On n’a jamais été aussi seul, jamais aussi solitaire et peuplé – du cinéma de Jean-Luc Godard. Le cinéma aura été pour lui une passion aussi bien insurrectionnelle que résurrectionnelle : une révolution. « Il doit y avoir une révolution » est l’un des derniers envois, l’une des dernières adresses du Livre d’image (2018). Une révolution dans la révolution, révolution (du cinéma par Jean-Luc Godard) dans la révolution (du monde par le cinéma). Jean-Luc Godard n’est pas le nom propre d’un auteur de films, c’est le nom commun d’une pensée partagée. Une pensée de cinéma partagée par le cinéma, une pensée partagée, en partage et dont le partage est celui d’une non réconciliation essentielle – la révolution qui reste encore à venir. On n’a jamais été aussi seul, jamais aussi solitaire et peuplé. Mais – la phrase d’Elias Canetti est l’une des dernières que Jean-Luc Godard aura ruminée dans sa longue vieillesse, son enfance qu’il aura faite – on n’est jamais assez triste pour faire que le monde soit meilleur.