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Rayons Verts

Rayon vert, Histoires de spectateurs, Majeur en crise et Chambre verte : découvrez les catégories les plus singulières du Rayon Vert.

Sangok (Hye-Young Lee) avec sa sœur dans In Front of Your Face
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« Juste sous vos yeux » de Hong Sang-soo : Alcool, élixir de vérité rêvée

7 février 2022
Formant une sorte de diptyque avec Introduction, Juste sous vos yeux met en évidence le rôle de l’alcool comme déclencheur narratif et comme révélateur de secrets dans le cinéma de Hong Sang-soo. Il établit également un lien entre la figure de l’alcool et celle du rêve, l’un étant ici la condition de l’autre, idée que développe et pousse encore plus loin Introduction. Donnant l’impression d’une boucle temporelle faisant du surplace, Juste sous vos yeux révèle en réalité beaucoup de secrets, tout en en gardant quelques autres bien cachés.
Bradley Cooper vend de l'illusion dans Nightmare Alley
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« Nightmare Alley » de Guillermo del Toro : La Malédiction du marchand d’illusions

27 janvier 2022
S’il sera peut-être jugé trop long, imparfait ou mal équilibré par certains, Nightmare Alley est probablement le film le plus personnel de Guillermo del Toro. Le cinéaste y sort littéralement de sa zone de confort, de sa « foire aux monstres », pour finalement mettre en scène ce qui semble être une véritable hantise lui étant propre, un cauchemar éveillé sur sa condition d’artiste et sa crainte d’être dépassé ou englouti par ses propres créations. Dans ce film bicéphale, schizophrène, Guillermo del Toro va jusqu’à refuser d’embrasser visuellement son objet principal, à savoir l’illusion, par peur sans doute de se perdre dans celle-ci, de s’illusionner soi-même ou d’illusionner son spectateur.
Alana Haim et Cooper Hoffman dans leur voiture dans Licorice Pizza
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« Licorice Pizza » de Paul Thomas Anderson : Toute affaire cessante, l’amour à contre-courant

14 janvier 2022
Paul Thomas Anderson est un cinéaste de la séduction pour autant qu’il peut en compliquer les manifestations. La séduction et ses complications sont sa grande obsession en l’autorisant à la subtilité consistant à subtiliser ses effets de séduction les mieux maîtrisés au profit d’expressions plus subtiles, vices inhérents et fils cachés des secrets. Licorice Pizza a le génie de mobiliser tous les moyens disponibles pour donner la sensation d’avoir ressuscité l’esprit d’une époque – les seventies – mais à rebrousse-poil de toute nostalgie. Le luxe est une dépense pour rien sinon pour la beauté du geste, la célébration de tous les présents, 1973 et 2021 qui regarde dans le rétroviseur de la jeunesse d’hier en reconnaissant le temps du début de la fin. La séduction est un luxe invitant au secret comme au défi. Ce mystère est la passion des personnages de Paul Thomas Anderson qui s’y adonnent malgré un monde préférant la séduction dans sa version marchande. La débandade d’une société qui a confondu la poursuite du bonheur avec la jouissance individuelle a déjà commencé. L’amour est là pourtant qui promet moins l’enflure des organes qu’un soulèvement de l’être tout entier. La vie quotidienne est la série des affaires courantes ; à contre-courant, toute affaire cessante, l’amour fait courir, diagonales et zébrures, syncopes et lignes brisées – des flèches toujours tirées par Cupidon.
Chérif et Héléna chantent au karaoké du camping dans dans À l'abordage
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Épiphanies 2021 : Tentative de ne pas faire un Top Cinéma Annuel

6 janvier 2022
Les épiphanies sont pour nous autant d'occasions de ne pas faire de top cinéma 2021 : ni hiérarchie, ni jugement de goût, rien que le passage d'affects quelque part entre les écrans de cinéma et les pensées et les corps des spectateurs.
William Tell (Oscar Isaac) joue au poker dans The Card Counter
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« The Card Counter » de Paul Schrader : La main, la donne

5 janvier 2022
Pour Paul Schrader un seul scénario lui tient à cœur, celui du héros fautif dont l’affliction a pour remède le pardon qui pavera sa rédemption. L’obsessionnel est un avatar de Sisyphe dont le mythe a inspiré Albert Camus qui demandait de l’imaginer heureux. Si la faute est la condition de la damnation, elle l’est aussi pour sa libération qui est un bonheur. Les plus beaux films de Paul Schrader sont ceux qui construisent à destination des fautifs et autres damnés de la vie la possibilité du bonheur. Avec The Card Counter, Paul Schrader est sensible à ce qui se joue dans les mains et se tient au bout des doigts. La main a vieilli mais elle s’ouvre désormais à une nouvelle donne, un jeu qui aère des récits souvent comprimés dans les apories du puritanisme et ses transgressions inavouées. La dextérité de l’expert en poker peut alors accueillir la grâce d’un doigté, le toucher qui a besoin d’une vitre, cette membrane fine qui conserve la distance en faisant image, pour rapprocher les mains et les retenir de faire du mal.
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« J'étais à la maison, mais... » d'Angela Schanelec : Vertiges de la feintise

