Des nouvelles du front cinématographique, comme autant de prises de positions, esthétiques, politiques, désigne le site d’un agencement collectif d'énonciation dont Alexia Roux et Saad Chakali sont les noms impropres à définir sa puissance, à la fois constituante et destituante.
Au couchant du vieil Hollywood pour lequel Douglas Sirk célèbre alors une oraison, se lève un nouveau soleil, l’or des subalternes qui, le temps est venu désormais, passeront enfin de l’autre côté du contrechamp. Glorieusement.
« Herbes flottante » raconte une triple disparition, celles de : l’autorité patriarcale d’un chef, la survie d’une mauvaise troupe de théâtre traditionnelle et la possibilité pour un homme de pouvoir se réconcilier avec son fils.
Entre archaïsme et modernité, allégorie surannée et dispositif meta moderne, « Les Trois lumières » du démiurge Fritz Lang met son héroïne à l’épreuve morale d’une conversion de la fatalité en destinée – amor fati.
Depuis la critique potache d'un monde où le capitalisme relève de l'air conditionné, et de l'évaluation des ambivalences de ce tiers démoniaque incontournable qu'est l'intelligence artificielle, « Yves » de Benoît Forgeard propose sur le fil – cronenbergien – un nouvel agencement du désir et de la libido.
Monté sur une cinéphilie taxiderme nourrie de l'inerte, tout en raccords avec l’américanisation du monde comme réification, désertification et « californication », « Le Daim » de Quentin Dupieux s'ouvre à une rêverie mélancolique sur la possibilité du cinéma à l’heure très réelle de la « cinématographie générale ».
Analyse du film « Sibyl » de Justine Triet au départ de l'hystérie, cette machine qui tourne à vide, dépolitise tout et laisse la tristesse durer toujours.
Étranger à tout misérabilisme, au naturalisme plus contrarié que contrariant, Ray & Liz de Richard Billingham relève à travers le temps quelques affects et souvenirs passés par une banlieue de Birmingham sous le néolibéralisme de Margaret Thatcher.
Sous couvert du huis-clos maritime d'un Bateau Phare immobile, Jerzy Skolimowski fait affleurer les vies insulaires de ses personnages : des gangsters théâtraux et immatures au paria en exil tenant le cap de mystérieux principes.
En raison de ses démons, la construction du conte moral proposé par « Que le diable nous emporte », aussi savante soit-elle dans une stratégie des apparences théorématiques voilant cependant un credo axiomatique, ne sort résolument pas de la « pensée straight ».
« Monrovia, Indiana » est particulièrement affecté par un paysage dévasté : Frederick Wiseman n'a rien d’autre à proposer face à la victoire du camp réactionnaire que le tableau réactif de la petitesse triomphante, répondant au ressentiment des vainqueurs par le ressentiment mimétique des vaincus.
Reconnaissance symbolique, pulsion de mort, auto-intoxication fantasmatique : « Paul Sanchez est revenu ! » de Patricia Mazuy est travaillé par une série de figures majeures et tristes du désir contemporain. Peut-être moins drôles que terrifiantes, à la fin. Analyse.
La rencontre de Marina Hands et de Bruno Ganz, pour une articulation salvatrice entre une puissance d’intensification physique et psychique de l’existence individuelle et un support de socialisation collective et de discipline des corps.
D'une tragédie de l'histoire, de la farce noire de la mémoire : étude critique de la représentation à l'épreuve de l'histoire dans « Peu m'importe si l'histoire nous considère comme des barbares » de Radu Jude.
Film majeur menacé par l'académisme décoratif autant que film mineur peuplé d'impromptues réjouissances, « Ragtime » de Miloš Forman s'avance pareil à son titre : syncopé.
Au dépays de Yoav, le paria de « Synonymes », Nadav Lapid construit une critique mi-tragique mi-rieuse de la culture comme colonialité et la langue comme obscénité, toutes deux expropriatrices.
À l'œuvre dans « Grâce à Dieu » de François Ozon, le déni soutient à la fois le pacte cinématographique et un consensus social en forme de pacte idéologique. Et l'un de rendre gorge à l'autre, par des voies qui se soutiennent plus d'une éthique de l'esthétique que du civisme.
Avec le Château de Cagliostro, paru sur les écrans japonais en 1979 et qui connait 40 ans après sa première sortie dans les salles françaises, Hayao Miyazaki met en forme les trois grands principes de son cinéma d'animation : le machinisme, le syncrétisme et l'ambivalence démiurgique.
Avec La Mule, Clint Eastwood revient au cœur de son cinéma, ce héros intouchable et impitoyable, têtu comme une mule parce qu’il est demeuré fidèle à l’exception d’une loi au-delà de la loi, dont la lettre ne s’écrit pas.
Donbass de Sergeï Loznitsa est comme une poupée gigogne traditionnelle russe, une matriochka où s’emboîtent la réalité carnavalesque du nihilisme russe, une tentation fellinienne à la caricature et, malheureusement, un enthousiasme lesté d'idéologie.
Si le remake de « Suspiria » n’échappe pas au maniérisme grand style coutumier de Luca Guadignino, cette nouvelle version du chef d’œuvre de Dario Argento continue de susciter l’intérêt du spectateur avide d’en creuser les marges.
Rencontre avec Saad Chakali et Alexia Roux à propos de leur ouvrage « Humanité restante, Penser l'événement avec The Leftovers » paru chez L'Harmattan en septembre 2018.
Il aura fallu passer par le Leningrad du début des années 80 et « Leto » pour se réjouir à nouveau de ce que l’on n’a pourtant jamais cessé de savoir : le rock est une culture libertaire couturée d’histoires bouleversantes d’amitié, c’est aussi une discipline de l’émancipation individuelle et collective.
Paranoïaques, hystériques, identitaires. Avec « Inherent Vice », Paul Thomas Anderson égrène les figures de la raison malheureuse et hystérique à l'ère du capitalisme. Et si le détective, cette figure grise, offrait quelques échappées - sous la forme de volutes cannabiques - à la subsomption intégralement désintégrative du capital ?
À l'occasion de la sortie de « The House that Jack built », portrait de Lars von Trier en démiurge pervers maintenant film après film le cap de la contrariété : celle du spectateur, et la sienne propre, jusqu'à la mortification.
L'utopie foudroyée par l'éclair de la pulsion reste une fatalité persistante qui obscurcit les belles promesses du cinéma de Jacques Audiard. Ce bonheur provisoire de la communauté improbable qu'on trouve dans « Les Frères Sisters » lui a pourtant fait le plus grand bien.
La retenue de « Amin », si caractéristique du style de Philippe Faucon, se raidit en rétention, envenimée d’une frilosité par volonté de ne pas faire de vagues en franchissant des lignes seulement imaginaires.
Avec Coincoin et les Z'inhumains, Bruno Dumont continue à saborder le naturalisme des représentations et des identités : dans la farce et les éclats de rire carnavalesques s'annonce la fête des masques identitaires rendus, abattus et révélés dans leur facticité bariolée.