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Trond Fausa Aurvåg devant une maison dans le désert dans Norway of Life
Critique

« Norway of Life » de Jens Lien : Phantom of the IKEA Paradise

23 avril 2021
Norway of life (2006), premier film de Jens Lien, entendait sans doute jeter les bases, au début des années 2000, d’un nouveau type de cinéma contestataire, dénonçant ce qu’il conviendrait d’appeler l’ikéaisation de nos sociétés. Un monde étrange dans lequel se trouve plongé Andréas, où tout est à disposition — emploi, femme, maison — duquel aucune échappée n’est possible, malgré un plan d’évasion qui s’apparentera finalement davantage à un plan de montage d’un meuble Ikéa où tout est, malheureusement, joué d’avance.
Gemma (Imogen Poots) et Tom (Jesse Eisenberg) avec leur enfant devant leur maison dans Vivarium
Critique

« Vivarium » de Lorcan Finnegan : The Ikea Horror Picture Show

16 avril 2021
« Ranger fait de la place à la vie », dit une publicité Ikéa de 2020, sur le titre de Betty Hutton, « It’s Oh So quiet ». Un grand ménage de printemps qu’entend faire tranquillement Vivarium de Lorcan Finnegan, la même année, ou comment un jeune couple sympathique, parce que plein d’espoir encore en ce bas-monde qui ne finit pourtant pas de crever, est en quête de son Graal personnel : s’installer confortablement dans une maison. Rêve de toute une génération qui les conduira irrémédiablement aux confins de l’horreur sociale du tout consumérisme, ikéaisation de la société que le film entend (prétendument) dénoncer quand il en conforte les présupposés.
Angela Abar (Regina King) portant son masque noir dans Watchmen
Interview

« Masques blancs, peau noire. Les visages de Watchmen » : Interview de Saad Chakali

9 avril 2021
Au départ de cinq motifs qui forment autant de questionnements où il redéplie sa pensée, Saad Chakali introduit son livre « Masques blancs, peau noire. Les visages de Watchmen » publié aux éditions L'Harmattan et consacré à la série de Damon Lindelof.
Germaine Dulac, "La Coquille et le Clergyman"
Esthétique

« Écrits sur le cinéma » de Germaine Dulac : Le temps retrouvé du cinéma ?

31 mars 2021
Il est émouvant de retrouver une époque, celle des années 20, celle des années 30, vivace encore aujourd’hui dans ses enjeux cinématographiques, époque décisive, à la charnière du muet/du parlant/, du noir/du blanc/de la couleur, et de citer à se donner le tournis, René Clair, Julien Duvivier, Louis Feuillade, Jacques Feyder, Abel Gance, Marcel l’Herbier, Jean Renoir, Maurice Tourneur, Chaplin, Griffith, les débuts des Ford, Hawks, Vidor, Walsh, mais aussi Hitchcock période muet, Eisenstein, Dreyer, Lang, Murnau, Von Stroheim, pour ne pas dire un Âge d’or que Luis Buñuel tournera en1930…, époque que le travail de Prosper Hillairet sur la théoricienne du cinéma Germaine Dulac rend si bien. Époque tremblante où se joue le destin du cinéma comme la main de Gilles Deleuze, dans son mouvement, dit sa reconnaissance à la théoricienne, en page de garde, non pas comme un avertissement au lecteur, mais comme on feuilletterait un album fait de souvenirs commun. Un album qu’il faut donc rouvrir de toute urgence, le contextualisant, l’exposant, le questionnant afin d’en envisager la puissance comme la pertinence.
Bill Murray et Scarlett Johansson lors de leur virée nocturne dans Tokyo dans Lost in Translation
Rayon vert

« Lost in Translation » de Sofia Coppola : Orange mélancolique

22 mars 2021
Le deuxième long-métrage de Sofia Coppola, Lost in Translation (2004), à travers la rencontre d’un quinquagénaire fatigué de sa vie comme de son mariage, acteur sur la fin, Bob (Bill Murray), avec une à peine ex-étudiante et jeune mariée désillusionnée, Charlotte (Scarlett Johansson), dans un hôtel au Japon, interroge le sens de leur existence. Une quête qui, toutefois, se termine paradoxalement dans le film, à l’instant de son dernier soupir, sans aucun Graal ni lot de consolation distribué, mais par le partage d’un secret, Bob le dévoilant/le murmurant à l’oreille de Charlotte, en un sens qui sera pour toujours dérobé au spectateur, demeurant une énigme inaudible pour lui. Lost in Translation n’offre donc pas de magic box, mais un film sous forme de « boîte noire », une interrogation sur le sens de la vie à laquelle cherche à répondre Sofia Coppola par une énigme sous forme d’absence de solution, sans doute parce que les véritables questions ne s’épuisent jamais dans les réponses.
Bill Murray et Rashida Jones boivent un cocktail dans On The Rocks
Critique