2 janvier 2022
Avec J'étais à la maison, mais..., Angela Schanelec signe un film choral éclaté dans lequel elle prolonge ce qu’elle avait impulsé dans son précédent long-métrage : le récit creuse une ligne somnambule dans laquelle il se perd, la caméra s’attardant sur ces moments de décrochage(s), difficilement nommables, qui viennent trouer le quotidien, la vie citadine, et qui les rendent étrangers à eux-mêmes.
Le couple sur sa terrasse dans 143 rue du désert
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« 143 rue du désert » d’Hassen Ferhani : La tôlière du désert

20 décembre 2021
143 rue du désert est le dernier film d’Hassen Ferhani. Un film au titre prodigieux : 143 rue du désert... Un titre non pas tant oxymorique qu’oxymétrique, ouvert sur l’immensité de sa question, qui serait celle d’un enfant : 143 est-il un nombre possible dans le désert, quand bien même les Arabes auraient inventé ce qui en fait les chiffres ? Existe-t-il simplement des rues dans le désert ? Et, si tel est le cas, où mènent-elles ? Au 143 ? Mais où se trouve le 142, dès lors, où rencontrer le 144 ? Du côté gauche, du côté droit de la rue ? Nulle part. Car sur cette rue, n’existe qu’un seul numéro. Le 143. Il faut alors s’y arrêter. Nul ne peut faire autrement que d’y être amené, comme passent chez Malika, dans le désert, tous ceux qui empruntent cette route à l’allure infinie, qui ne cesse pas simplement d’interroger l’Algérie mais un pays dont les dimensions repoussent les questions de chacun aux confins.
La jungle de Calais dans Fugitif où cours-tu ?
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« Fugitif où cours-tu ? » d’Élisabeth Perceval et Nicolas Klotz : Fugue de vie

4 décembre 2021
Le temps a passé depuis les évacuations de mars et octobre 2016 mais l’événement insiste dans une persistance rétinienne qui se prolonge en diplopie. Voir double, dans le poème épique du contemporain en train de se faire et se défaire avec L’Héroïque lande et dans l’élégie mélancolique de l’après-coup qu’est Fugitif où cours-tu ?, c’est marquer l’écart en remarquant sa signature parallactique. On vérifiera qu’avec la parallaxe la différence relève moins d’une relation entre les choses que des choses mêmes, jamais identiques à elles-mêmes. La jungle est le signifiant même de cette division politique, le nom qui dit en même temps la brutalisation étatique des conditions d’existence imposées aux plus faibles et la forêt sauvage où les survivants marronnent en bricolant les formes-de-vie qui réinventent la vraie vie.
Le soldat couché dans la forêt dans Tropical Malady
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« Tropical Malady » d'Apichatpong Weerasethakul : La thérapie de la jungle

16 novembre 2021
Tropical Malady d'Apichatpong Weerasethakul raconte l'histoire d'une déception amoureuse dont la guérison s'effectuera dans la jungle. Si le film est scindé en deux parties, il n'en demeure pas moins uni par la recherche d'un antidote qui prendra la forme d'une quête spirituelle et thérapeutique.
Nanni Moretti et Margherita Buy dans Tre Piani
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« Tre Piani » de Nanni Moretti : Reconstruire les histoires et colmater les brèches

14 novembre 2021
Dans le travail d’adaptation pour passer des trois étages du roman d’Eshkol Nevo aux trois périodes délimitant les différentes parties de son film, Nanni Moretti a déployé toute une dialectique de la reconstruction et de la réparation. Ce sont dans les brèches d’un film peut être trop académique, peut-être trop « psychologique », qu’apparaît le ciment commun à tous les édifices de son cinéma.
Jenjira Pongpas et Maiyatan Techaparn dans Mekong Hotel
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« Mekong Hotel » d'Apichatpong Weerasethakul : La dernière fois que j’ai vu le Mékong

13 novembre 2021
Mekong Hotel prolonge avec modestie un geste de cinéma, ample et précieux parce que rêvé quand le rêve enveloppe les peuples qui dorment dans l’attente fébrile de leur réveil. Rêver que les films sont des embarcations pour des voyages immobiles vers de mystérieuses contrées, pays antiques et nations mythiques, terres réémergentes après avoir été liquidées. Rêver en commun qu’il y a un autre monde à portée de mains et dans les viscères des rêveurs. Rêver des mondes oubliés et engloutis pour mieux s'en ressouvenir à l'avenir, là où l’on voit depuis l’horizon meurtri de l’Asie du sud-est une autre Atlantide – l’éden insituable des rêveurs en commun qui tient tout à la fois de la serre tropicale, du jardin d’essai et du Navire Night.
Jacques Dutronc dans Van Gogh
Rayon vert

