrange son âge d’or, sans regard toujours rétrospectif, ces revues qui inventent le film du mois, la photographie du mois, ce qu’ont pratiqué les Cahiers du cinéma. Quel peut bien être le coup de cœur du mois ? Mais s’il n’y avait pas de battements par minute un mois durant, ni même une année? Si un mois passait, une année, où ne se produirait aucun contact, rien à voir, un trou noir, se demandait encore Serge Daney à l’inauguration de Trafic, en 1992, que faire ? « Rapatrier son objet d’amour », disait un poème d’Ezra Pound en ouverture de la revue. Rapatrier son regard, autant, en se (re-)demandant de quoi le cinéma est-il le nom, le désembuer de toutes ces images prises dans la rétine, en lisant l’ouvrage de Prosper Hillairet, Passages du cinéma.