« On The Rocks » de Sofia Coppola : True lies, false life

15 mars 2021
Dans son dernier film, On the Rocks (2020), Sofia Coppola, à travers la crise existentielle que traversent un père et sa fille, semble reprendre et corriger Lost in translation en un procès qui tourne mal, et pour ses personnages et, peut-être aussi et surtout, pour son film comme son cinéma.
Mark (Albert Finney) et Joanna (Audrey Hepburn) sur leur transat à la plage dans Voyage à Deux
Esthétique

« Voyage à deux » de Stanley Donen : Le temps des amoureux qui jouent

12 mars 2021
Avec Voyage à deux de Stanley Donen, la comédie hollywoodienne n'a pas dit son dernier mot, elle en aurait encore sous le capot. Pour sauver les meubles du classique du dépôt au musée des antiquités, rien de mieux alors que le véhicule dynamique de la modernité. Ce n'est pas que la modernité s'opposerait au classicisme comme le présent au passé, c'est qu'elle en représente au contraire la relève héroïque, à l'heure critique des bilans qui concluent les épopées méridiennes sur le crépuscule de la tragédie.
Charlie Chaplin et Jackie Coogan assis dans la rue dans Le Kid
Esthétique

Les 100 ans du « Kid » de Charlie Chaplin

9 mars 2021
À l'occasion du centenaire du « Kid » de Charlie Chaplin, retour sur un film qui dessine une topographie de la misère urbaine et dépeint les échecs comme les contradictions de la société américaine du début du XXème siècle. Mais comme souvent chez Chaplin, c’est au cœur du chaos, là où il n’y a plus d’espoir, que naît la beauté et se produit tout à coup le miracle de la vie.
Randall Patrick McMurphy (Jack Nicholson) dans les bras de « Chef » Bromden (Will Sampson) dans Vol au-dessus d’un nid de coucou
Le Majeur en crise

« Vol au-dessus d’un nid de coucou » de Milos Forman : L’empire des droits, la main du fou

3 mars 2021
Quand passent les cigognes, de 57 à 75 à bond d’oiseau, en un Vol au-dessus d’un nid de coucou, Forman est prêt à jouer dans son film sa pièce maîtresse, en une diagonale du fou assumée, au cours d’une partie d’échecs symbolique entre McMurphy l’interné et Miss Ratched l’infirmière psychiatrique, chacun rejouant les codes comme les valeurs libérales de l’Amérique, où Forman propose rien de moins qu’une forme inédite de gouvernement démocratique dans son film.
Dick Johnson mis en scène dans une fausse mort dans Dick Johnson is Dead
Critique

« Dick Johnson is Dead » de Kirsten Johnson : Quand les images ressuscitent

26 février 2021
« Dick Johnson is Dead » (disponible sur Netflix) met en scène une série de morts imaginaires de Dick Johnson tout en révélant constamment ses artifices. Derrière cet aspect ludique, les images témoignent plus que jamais de leur capacité à transformer un individu quelconque en un personnage de cinéma doté d'une certaine forme d'immortalité. Mais cette tentative a aussi ses limites et, dans le cadre d'un film documentaire, pose des questions sur la place du réel dans un film qui ne cesse de vouloir le contourner.
Margaret Waverton (Gloria Stuart) et Morgan (Boris Karloff) dans La Maison de la Mort
Le Majeur en crise

« La Maison de la mort » de James Whale : Un fou rire de baleine

23 février 2021
The Old Dark House est électrisé d'un rire qui appartient pleinement à son auteur, James Whale. Un rire de baleine, son nom bien sûr s'y prête. Le film est monstrueux en soumettant son paysage gothique, partagé entre une nature apocalyptique et une vieille bâtisse lourde en inavouables secrets, aux pressions marines d'un humour scatologique qui tire de l'arrière-plan psychanalytique un grand fou rire. Rire immense en brouillant les lignes du genre comme de fouetter l'ordre des sexualités (le verbe to whale signifie rosser, flageller). Rire immense dédié à un amour fou et tabou dont la noyade de James Whale est une ponctuation finale comme une image de vérité pour qui s'est appelé Baleine en lâchant le mot de la fin : « c'est assez ».
Tom (Tom Hanks) et Cigale (Helena Zengel) sur la route dans La Mission
Critique

« La Mission » de Paul Greengrass : Sors de ce corps, John Ford !

17 février 2021
Il était une fois, cinq ans après la fin de la guerre de sécession, en l’an 1870, l’histoire de Tom, ancien soldat de l’armée des confédérés, un sudiste qui n’en a pas l’air, traversant le Sud des États-Unis, journaux en main qu’il lit le soir venu chaque fois devant une assemblée différente, leur apportant les nouvelles d’un monde que les gens du Sud ne connaissent pas, d’un pays si vaste qu’on dirait l’univers porté à ses confins. Tom leur lit le Times, mais comment être à l’heure de l’histoire, au rendez-vous d’une nation quand deux Amériques, celle du Sud, celle du Nord, ne se trouvent ni sur le même fuseau horaire ni, au fond, sur la même planète ? Voici donc La Mission (Paul Greengrass, 2021) de Tom, éduquer ce peuple du Sud à la communauté, ce peuple qui n’en forme pas encore un avec celui du Nord, l’éveiller tout autant à la conscience démocratique, rejouant la naissance d’une nation, mais sur le terrain de John Ford que Paul Greengrass entend dépasser problématiquement.
Jeanne (Emmanuelle Béart) seule dans la jungle dans Vinyan
Esthétique