« Van Gogh » de Maurice Pialat : Dans le ventre, la mitraille

4 novembre 2021
La peinture est invivable. C’est ainsi que tend la main au peintre consacré après sa mort un cinéaste ayant vécu, comme une balle logée dans le ventre, la blessure originelle de la peinture abandonnée. L’homme du ressentiment est celui d’une demande de reconnaissance impossible à satisfaire parce qu’elle est le fruit d’une blessure qui jamais ne cesse de suppurer. Le ressentiment est le moment du négatif mais il s’agit pourtant d’en tirer une énergie créatrice. Le vitalisme peut ainsi rédimer le ressentiment quand il tient tant à la vie, toute la vie, y compris ses lacunes, ses défauts et ses béances, sachant que le mal est fait autant que l’amour existe. Avec Maurice Pialat, j’ai mal donc j’existe et mourir consiste à en avoir fini avec la douleur de vivre. La peinture est invivable, on n’en vit pas mais c’est avec elle qu’il faut tenter de vivre. Van Gogh s’approprie les derniers jours de la vie du peintre à partir du faisceau des douleurs logées dans son ventre, existentielles, artistiques et historiques, douleurs des frères que l’art et son commerce opposent, des rivalités recuites comme d’un pays hanté par des violences fratricides.
Jesse Eisenberg, Dakota Fanning et Peter Sarsgaard en voiture dans Night Moves
Rayon vert

« Night Moves » de Kelly Reichardt : La radicalité en eaux troubles

20 octobre 2021
S’il est difficile de résumer un film de Kelly Reichardt par un seul et unique geste, c’est que la cinéaste prend un malin plaisir à repeupler des territoires que le spectateur ne connaît que trop bien (le western, le road movie, le thriller politique) pour mieux le dérouter, et ce à la faveur d’un rythme qu’elle étire ou d’un suspens qu’elle démotive. Dans Night Moves, trois militants écologistes décident d’entreprendre la destruction d’un barrage de l’Oregon, qui menace la biodiversité locale. Au rebours de toute tension proprement narrative, Reichardt explore, au travers de cette petite communauté humaine en quête d’idéal et d’action politique, les contradictions de l’intime et du vivant.
Les ouvriers en colère dans Bayan ko
Le Majeur en crise

« Bayan ko » de Lino Brocka : La colère dont on ne revient pas

17 octobre 2021
Dans Bayan ko, l'urgence à filmer coûte que coûte, filmer pour raconter (Lino Brocka est à lui tout seul un studio de cinéma) et documenter (le cinéaste philippin n'en est pas moins une chaîne de télévision), ne s'oppose pas à la prodigalité des situations et la fureur critique file à vive allure en se déchaînant avec une vraie générosité narrative. Le didactisme a l'intelligence de ne pas se satisfaire des tropismes militants en voyant plus loin que le bout du nez de la prise de conscience, qui est le fond tragique des existences dévastées par une colère plus grande qu'elles. Le fond des affections dont on ne revient pas et qui est un malheur irrémédiable – un mal intraitable, celui de l'antagonisme, ce reste inassimilable.
Daniel London et Will Oldham autour d'un feu dans la forêt dans Old Joy
Rayon vert

« Old Joy » de Kelly Reichardt : Héros du quotidien

16 octobre 2021
Comment se sauver ? Existe-t-il simplement une issue ? Oui ! En ne se sauvant pas, raconte Old Joy, de Kelly Reichardt. En acceptant l’idée que l’échappée se trouve en soi, le soi étant toujours-déjà ailleurs, en voyage. Le combat à mener, dès lors, se fait au quotidien, depuis le quotidien, dans le quotidien. Old Joy, de Kelly Reichardt, délivre les armes qui font les héros de ces petits riens, les héros du quotidien.
Rayon vert

« La Dernière Piste » de Kelly Reichardt : Les voix oubliées du western

15 octobre 2021
Dans La Dernière Piste, l’Ouest mythique existe d'abord par la voix éloquente de Meek, guidant en vain trois familles dans l’Oregon le jour, conteur d’exploits probablement faux ou mythifiés la nuit. Face à cette parole hégémonique du trappeur qui a façonné la légende, Kelly Reichardt propose un contrepoint en plusieurs voix oubliées dans le grand récit du Far West : celles des femmes, de l’Indien et de la terre. Surtout, La Dernière Piste est un film qui se tait, la meilleure réponse à Meek restant le silence.
Tralala joue du banjo dans la rue dans Tralala
La Chambre Verte

« Tralala » d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu : La Grâce de ne pas être soi-même

14 octobre 2021
Au départ d’une forme de comédie musicale, d’une maxime qui donne son impulsion au film (« Ne soyez pas vous-même ») et d’un décor faisant cohabiter le mystique et le kitsch, à savoir la ville de Lourdes, Tralala des frères Larrieu développe une réflexion sur l’acteur tout en triturant les références religieuses, la musique et les conditions même de son tournage.
Simon et les enfants dansant au camping dans La Vraie famille
FIFF