Fabrice Du Welz : Le cinéma au miroir des âmes simples et anéanties

15 février 2021
Fabrice Du Welz est un cinéaste mystique, traversé de visions empreintes de religion comme de religiosité, un Thérèse d’Avila, profondément habité par quelque chose qui échappera toujours, en quête d’absolu comme les réalisateurs de l’époque des grands studios, à la manière de ceux qui construisaient des cathédrales : chercher l’élévation à partir d’un matériau brut, qui résiste. Une vision mi-extatique/mi-hallucinatoire, une ambition folle avec ses débordements, possédant le génie de parvenir à mettre des univers singuliers comme des rêves sur pellicule : un cinéaste, c’est-à-dire à la fois un auteur qui s’efforce à la maîtrise mais qui est tout autant immaîtrisé par son sujet, la recherche d’un ciné-éthique, une cinéthique non morale, dont la cinétique des personnages, leur course folle à travers leur monde, creuse le mal en y cherchant des aspérités de bien auxquelles se raccrocher, personnages à la frontière de l’immanence comme de la transcendance, là où ça grippe, là où ça bloque, là où ça carrosse les tôles de leur corps comme de leur âme : des individus qui pâtissent leur propre transcendance. Un cinéaste dont il serait temps de restituer sa pensée.
Amélie Poulain (Audrey Tautou) au cinéma dans Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain
Critique

« Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » : Paris, asile de fous (ou Le Cabinet du Dr. Jeunet)

11 février 2021
Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain est considéré par beaucoup comme un film optimiste, utopique ou joyeux. Or, tous les personnages sont victimes d’une psychopathologie ou d’une névrose : le film est par là un grand cabinet de curiosités. Dans un Paris recréé de toutes pièces, Jean-Pierre Jeunet ouvre les portes d'un gigantesque asile de fous dans lequel déambulent des malades de toutes sortes et où il est loin de faire bon vivre.
Les quatre soldats plantent le drapeau dans Mémoires de nos pères
Le Majeur en crise

« Mémoires de nos pères » de Clint Eastwood : L’Amérique en quête d’auteur

8 février 2021
En 2006, Clint Eastwood, au mitan de sa vie bien passée comme les couleurs ont perdu leur éclat, fait le bilan. Il revient ainsi dans Mémoires de nos pères, sur un fait d’arme – la prise du Mont Suribachi lors de la bataille d’Iwo Jiwa contre les Japonais, immortalisée par une photographie célèbre. Trois des six marines qui y figurent, acceptant de porter la bonne parole à travers les États-Unis, vont dès lors aller comme on part à la recherche de ses souvenirs, à la conquête de l’Histoire de l’Amérique quand on père la mémoire.
Elias Koteas et Rosanna Arquette font l'amour dans Crash
Interview

« La Transgression selon David Cronenberg » : Interview de Fabien Demangeot

5 février 2021
Avec « La Transgression selon David Cronenberg », notre rédacteur Fabien Demangeot signe un essai synthétique et de vulgarisation autour de l’œuvre du cinéaste canadien. En analysant trois formes de transgression, il reconnecte surtout ses films à ses origines les moins nobles, des sous-genres du film d'horreur aux pratiques pornographiques les plus crues.
Eric Packer (Robert Pattinson) avec une arme à la main dans Cosmopolis
Esthétique

« Cosmopolis » de David Cronenberg : Indicibles métamorphoses

1 février 2021
Bien qu'il soit difficile de considérer Cosmopolis comme un film fantastique ou de science-fiction, sa structure semble pourtant bien totalement onirique. Son monde, avec son esthétique très lisse de photos de mode sur papier glacé, est aussi virtuel que les univers hallucinogènes d'eXistenZ et du Festin Nu. Il dénonce, malgré son cadre spatio-temporel strict (une journée de la vie d'Eric Packer) et ses personnages archétypaux (le golden-boy, la fiancée vaporeuse, le petit génie de l'informatique), une constante chez Cronenberg : l'idée même d'illusion réaliste.
Jessie Buckley dans la maison de ses parents dans Je veux juste en finir
Critique

« Je veux juste en finir » de Charlie Kaufman : Les nuits blanches de Jake

25 janvier 2021
Je veux juste en finir raconte l’histoire de Jake, un personnage qui projette sa propre vie en la recréant de manière distordue sous l’effet de sa dépression comme on se raconte à soi-même des histoires pour tenir/dormir debout, des histoires fantastiques dont le film de Charlie Kaufman nous rappelle que le prodigieux qu’il produit comme l’effet de surnaturel induit n’est jamais rien d’autre qu’un trou dans le réel donnant lieu à un combat acharné, celui mené par Jake, afin de le résorber en une lutte sans donjons ni nécessairement dragons mais avec ses propres démons. Je veux juste en finir, film de chevalerie ? Sans doute un film mental qui serait un grand film d’action, réactivant la pratique archaïque mais aussi moyenâgeuse de l’ordalie comme forme d’auto-procès et d’auto-jugement de sa vie. Un film singulier, dont il faudrait également tenter une ressaisie à l’égard de l’histoire des formes comme des tendances qui se dégagent de cette année 2020.
Une salle de cinéma
Histoires de spectateurs

Sociologie et économie du cinéma belge et de la cinéphilie en Belgique

20 janvier 2021
Dans cette étude à la fois sociologique et économique, nous nous intéressons dans un premier temps à la place qu'occupe la cinéphilie (au sens parisien du terme) en Belgique et au nombre d'entrées que réalisent les films d'auteur. Sur base des données récoltées, nous verrons que cette pratique semble bien marginale et que même certains des plus grands réalisateurs ne rencontrent pas leur public en Belgique. Ensuite, nous chercherons à savoir si le cinéma belge francophone trouve grâce aux yeux de ce type de cinéphilie mais aussi d'un point de vue global. Si certaines réponses sont déjà bien connues (échecs publics, etc.), nous en profiterons pour décortiquer, chiffres en mains, la communication qui accompagne aujourd'hui la production et la circulation du cinéma belge francophone.
Charles Winninger, Arleen Whelan et John Russell dans Le Soleil brille pour tout le monde
Le Majeur en crise

« Le Soleil brille pour tout le monde » de John Ford : Old Mister Priest

18 janvier 2021
Dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford, le soleil aura en effet donné en rayonnant pour tout un chacun, démocratiquement. Y compris en éclairant les foyers obscurs de la violence communautaire, raciale et sexuelle. Mais le temps est venu aussi pour le soleil de commencer à se coucher en laissant au spectateur le souvenir intense d'un inoubliable occident.
Hawkeye (Daniel Day-Lewis) entouré de soldats dans Le Dernier des Mohicans
Esthétique

« Le Dernier des Mohicans » de Michael Mann : Amerindian Runner

13 janvier 2021
Le Dernier des Mohicans ressemble à son héros, une figure de démon à cheval entre les mondes qui traverse les frontières avec une vitesse déstabilisant subtilement les habituelles partitions. Le dernier des Mohicans se présente alors ainsi : comme le premier Mohican d'un temps qui est celui d'après les Mohicans. C'est pourquoi le héros du film ressemble beaucoup aussi à son auteur, Michael Mann, en avance sur son temps en même temps qu'il est issu du temps d'avant, un pied dans le cinéma mainstream et un autre dans le cinéma d'auteur héritier du « Nouvel Hollywood », à la fois hypermoderne et néoclassique.
Daniel Plainview (Daniel Day-Lewis) assis devant un puit de pétrole en feu dans There Will Be Blood
Le Majeur en crise

« There Will Be Blood » de Paul Thomas Anderson : L’Ouest américain a-t-il perdu le Nord ?

11 janvier 2021
There Will Be Blood montre que, aussi profonde, aussi humaine, aussi spirituelle soit-elle, l’Amérique sera toujours en retard sur son rêve. Que la nature véritable de l’Amérique, c’est donc de ne pas en avoir, c’est-à-dire encore d’avoir toujours été désenchantée. La crise du rêve américain n’est donc pas son supplément, son appendice. Elle ne lui vient pas de dehors, n’est pas son extérieur. Elle est ce qui structure l’Amérique. Elle lui est consubstantielle. Sa crise, c’est sa normalité, sinon le film n’aurait jamais débuté dans les tréfonds de la terre.
Le vieux balayeur et les projections de Jessie et Jesse dans le couloir de l'école dans Je veux juste en finir
Rayon vert

Épiphanies 2020 : Tentative de ne pas faire un Top Cinéma Annuel

5 janvier 2021
Les épiphanies sont pour nous autant d'occasions de ne pas faire de top cinéma 2020 : ni hiérarchie, ni jugement de goût, rien que le passage d'affects quelque part entre les écrans de cinéma et les pensées et les corps des spectateurs.
Beth Harmon (Anya Taylor-Joy) avec une revue sur les échec dans la librairie dans The Queen's Gambit (Le jeu de la Dame)
La Chambre Verte

« Le Jeu de la dame » : Le visage royaume d'Anya Taylor-Joy

29 décembre 2020
Au-delà du singulier et brillant parcours de la joueuse d'échecs surdouée qu'elle interprète dans Le Jeu de la dame, Anya Taylor-Joy a mis son visage au centre de tous les regards. Et si la mini-série de Scott Frank était une œuvre entièrement orientée vers cet unique visage ?
Les quatre soeurs Lisbon (Andrea Joy Cook, Kirsten Dunst, Leslie Hayman et Chelse Swain) dans Virgin Suicides
Rayon vert

« Virgin Suicides » de Sofia Coppola : Soleil noir de la mélancolie ?