« La Vraie famille » de Fabien Gorgeart : Le paradis perdu des familles de cœur

8 octobre 2021
La Vraie famille raconte l'histoire déchirante d'une séparation en utilisant, pour le meilleur et pour le pire, les grandes ficelles du mélo. Mais grâce à son honnêteté et ses choix narratifs, le film de Fabien Gorgeart s'impose comme une tentative honorable du genre.
Jane Birkin et Charlotte Gainsbourg devant la maison (musée) de Serge Gainsbourg à Paris dans Jane par Charlotte
FIFF

« Jane par Charlotte » de Charlotte Gainsbourg : Toucher ou muséifier

4 octobre 2021
Jusqu’à quel point peut-on prétendre toucher à une icône, l’approcher dans sa réalité, dans son authenticité, à partir du moment où cela se fait par l’entremise d’une caméra et d’une mise en scène orchestrée par une fille actrice à la gloire de sa mère ? Telle est la grande question de Jane par Charlotte qui ne cessera de l'explorer sous différentes formes, jusqu'à visiter un "musée" — l'ancienne maison de Serge Gainsbourg restée dans l'état — où il est interdit de toucher aux reliques du passé.
Billy (David Bradley) avec son faucon dans les champs dans Kes
Rayon vert

« Kes » de Ken Loach : Enfances politiques (1/3)

22 septembre 2021
La traversée critique de trois films de Ken Loach au prisme de l’enfance permet d’interroger la place singulière que sa cinématographie accorde à cet âge de la vie, au carrefour des déterminismes qu’il dénonce et de la quête radicale de liberté qu’il appelle de ses vœux. Dans Kes (1969), le cinéaste britannique – qui signe son film sous le prénom de Kenneth pour la dernière fois –, fort du succès de Cathy Come Home (1968) sur le petit écran, retrace la trajectoire de Billy, enfant à problème d’une famille minière du Yorkshire qui va entreprendre de dresser un jeune faucon. Estampillé « classique » du cinéma social traitant de l’enfance, ce film, loin de s’enfermer dans les pesanteurs du réalisme, fait plutôt montre d’une incroyable liberté formelle, et révèle les ferments de la vision politique de son auteur.
Les enfants de l'école dans Devoirs du soir
Rayon vert

« Hommage aux professeurs » et « Devoirs du soir » d'Abbas Kiarostami : Le mal au ventre des enfants

19 septembre 2021
Quand l'éloge consensuel ouvre sur l'os des paroles hétérodoxes, la fonction de témoignage et d'intervention débouche quant à elle sur la critique générale d'une institution pilier de la révolution iranienne. Si la maltraitance scolaire est un motif partagé, c'est en se déclinant au pluriel. Le courage de la vérité est alors ce qui rassemble élèves et enseignants victimes de la même schizophrénie qui célèbre l'école tout en la rabattant sur le modèle de la caserne.
Un enfant monte une colline typique de Kiarostami dans Au travers des oliviers
Rayon vert

« Au travers des oliviers » d’Abbas Kiarostami : Gigogne et vergogne

19 septembre 2021
Le labyrinthe est un tapis persan et son motif central dans Au travers des oliviers est le tournage d’une séquence issue du film précédent, Et la vie continue. C’est un jeu et l’on n’en finirait jamais de jouer : toute séquence d’un film d’Abbas Kiarostami serait comme un tiroir et en ouvrir la boîte ferait découvrir, avec la possibilité d’une nouvelle bifurcation, la promesse d’un autre film. Au travers des oliviers est un film gigogne pour autant qu’il a la vergogne de faire proliférer la fiction comme un voile tissé pour recouvrir les réels secrets avec lesquels joue la représentation qui tourne autour sans avoir la volonté de les mettre au jour.
Lucie (Lucie Debay) en armure et sur son cheval dans les montagnes dans Lucie perd son cheval
BRIFF

« Lucie perd son cheval » de Claude Schmitz : Faut pas perdre le film

15 septembre 2021
Dans ce film coupé en deux, chamboulé et disparate, Claude Schmitz, tout comme son personnage Lucie, s’en tient néanmoins à une devise qui semble devoir présider à la construction de sa filmographie en devenir : « Faut pas perdre le fil ». Aux nombreuses questions qui restent en suspens chez le spectateur à la fin de Lucie perd son cheval, Claude Schmitz répond sans tergiverser, tout en promettant une suite qui permettra peut-être d’y répondre encore un peu mieux ou, au contraire, de les prolonger et de les complexifier.
La gérante du kiosque dans Le Kiosque
BRIFF

« Le Kiosque » d’Alexandra Pianelli : L’Art de la miniature

12 septembre 2021
Dans l’espace cloisonné d’un kiosque, derrière son comptoir, Alexandra Pianelli s’adonne à un art de la miniature qui, par l’accumulation de ses petites touches et la juxtaposition de ses petites couches, tend à une ampleur et une densité au départ insoupçonnée. Quand le « tout petit » peut prétendre sans le vouloir et sans s’en rendre compte au « grand ».
Arnaud dans la forêt dans Soy Libre
BRIFF