27 décembre 2020
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. On était aux États-Unis, plein focus sur sa middle-class, au milieu des années 70. L’Amérique rayonnait, jusqu’à ce qu’elle fasse sa crise d’adolescence, lorsque cinq sœurs, les Virgin Suicides filmées par Sofia Coppola, théorie des dominos oblige, tombent les unes après les autres. Un suicide sans raison ni pourquoi, qui sera l’objet d’une enquête approfondie vingt-cinq ans durant, afin de tenter d’en élucider le mystère.
Charlie Chaplin sur scène dans Chaplin
Esthétique

De l'autobiographie de Charlie Chaplin au biopic « Chaplin » de Richard Attenborough

25 décembre 2020
Dans « My Autobiography », Charlie Chaplin retrace sa vie d’homme et d’artiste avec force détails, une vie que Richard Attenborough porte à l’écran en 1992 dans un film pudiquement intitulé « Chaplin ». Le cinéaste reste assez fidèle au texte écrit par Chaplin tout en essayant d’en éclairer les zones d’ombres par l’intermédiaire d’un personnage fictif, Georges Hayden, censé être l’éditeur du père de Charlot. Tout comme Chaplin a choisi de ne partager avec ses lecteurs que certains épisodes de son existence, Attenborough ne transpose à l’écran que certains passages, dûment sélectionnés, de l’autobiographie. À quels choix, à quels impératifs, les deux hommes ont-ils respectivement obéis dans la mise en mots ou en images de ce qui s’avère de la part de Chaplin un véritable testament à l’adresse du public ? Y-a-t-il adéquation entre les deux projets d’écriture ?
Trois danseurs dans la rue dans West Side Story
Esthétique

« West Side Story » de Robert Wise et Jerome Robbins : Le creuset, son monument, ses grumeaux

21 décembre 2020
West Side Story, film phare et film fétiche, toujours déjà vu et jamais regardé pour ce qu’il est vraiment, joue un double jeu. L’intégration dans le genre du musical de clivages sociaux originaux, générationnels et raciaux, appartient à un spectacle monumental inséré dans un programme urbanistique faisant de la démocratie culturelle le mode de légitimation d’une gentrification des quartiers populaires. Le contexte est en effet pour les États-Unis celui d’une reconfiguration à la fois territoriale, culturelle et même géopolitique et West Side Story y participe en bombant suffisamment le torse pour valoir comme monument publicitaire d’un creuset national grumeleux, et d’un genre alors moins triomphant que déclinant.
Mank (Gary Oldman) en pleine réflexion dans Mank
Critique

« Mank » de David Fincher : ou Mank dit Mankélévitch le scénariste extra-lucide

16 décembre 2020
Dans Mank, David Fincher continue de (nous faire) croire aux puissances du récit comme dans ses œuvres précédentes. Il s’efforce une nouvelle fois de déplacer notre regard de spectateur trop longtemps porté, cette fois-ci, sur une légende du cinéma comme de « son » supposé chef d’œuvre Citizen Kane, pour le délocaliser vers celui qui en serait le véritable créateur, Herman Mankiewicz. Débute alors une enquête sur la psyché de l’Homo Americanus le Festivus, qui voudrait s’efforcer d’en dire les trous comme la mémoire.
Les deux moines sur le lac dans Printemps, été, automne, hiver… et printemps
Esthétique

La rhétorique des liquides chez Kim Ki-Duk : Au fil de l’eau, un cinéma qui coule à Flot ?

11 décembre 2020
Tout au long d’une filmographie qui court déjà sur une vingtaine d’années comme en autant de réalisations, le cinéaste Kim Ki-Duk y met en scène depuis ses débuts ses Vertigo, obsessions qui reviennent sans cesse comme les marées, sous forme d’une rhétorique de l’eau assumée, filmant ses personnages comme un pays, la Corée du Sud, entre eaux coulantes et eaux dormantes, pour nous dire leur dérive ; en dérive, c’est-à-dire à la fois, pour chacun, libérés et tenus, leurs possibilités d’écart restant inscrits dans un certain ordre qu’il s’agira pour tous de (re-)conquérir ou non.
Le pneu tueur dans Rubber
Esthétique

Quentin Dupieux, l'éternel amateur

9 décembre 2020
La filmographie de Quentin Dupieux existe d'abord par son refus du geste rationnel, d'une vision froide et techniciste du cinéma. Le cinéaste ne cherche pas à s'insurger contre la raison à la manière des surréalistes et Luis Buñuel dont il s'inspire. La critique du cinéma comme profession et la désacralisation du dispositif qu'elle impose se retrouvent néanmoins dans tous ses films comme dans ses propos, exprimant une méfiance envers une vision élitiste et perfectionniste de l’art qui exclut a priori ses revendications de cinéaste et d’artiste musical non-professionnel.
Rob (Marlon Morton) croise et regarde la fille du supermarché (Madi Ortiz) dans The Myth of the American Sleepover
Rayon vert

« The Myth of the American Sleepover » de David Robert Mitchell : Hanter et désirer

4 décembre 2020
En regard de « It Follows » (2014) et « Under the Silver Lake » (2018), « The Myth of the American Sleepover » peut lui aussi être abordé par le prisme de la hantise. En transposant les codes du film de genre pour que hanter et désirer coïncident dans une nouvelle alchimie, le premier film de David Robert Mitchell permet d'affirmer définitivement que son cinéma se construit sur une hantologie protéiforme.
Charles Chaplin, L’Emigrant, 1917, le rêve de la Terre Promise.
Chronique

« Charlie Chaplin. Le Rêve » d'Adolphe Nysenholc

1 décembre 2020
L’originalité de « Charlie Chaplin. Le Rêve », le livre d’Adolphe Nysenholc, réside dans la façon dont il mime les productions de l’Age d’Or du cinéma muet, dans un va et vient constant entre diverses silhouettes, entre divers visages, entre Chaplin et les personnages qu’il joue, au point que le lecteur déambule dans un monde de doubles.
Oyu Kayukawa (Kinuyo Tanaka) dans la forêt avec ses amis dans Miss Oyu
Rayon vert

« Miss Oyu » de Kenji Mizoguchi : Bizarre Love Triangle

20 novembre 2020
Le cinéma de Kenji Mizoguchi est d'une lucidité étourdissante et confondante. Son art est sorcellaire en ceci qu'il fait lever d'une matière extrêmement précise et documentée des paysages impersonnels dont la vérité, toujours cruelle, a la force expressive de défier les époques – la force de l'éternité. C'est le cas de Miss Oyu où l'amour est une onde solitaire comme un soliton accouchant au milieu des décombres d'un enfant dont le don est comme un trésor de légende dans le Japon de l'après-guerre.
La première vache arrive sur terre dans First Cow
Critique

« First Cow » de Kelly Reichardt : Entre terre et ciel

13 novembre 2020
Avec « First Cow », Kelly Reichardt et sa poétique rappellent que l'homme est un être qui s'enracine dans l'ensemble du vivant et, comme toujours dans son cinéma, le transcende pour le pire (l’appât du gain, la propriété et la bêtise) mais surtout pour le meilleur : une histoire d'amitié comme seule la cinéaste sait les filmer, tel un astre brillant entre terre et ciel.
Brad Dourif dans Le Malin
Critique

Pourvu qu'on ait l'ivresse : « Le Malin » (1979) et « Au-dessous du volcan » (1984) de John Huston

11 novembre 2020
Pour l'inégal John Huston, l'important n'aura pas été d'être constant sauf dans l'échec. Certains de ses meilleurs films ont réussi à accéder à la vérité de l'échec quand tant d'autres y auront, parfois dans les grandes largeurs, échoué. L'échec serait un cliché hustonien égal à l'incommunicabilité pour le cinéma antonionien s'il n'y avait pas, en effet, les quelques grands films qui ont vu la terrible vérité de l'échec qui est la fêlure dont on fait un destin – fêlure de l’homme qui échoue aveuglément à sortir de la religion de la sortie de la religion dans « Le Malin » (1979) ; fêlure du représentant diplomatique doublé du bouffon visionnaire et alcoolique de « Au-dessous du volcan » (1984).
Alice (Anicée Alvina) sur une chaise en train de prier dans Glissements progressifs du plaisir
Esthétique

« Glissements progressifs du plaisir » d’Alain Robbe-Grillet : Dysnarrativité et circulation des objets

6 novembre 2020
Glissements progressifs du plaisir est un film qui ne cesse de se dérober aux spectateurs. En jouant avec l'imaginaire du polar et de la série rose, Alain Robbe-Grillet ne cherche pas tant à raconter une histoire qu'à la déconstruire pour proposer, en parallèle à une intrigue en apparence classique, une nouvelle narration autour d'objets pourvus de multiples significations. Ce sont les glissements progressifs du sens, ou plutôt des sens, qui deviennent ici source de plaisirs pour qui en accepte les innombrables fluctuations.
Anne-Marie Stretter (Delphine Seyring) et le reflet dans le mirroir du vice-consul (Michael Lonsdale) dans India Song
Rayons Verts

« India Song » de Marguerite Duras : Amour océan

30 octobre 2020
India Song, air éternel, ritournelle océanique. La bourgeoisie occidentale n'a pas d'autre avenir que celui de son ravissement – cri de la bête dans la jungle à un bord et à l'autre chant de rire et de folie de la mendiante indifférente. Soleil cou coupé (selon l'expression d'Aimé Césaire) à l'horizon de la dislocation des bandes image et son en pointant vers l'aurore et l'orient. Occidental dans le film de Marguerite Duras qualifie ainsi un bal en boucle pour les fantômes inconscients d'un cinéma permanent.
Kim Min-hee dans la rue avec son parapluie dans La Femme qui s'est enfuie
Critique

« La Femme qui s’est enfuie » de Hong Sang-soo : Femmes entre elles (et puis l’homme entra)

25 octobre 2020
Le cinéma de Hong Sang-soo ressemble toujours plus à un jardin citadin et son jardinier y entretient un parterre fleuri de fugues féminines tout en tenant au respect du secret de leur racine. En son centre rayonne la fleur Kim Min-hee dont l’exil intérieur est une dette dont tenteraient de s’acquitter les derniers films de son compagnon. La Femme qui s’est enfuie cristallise les piétinements du jardinier endetté auprès de la plus belle de ses fleurs tout en persévérant à entretenir la préservation d’un privilège masculin indispensable à la fiction. Ce texte, écrit à trois plumes, installe une dialectique autour de trois points que le texte soulève.
Martin (Mads Mikkelsen) boit une bouteille de Champagne dans Drunk
Critique