« Soy Libre » de Laure Portier : Se libérer du film

5 septembre 2021
En filmant son frère Arnaud dans une quête de liberté après un enfermement forcé, Laure Portier lui donne également la possibilité de se libérer d’un carcan filmique qu’elle aura mis en place avec le concours du premier intéressé. Soy Libre montre au final une libération, à la fois réelle et cinématographique, en donnant l’occasion à un « personnage » de cinéma de se libérer de son film.
Clarisse (Vicky Krieps) au volant de sa voiture dans Serre moi fort
BRIFF

« Serre moi fort » de Mathieu Amalric : La projectionniste et son film intérieur

4 septembre 2021
Serre moi fort est-il un film (trop) cérébral ? Renferme-t-il un mystère trop opaque ? Le film de Mathieu Amalric interroge en tout cas la projection mentale en la mettant en parallèle avec la projection cinématographique tout en invoquant des fantômes. Si la recherche de l’explication prime sur l’immédiateté de l’émotion, il s’agit malgré tout d’un film qui hante autant qu’il est hanté.
Le candyman dans le mirroir dans Candyman
Histoires de spectateurs

« Candyman » de Bernard Rose : Le spectateur et le monstre face au miroir

29 août 2021
Si Candyman peut prétendre au statut de mythe contemporain, il reste intéressant d’interroger encore ces images, au-delà du discours bien connu de ce film indépendant devenu culte, conjuguant film d’horreur et métaphore des souffrances de la communauté afro-américaine. En retournant devant le miroir pour invoquer son souvenir, un autre chemin apparait : celui de la mise en abyme de notre statut de spectateur face au cinéma fantastique et d’horreur et, surtout, face à la force effrayante de nos croyances. De quoi cet autre Candyman est-il le nom ?
L'enfant et le chien dans Le Pain et la rue
Rayon vert

« Le Pain et la rue » et « Expérience » d'Abbas Kiarostami : L'exemple des enfants

26 août 2021
Chercher à l'intérieur de soi ou bien faire avec ce qu'il y a à portée de main de quoi bricoler des petites machines de résistance, voilà ce qu'il faut pour tenter un rapport nouveau entre le réel et la réalité qui ne soit plus d'opposition statique mais de composition dynamique. C'est ce que les premiers enfants du cinéma d'Abbas Kiarostami expérimentent en rappelant qu'à l'épreuve de chaque situation nouvelle il y a la possibilité héroïque d'en goûter l'éternel matin.
La conductrice (Mania Akbari) au volant de la voiture dans Ten
Rayon vert

« Ten » d'Abbas Kiarostami : Rond-point et sens unique

25 août 2021
Ten c'est le cinéma d'Abbas Kiarostami qui, comme un coup de dé à l'heure de la révolution numérique, rejoue dix fois de suite la non opposition des contraires, fiction et documentaire, pellicule et numérique, cinéma et art contemporain, dans l'expression renouvelée des frictions du féminin et du masculin. Ten qui mise tout sur la disparition de la mise en scène y substitue pourtant une conception volontariste du dispositif bénéficiant davantage à l'artiste contemporain désormais appelé par les musées qu'au cinéaste formé hier à la pédagogie.
M. Badii (Homayun Ershadi) dans Le Goût de la cerise
Rayon vert

« Le Goût de la cerise » d'Abbas Kiarostami : La terre jusqu'au ciel

25 août 2021
Après le tremblement de terre du 21 juin 1990 qui a ruiné le nord du pays et dont les territoires abritent pourtant les reconstructions verdoyantes de Et la vie continue et Au travers des oliviers, c'est un autre tremblement de terre que filme Abbas Kiarostami dans Le Goût de la cerise. Cette dévastation est celle-là l'œuvre du travail humain et l'un de ses secrets serait pour le stoïque M. Badii la secrète volonté de disparaître dans un champ qui est celui de ses ruines en trouvant l'ami qui l'y aiderait mais le trahirait aussi en lui redonnant paradoxalement le goût de la vie.
Tous les personnages de la série Friends lors des retrouvailles dans Friends : The Reunion
La Chambre Verte

« Friends : The Reunion » : La grande communion

22 août 2021
Dix-sept ans après la fin de la série Friends, une réunion entre les six membres de son casting a été organisée, créant un trouble de réception auprès des fans de la première heure. Entre produit commercial conçu pour faire plaisir aux afficionados, objet nostalgique laissant parfois filtrer une vraie mélancolie, et grande communion spirituelle rassemblant dans un geste « méta », voire métaphysique, les acteurs, les personnages et les spectateurs, Friends : The Reunion a en tout cas réactivé la chambre verte de beaucoup de spectateurs en sortant les "vieux jouets" du placard.
Mehdi (Soufiane Guerrab) avec le bébé dans ses bras dans De bas étage
Rayon vert

« De bas étage » de Yassine Qnia : La malédiction des forgerons

4 août 2021
De bas étage est un petit film qui raconte une vieille, une très vieille histoire, vieille comme Gilgamesh et l'Odyssée, l'Énéide et la Divine Comédie, entre le Mythe d'Er de Platon et Voyage au centre de la Terre de Jules Verne : De bas étage est l'histoire d'une catabase. Descendre dans le souterrain consiste toujours à descendre à l'intérieur d'un monde qui est celui de son corps, le corps de ses organes et de ses images. La jeunesse qui est si puissante et si impuissante a, avec ses démons, le génie de ses blessures.
Cassandre (Adèle Exarchopoulos) marchant seule en Espagne dans Rien à foutre
La Chambre Verte

« Rien à foutre » d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre : La nouvelle vie d’Adèle

11 juillet 2021
Présenté lors de la Semaine de la Critique à Cannes, le premier long métrage de fiction d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre fait de la présence de son actrice principale, Adèle Exarchopoulos, un véritable sujet à part entière, un enjeu théorique et de mise en scène, qui le fait dépasser les terres pourtant arpentées du psychologisme et du récit de l’acceptation. Huit ans après La Vie d’Adèle, la présence et le jeu de l’actrice trouvent dans Rien à foutre un autre écrin à partir duquel la fascination peut à nouveau opérer et l’attachement se créer.
Casey Affleck et Lucas Hedges durant l'enterrement dans Manchester by the sea
Rayon vert

« Manchester by the Sea » de Kenneth Lonergan : Il a plu cette vie

1 juillet 2021
Que faire face aux drames de la vie ? Éviter la compassion, vivre dans la clandestinité son chagrin, espérer endiguer autant que possible la sinistre contagion des pleurs, l’émulation bouffonne du malheur où chacun, malgré soi, rivalise dans l’expression emphatique de la douleur ? Mais, à bien y réfléchir, l’inverse ne serait-il pas moins risible : la comédie stoïque de l’horreur surplombée, maîtrisée, l’effacement pseudo-héroïque de tous les signes du désespoir ? Manchester by the Sea de Kenneth Lonergan (2016) ne joue pas l’une de ces postures contre l’autre, autant dire qu’il n’est pas qu’un simple drame, mais offre une dimension cinématographique au tragique de l’existence, un tragique qui, s’il est bien compris, peut être paradoxalement dans le film source de joie, qui le rend irremplaçable.
Jackie Chan dans la scène d'ouverture de Police Story
La Chambre Verte

« Police Story » : Jackie Chan face à la douleur

25 juin 2021
La douleur fait partie intégrante de la mythologie créée par Jackie Chan : il réalise ses cascades lui-même et se blesse régulièrement durant ce processus. Dans ce contexte, Police Story tient toutes ses promesses de spectacle mais le héros ne subira pas tout à fait ses douleurs de la manière attendue. Pour une fois, ses blessures ne se referment pas totalement, et ses plaies laissées ouvertes posent des questionnements stimulants.
L'Avenue des Champs-Élysées lors de la victoire de la France en Coupe du Monde dans Les misérables
Le Majeur en crise

« Les misérables » de Ladj Ly : Les saigneurs du stade

16 juin 2021
Comme l’équipe de France de football revient faire son coup de 1998 en 2018, la France jouant son destin sur tapis vert vingt-ans plus tard pour gagner sa deuxième étoile, la finale de la coupe du monde sert de contexte footballistique au film de Ladj Ly, qui, pour sa part, rejoue dans la foulée la finale du cinéma français-de-banlieue, celle de La Haine, dans son film Les misérables, en 2019. Sous haute tension, une analyse footballistique du film s’imposait donc.
Un papillon du film Pyrale
BRIFF

« Pyrale » de Roxanne Gaucherand : Vers la lumière

8 juin 2021
Moyen métrage mêlant documentaire et fiction, Pyrale fait se rencontrer la réalité documentaire d’une invasion de papillons asiatiques dans le sud de la France et la fiction d’une histoire d’amour adolescente. Le film questionne cette rencontre à travers les figures allégoriques du papillon et de la lumière.
Les parents portant leur jeune enfant dans So Long, My Son
Rayon vert

« So Long, My Son » de Wang Xiaoshuai : Les figures de l’absence

3 juin 2021
So Long, My Son, treizième film du réalisateur chinois Wang Xiaoshuai, est une ample fresque historique qui s’ancre dans la Chine communiste des années 1980 jusqu’à nos jours. Elle épouse les destins singuliers de Yaojun (Wang Jing-Chun) et Liyun (Yong Mei), couple endeuillé par la perte accidentelle de leur enfant. À rebours du mélodrame sans nuance ou de la seule critique de la politique de l’enfant unique et de ses conséquences sociales dramatiques, Wang Xiaoshuai choisit d’interroger, avec subtilité et pudeur, la profondeur mystérieuse des liens qui, sur le long terme, unissent une communauté d’êtres traversés par la même violence indicible.
Guy Gilles sur le tournage de l'amour à la mer
Le Majeur en crise