« Drunk » de Thomas Vinterberg : La danse du demi-gramme

14 octobre 2020
Contrairement à son personnage principal incarné par Mads Mikkelsen, « Drunk » de Thomas Vinterberg évite de se prendre un mur. Le film finit en effet par montrer que l’expérience faite par les quatre protagonistes n’était pas tout à fait vaine, absurde, ou même dangereuse, mais qu’elle les avait bel et bien plongés dans un pur état d’allégresse, évitant ainsi un côté programmatique et moralisateur que le film laissait par moments entrevoir.
Ondine (Paula Beer) et Christoph (Franz Rogowski) dans la piscine dans Ondine
Critique

« Ondine » de Christian Petzold : De la nixe au grand noir

13 octobre 2020
Ondine prévient Johannes qui veut la quitter : s'il part, il doit mourir, il ne peut en être autrement. Ainsi s'exprime Ondine qui, quand elle n'est pas conférencière au Sénat de Berlin qu'elle fait visiter en docteure en histoire et spécialiste de l'urbanisme de la capitale allemande, croit secrètement aux obligations mythiques de son prénom. La croyance d'un destin mythique est un appel ensorcelant à quitter les surfaces de la raison mais il n'y a qu'une brasse entre l'attrait des profondeurs et la liquidation des miroirs de l'histoire.
Heidi en voyage en Chine dans Heidi en Chine
FIFF

« Heidi en Chine » : Interview de François Yang

9 octobre 2020
Accompagnant sa mère Heidi dans un voyage sur les traces du passé de sa famille et de la Chine, François Yang déploie un récit humain dans lequel l’intime accueille une quête d’identité liée à l’histoire socio-politique d’un pays. Il parvient à en dire beaucoup sans jamais tomber dans la démonstration ou le didactisme. L’extrême sensibilité de Heidi en Chine et son final en forme d’épiphanie nous ont convaincu de rencontrer son réalisateur afin de mettre quelques mots sur ce ressenti.
Liz (Noée Abita) dans Slalom
FIFF

Interview de Noée Abita, apprentie sorcière

5 octobre 2020
Cette rencontre avec Noée Abita est une nouvelle occasion d'ouvrir les portes de notre Chambre Verte. Le travail de cette jeune actrice de 21 ans, par la cohérence de sa filmographie, permet en effet déjà de tisser des liens entre ses différents rôles et de raconter une double histoire : celle d'une adolescence sombre et sans tabous et celle de corps qui ne cessent d'affirmer leur puissance et leurs désirs en évitant les étiquettes et toute forme de surdétermination.
Niels Schneider (Maxime) et Guillaume Gouix (Gaspard) se promènent dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
Critique

Fini de rire : « Énorme », « Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait » et « Antoinette dans les Cévennes »

1 octobre 2020
Les comédies ont du caractère quand elles s'en amusent comme d'un masque. Elles se trahissent tragiquement quand le jeu qui fait rire du caractère s'apparente à une faute douloureuse qu'il faudrait naturellement assumer – faute monstrueuse de renier l’appel de la maternité dans Énorme de Sophie Letourneur ; faute idéaliste de croire en l’amour alors qu’il faudrait savoir y renoncer dans Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait d'Emmanuel Mouret ; faute morale de persévérer dans l’ânerie d’une liaison adultère avec Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal. Preuve par trois où l'on verra cependant qu'un âne peut braire en exprimant la triste vérité des résignations de la comédie française actuelle comme, plus généralement, des renoncements caractérisant l'époque.
La scène du bûcher dans Lux Aeterna
Critique

« Lux Aeterna » : La Béatrice de Gaspar Noé

28 septembre 2020
Une nouvelle fois, Gaspar Noé prouve avec Lux Aeterna qu'il est le batracien préféré du cinéma français, la grenouille franchouille qui enfle du rêve juvénile d'être un bœuf du cinéma mondial. S'ingénier à vouloir à chaque film donner raison à la fable proverbiale de Jean de La Fontaine a un coût, celui de l'épate et de l'éclate dont les coups font pschitt quand ils ne font pas plouf.
La bande des gangsters dans Reservoir Dogs
Esthétique

« Reservoir Dogs » de Quentin Tarantino : Le paradoxe de Mr. Orange

25 septembre 2020
Mr. Orange (Tim Roth) construit une fausse persona et un faux récit, mais il se rachète de ce mensonge en voulant révéler la vérité, même si ce sursaut est pour lui suicidaire. Ce paradoxe que représente Mr. Orange, Quentin Tarantino l’incarne aussi parfaitement avec Reservoir Dogs, lui qui se dissimulera d’abord derrière une superficialité feinte, derrière l’esbroufe et les clins d’œil, pour au final délivrer une certaine vérité, celle d’un point de vue et d’un véritable discours sur le cinéma et ses possibilités de torsion de la narration et du montage.
Benoît Poelvoorde avec son pistolet dans C'est arrivé près de chez vous
Le Majeur en crise