Trois films de Guy Gilles : Ruines sentimentales

26 mai 2021
La noyade est partout et, pourtant, il faut tenter d'y survivre. La mémoire est le radeau quand la vie est un naufrage. Entre le soleil et la mer, entre le flux et le reflux, un cinéaste icarien désire sauver et l'instant éternisé et la vie sans arrêt. Chez Guy Gilles, la naïveté des sentiments touche avec la fébrilité du trait au nerf d'une fragilité existentielle, d’une hyper-sensibilité. Quand l’intermittence des plans est un battement de paupière, le montage est un vent soufflant que rien n’est plus beau qu’un amour, sinon son souvenir – l'éternité retrouvée.
Laura (Scarlett Johansson) au volant de sa voiture dans Under the skin
La Chambre Verte

« Under The Skin » de Jonathan Glazer : L'insoutenable gravité de Scarlett Johansson

20 mai 2021
Mettre sa peau sur la table, disait Céline. Bouffer dessus ajoute Jonathan Glazer dans son film Under the Skin (2013). Bouffer dessus, puis renverser la table cinéma comme il retourne la peau de son actrice fétiche Scarlett Johansson comme un célèbre gant. En l’exposant nue comme jamais dans cet OCNI, objet cinématographique non identifié, Jonathan Glazer pense le monde médiatisé par le cinéma, son esthétique devenant proprement politique, c’est-à-dire intégralement cinématographique.
Les deux personnages principaux assis sur un banc dans Extro
BIFFF

« Extro » de Naoki Murahashi : L’émotion du second plan

13 mai 2021
« Mockumentaire » classique charriant à la fois un humour absurde et des saillies drolatiques au premier degré, Extro de Naoki Murahashi, en organisant la rencontre imprévue entre des figurants en quête de leur moment de gloire et un monstre mythologique créé de toutes pièces, fait surgir l’émotion là où on ne l’attend pas.
Hideko Takamine et Masayuki Mori parlent dans un bar dans
Rayon vert

« Quand une femme monte l'escalier » de Mikio Naruse : Trois montées des marches

7 mai 2021
Keiko est hôtesse dans un bar du quartier de Ginza à Tokyo et celle que l'on surnomme « Mama » supporte de moins en moins de monter l'escalier qui la mène à son lieu de travail. Cet escalier qui donne son titre au film en y associant le destin d'une femme, Mikio Naruse le filme trois fois et chaque reprise marque une différence indiquant la singularité quelconque qu’incarne Keiko. Singulière et quelconque parce qu’elle est parfaitement définie socialement mais sans autre identité que l’exemple qu’elle expose pudiquement. Comme toutes les héroïnes narusiennes, en particulier celles génialement interprétées par Hideko Takamine, Keiko est une singularité quelconque et c’est pour cela qu’elle se tient face à l’irréparable en étant et restant aimable, telle qu’elle nous importe de toutes les façons – à sa manière.
Mati Diop et Alex Descas dans 35 rhums
Rayon vert

« 35 Rhums » de Claire Denis : Musique du déraillement

29 avril 2021
Dans « 35 Rhums », le mouvement existe d’abord par lui-même, il précède sa caractérisation, son origine et sa destination, bref : il précède son sens. Les personnages de Claire Denis naissent au spectateur à l’intérieur de ces mouvements pendant de longues minutes, avant que le récit ne donne quelques (incomplètes) explications sur leur identité et leurs relations.
Bill Murray et Scarlett Johansson lors de leur virée nocturne dans Tokyo dans Lost in Translation
Rayon vert

« Lost in Translation » de Sofia Coppola : Orange mélancolique

22 mars 2021
Le deuxième long-métrage de Sofia Coppola, Lost in Translation (2004), à travers la rencontre d’un quinquagénaire fatigué de sa vie comme de son mariage, acteur sur la fin, Bob (Bill Murray), avec une à peine ex-étudiante et jeune mariée désillusionnée, Charlotte (Scarlett Johansson), dans un hôtel au Japon, interroge le sens de leur existence. Une quête qui, toutefois, se termine paradoxalement dans le film, à l’instant de son dernier soupir, sans aucun Graal ni lot de consolation distribué, mais par le partage d’un secret, Bob le dévoilant/le murmurant à l’oreille de Charlotte, en un sens qui sera pour toujours dérobé au spectateur, demeurant une énigme inaudible pour lui. Lost in Translation n’offre donc pas de magic box, mais un film sous forme de « boîte noire », une interrogation sur le sens de la vie à laquelle cherche à répondre Sofia Coppola par une énigme sous forme d’absence de solution, sans doute parce que les véritables questions ne s’épuisent jamais dans les réponses.
Randall Patrick McMurphy (Jack Nicholson) dans les bras de « Chef » Bromden (Will Sampson) dans Vol au-dessus d’un nid de coucou
Le Majeur en crise

« Vol au-dessus d’un nid de coucou » de Milos Forman : L’empire des droits, la main du fou

3 mars 2021
Quand passent les cigognes, de 57 à 75 à bond d’oiseau, en un Vol au-dessus d’un nid de coucou, Forman est prêt à jouer dans son film sa pièce maîtresse, en une diagonale du fou assumée, au cours d’une partie d’échecs symbolique entre McMurphy l’interné et Miss Ratched l’infirmière psychiatrique, chacun rejouant les codes comme les valeurs libérales de l’Amérique, où Forman propose rien de moins qu’une forme inédite de gouvernement démocratique dans son film.
Margaret Waverton (Gloria Stuart) et Morgan (Boris Karloff) dans La Maison de la Mort
Le Majeur en crise

« La Maison de la mort » de James Whale : Un fou rire de baleine

23 février 2021
The Old Dark House est électrisé d'un rire qui appartient pleinement à son auteur, James Whale. Un rire de baleine, son nom bien sûr s'y prête. Le film est monstrueux en soumettant son paysage gothique, partagé entre une nature apocalyptique et une vieille bâtisse lourde en inavouables secrets, aux pressions marines d'un humour scatologique qui tire de l'arrière-plan psychanalytique un grand fou rire. Rire immense en brouillant les lignes du genre comme de fouetter l'ordre des sexualités (le verbe to whale signifie rosser, flageller). Rire immense dédié à un amour fou et tabou dont la noyade de James Whale est une ponctuation finale comme une image de vérité pour qui s'est appelé Baleine en lâchant le mot de la fin : « c'est assez ».
Les quatre soldats plantent le drapeau dans Mémoires de nos pères
Le Majeur en crise

« Mémoires de nos pères » de Clint Eastwood : L’Amérique en quête d’auteur

8 février 2021
En 2006, Clint Eastwood, au mitan de sa vie bien passée comme les couleurs ont perdu leur éclat, fait le bilan. Il revient ainsi dans Mémoires de nos pères, sur un fait d’arme – la prise du Mont Suribachi lors de la bataille d’Iwo Jiwa contre les Japonais, immortalisée par une photographie célèbre. Trois des six marines qui y figurent, acceptant de porter la bonne parole à travers les États-Unis, vont dès lors aller comme on part à la recherche de ses souvenirs, à la conquête de l’Histoire de l’Amérique quand on père la mémoire.
Une salle de cinéma
Histoires de spectateurs

Sociologie et économie du cinéma belge et de la cinéphilie en Belgique

20 janvier 2021
Dans cette étude à la fois sociologique et économique, nous nous intéressons dans un premier temps à la place qu'occupe la cinéphilie (au sens parisien du terme) en Belgique et au nombre d'entrées que réalisent les films d'auteur. Sur base des données récoltées, nous verrons que cette pratique semble bien marginale et que même certains des plus grands réalisateurs ne rencontrent pas leur public en Belgique. Ensuite, nous chercherons à savoir si le cinéma belge francophone trouve grâce aux yeux de ce type de cinéphilie mais aussi d'un point de vue global. Si certaines réponses sont déjà bien connues (échecs publics, etc.), nous en profiterons pour décortiquer, chiffres en mains, la communication qui accompagne aujourd'hui la production et la circulation du cinéma belge francophone.
Charles Winninger, Arleen Whelan et John Russell dans Le Soleil brille pour tout le monde
Le Majeur en crise

« Le Soleil brille pour tout le monde » de John Ford : Old Mister Priest

18 janvier 2021
Dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford, le soleil aura en effet donné en rayonnant pour tout un chacun, démocratiquement. Y compris en éclairant les foyers obscurs de la violence communautaire, raciale et sexuelle. Mais le temps est venu aussi pour le soleil de commencer à se coucher en laissant au spectateur le souvenir intense d'un inoubliable occident.
Daniel Plainview (Daniel Day-Lewis) assis devant un puit de pétrole en feu dans There Will Be Blood
Le Majeur en crise

« There Will Be Blood » de Paul Thomas Anderson : L’Ouest américain a-t-il perdu le Nord ?

11 janvier 2021
There Will Be Blood montre que, aussi profonde, aussi humaine, aussi spirituelle soit-elle, l’Amérique sera toujours en retard sur son rêve. Que la nature véritable de l’Amérique, c’est donc de ne pas en avoir, c’est-à-dire encore d’avoir toujours été désenchantée. La crise du rêve américain n’est donc pas son supplément, son appendice. Elle ne lui vient pas de dehors, n’est pas son extérieur. Elle est ce qui structure l’Amérique. Elle lui est consubstantielle. Sa crise, c’est sa normalité, sinon le film n’aurait jamais débuté dans les tréfonds de la terre.
Le vieux balayeur et les projections de Jessie et Jesse dans le couloir de l'école dans Je veux juste en finir
Rayon vert

Épiphanies 2020 : Tentative de ne pas faire un Top Cinéma Annuel

5 janvier 2021
Les épiphanies sont pour nous autant d'occasions de ne pas faire de top cinéma 2020 : ni hiérarchie, ni jugement de goût, rien que le passage d'affects quelque part entre les écrans de cinéma et les pensées et les corps des spectateurs.