« C’est arrivé près de chez vous » : Le Verbe tueur

22 septembre 2020
« C’est arrivé près de chez vous » repose sur une confiance absolue dans le pouvoir des mots qui font de Ben (Benoît Poelvoorde) un démiurge. Dans ce monde de création et d'éloquence, un cocktail peut tout à fait se substituer à un être humain. Cette maîtrise buttera cependant sur ses propres limites, et le film finira par condamner les personnages, mais toujours par les mots, qui perdent alors leurs pouvoirs.
Emma et Anaïs couchées dans un champ dans Adolescentes
Critique

« Adolescentes » de Sébastien Lifshitz : Divergentes

18 septembre 2020
Pendant cinq années, Sébastien Lifshitz a filmé la vie de deux amies, Emma et Anaïs, de la fin joyeuse des années collège aux ouvertures incertaines de l'après-bac. Le documentaire au long cours extrait d'un matériau de 500 heures de rush insiste à se présenter comme une chronique toute en sensibilité trouvant dans la durée le moyen de rendre perceptible ce qui caractérise l'adolescence intimement, soit un processus, un développement (alesco), une poussée vers (ad) – un élan. Coupé par la litanie des banalités de base de l'adolescence servie dans les grandes largeurs par un documentaire rêvant de « ciné », l'élan se retrouverait davantage du côté d'un montage dédié à la compréhension des forces obscures qui épuisent une belle amitié.
Ishii Yuichi et Mahiro Tanimoto dans Family Romance LLC
Critique

« Family Romance, LLC » de Werner Herzog : De la simulation des signes de vie

15 septembre 2020
La fiction a le désir du réel jusqu'à la contradiction quand la simulation n'en a plus le besoin. Le réel a été l'affaire d'une vie pour Werner Herzog ; avec « Family Romance, LLC » tourné au pays du Soleil-Levant il est temps de lui faire ses adieux. Mais le deuil est lui-même soupçonné ironiquement de simulation qui dépolarise et le documentaire et la fiction rendus à n'être plus que l'ombre d'eux-mêmes, une gélatine qui bloblote dans l'empire du simulacre et ses tautologies. Que faire alors d'un film dont le spectateur lui-même figure le dernier simulateur ?
Deux danseurs s'embrassent dans Si c'était de l'Amour
BRIFF

Interview de Patric Chiha pour « Si c'était de l'Amour »

11 septembre 2020
"Mettre en scène, ce n'est pas diriger mais aimer assez le monde et les gens pour qu’ils vivent d’eux-mêmes". Dans ce grand entretien autour de « Si c'était de l'Amour », Patric Chiha revient sur sa conception de la mise en scène, du montage et de l'auteur. En filmant les répétitions et les coulisses de « Crowd », un pièce proposée par la compagnie de danse de Gisèle Vienne, Patric Chiha s'interroge sur la condition de l’artiste au travail et sur sa propre méthode de cinéaste. Tout comme les danseurs du spectacle recherchent toujours quelque chose en eux ou chez l’autre, pour comprendre ou être stimulé, le cinéma de Patric Chiha s’épanouit aussi dans une démarche de recherche constante et d’échange, toujours dans un équilibre instable, voire impalpable, entre documentaire et fiction. "L’émotion étant le contraire du contrôle, je ne crois pas que l’on puisse émouvoir s’il y a un programme, un plan. L’émotion est une surprise, un événement qui interrompt le fil des choses. Une émotion prévue n’est par essence pas une émotion".
Les policiers dans la rue face aux manifestants dans "Un pays qui se tient sage"
BRIFF

Interview de David Dufresne pour « Un pays qui se tient sage »

8 septembre 2020
"Avant, il n'y avait rien" : c'est par ces mots que David Dufresne souligne l'importance des images qu'il a regroupées et montées dans « Un pays qui se tient sage ». Depuis deux ans, nous avons donc des images des violences et des pratiques policières. Nous pouvons maintenant penser avec elles. Le film, tourné vers l'avenir, se pose comme un champ de réflexion autour de ces images grâce à un dispositif où différents intervenants échangent à égalité "sans qu'il n'y ait de parole autorisée d'une part et de parole plus faible de l'autre". David Dufresne répond avec générosité à nos questions plus critiques et évoque plusieurs séquences du film d'un point de vue cinématographique.
John David Washington et Robert Pattinson dans Tenet
Critique

« Tenet » : La croix de Christopher Nolan

29 août 2020
« Tenet » est l'opéra de Christopher Nolan, son chef-d'œuvre pour autant que son architecture de béton est un piège pour ses spectateurs, une croix pour sa représentation. Sacrifier un film à la monumentalisation du nom de son auteur équivaut à la bétonisation du cinéma. Les abstractions nolaniennes sont devenues l'or massif du blockbuster mais son extraction a un coût élevé, celui d'un cinéma bétonné.