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Rayons Verts

Rayon vert, Histoires de spectateurs, Majeur en crise et Chambre verte : découvrez les catégories les plus singulières du Rayon Vert.

Clarisse (Vicky Krieps) au volant de sa voiture dans Serre moi fort
BRIFF

« Serre moi fort » de Mathieu Amalric : La projectionniste et son film intérieur

4 septembre 2021
Serre moi fort est-il un film (trop) cérébral ? Renferme-t-il un mystère trop opaque ? Le film de Mathieu Amalric interroge en tout cas la projection mentale en la mettant en parallèle avec la projection cinématographique tout en invoquant des fantômes. Si la recherche de l’explication prime sur l’immédiateté de l’émotion, il s’agit malgré tout d’un film qui hante autant qu’il est hanté.
Le candyman dans le mirroir dans Candyman
Histoires de spectateurs

« Candyman » de Bernard Rose : Le spectateur et le monstre face au miroir

29 août 2021
Si Candyman peut prétendre au statut de mythe contemporain, il reste intéressant d’interroger encore ces images, au-delà du discours bien connu de ce film indépendant devenu culte, conjuguant film d’horreur et métaphore des souffrances de la communauté afro-américaine. En retournant devant le miroir pour invoquer son souvenir, un autre chemin apparait : celui de la mise en abyme de notre statut de spectateur face au cinéma fantastique et d’horreur et, surtout, face à la force effrayante de nos croyances. De quoi cet autre Candyman est-il le nom ?
L'enfant et le chien dans Le Pain et la rue
Rayon vert

« Le Pain et la rue » et « Expérience » d'Abbas Kiarostami : L'exemple des enfants

26 août 2021
Chercher à l'intérieur de soi ou bien faire avec ce qu'il y a à portée de main de quoi bricoler des petites machines de résistance, voilà ce qu'il faut pour tenter un rapport nouveau entre le réel et la réalité qui ne soit plus d'opposition statique mais de composition dynamique. C'est ce que les premiers enfants du cinéma d'Abbas Kiarostami expérimentent en rappelant qu'à l'épreuve de chaque situation nouvelle il y a la possibilité héroïque d'en goûter l'éternel matin.
La conductrice (Mania Akbari) au volant de la voiture dans Ten
Rayon vert

« Ten » d'Abbas Kiarostami : Rond-point et sens unique

25 août 2021
Ten c'est le cinéma d'Abbas Kiarostami qui, comme un coup de dé à l'heure de la révolution numérique, rejoue dix fois de suite la non opposition des contraires, fiction et documentaire, pellicule et numérique, cinéma et art contemporain, dans l'expression renouvelée des frictions du féminin et du masculin. Ten qui mise tout sur la disparition de la mise en scène y substitue pourtant une conception volontariste du dispositif bénéficiant davantage à l'artiste contemporain désormais appelé par les musées qu'au cinéaste formé hier à la pédagogie.
M. Badii (Homayun Ershadi) dans Le Goût de la cerise
Rayon vert

« Le Goût de la cerise » d'Abbas Kiarostami : La terre jusqu'au ciel

25 août 2021
Après le tremblement de terre du 21 juin 1990 qui a ruiné le nord du pays et dont les territoires abritent pourtant les reconstructions verdoyantes de Et la vie continue et Au travers des oliviers, c'est un autre tremblement de terre que filme Abbas Kiarostami dans Le Goût de la cerise. Cette dévastation est celle-là l'œuvre du travail humain et l'un de ses secrets serait pour le stoïque M. Badii la secrète volonté de disparaître dans un champ qui est celui de ses ruines en trouvant l'ami qui l'y aiderait mais le trahirait aussi en lui redonnant paradoxalement le goût de la vie.
Tous les personnages de la série Friends lors des retrouvailles dans Friends : The Reunion
La Chambre Verte

« Friends : The Reunion » : La grande communion

22 août 2021
Dix-sept ans après la fin de la série Friends, une réunion entre les six membres de son casting a été organisée, créant un trouble de réception auprès des fans de la première heure. Entre produit commercial conçu pour faire plaisir aux afficionados, objet nostalgique laissant parfois filtrer une vraie mélancolie, et grande communion spirituelle rassemblant dans un geste « méta », voire métaphysique, les acteurs, les personnages et les spectateurs, Friends : The Reunion a en tout cas réactivé la chambre verte de beaucoup de spectateurs en sortant les "vieux jouets" du placard.
Mehdi (Soufiane Guerrab) avec le bébé dans ses bras dans De bas étage
Rayon vert

« De bas étage » de Yassine Qnia : La malédiction des forgerons

4 août 2021
De bas étage est un petit film qui raconte une vieille, une très vieille histoire, vieille comme Gilgamesh et l'Odyssée, l'Énéide et la Divine Comédie, entre le Mythe d'Er de Platon et Voyage au centre de la Terre de Jules Verne : De bas étage est l'histoire d'une catabase. Descendre dans le souterrain consiste toujours à descendre à l'intérieur d'un monde qui est celui de son corps, le corps de ses organes et de ses images. La jeunesse qui est si puissante et si impuissante a, avec ses démons, le génie de ses blessures.
Cassandre (Adèle Exarchopoulos) marchant seule en Espagne dans Rien à foutre
La Chambre Verte

« Rien à foutre » d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre : La nouvelle vie d’Adèle

11 juillet 2021
Présenté lors de la Semaine de la Critique à Cannes, le premier long métrage de fiction d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre fait de la présence de son actrice principale, Adèle Exarchopoulos, un véritable sujet à part entière, un enjeu théorique et de mise en scène, qui le fait dépasser les terres pourtant arpentées du psychologisme et du récit de l’acceptation. Huit ans après La Vie d’Adèle, la présence et le jeu de l’actrice trouvent dans Rien à foutre un autre écrin à partir duquel la fascination peut à nouveau opérer et l’attachement se créer.
Casey Affleck et Lucas Hedges durant l'enterrement dans Manchester by the sea
Rayon vert

« Manchester by the Sea » de Kenneth Lonergan : Il a plu cette vie

1 juillet 2021
Que faire face aux drames de la vie ? Éviter la compassion, vivre dans la clandestinité son chagrin, espérer endiguer autant que possible la sinistre contagion des pleurs, l’émulation bouffonne du malheur où chacun, malgré soi, rivalise dans l’expression emphatique de la douleur ? Mais, à bien y réfléchir, l’inverse ne serait-il pas moins risible : la comédie stoïque de l’horreur surplombée, maîtrisée, l’effacement pseudo-héroïque de tous les signes du désespoir ? Manchester by the Sea de Kenneth Lonergan (2016) ne joue pas l’une de ces postures contre l’autre, autant dire qu’il n’est pas qu’un simple drame, mais offre une dimension cinématographique au tragique de l’existence, un tragique qui, s’il est bien compris, peut être paradoxalement dans le film source de joie, qui le rend irremplaçable.
Jackie Chan dans la scène d'ouverture de Police Story
La Chambre Verte

« Police Story » : Jackie Chan face à la douleur

25 juin 2021
La douleur fait partie intégrante de la mythologie créée par Jackie Chan : il réalise ses cascades lui-même et se blesse régulièrement durant ce processus. Dans ce contexte, Police Story tient toutes ses promesses de spectacle mais le héros ne subira pas tout à fait ses douleurs de la manière attendue. Pour une fois, ses blessures ne se referment pas totalement, et ses plaies laissées ouvertes posent des questionnements stimulants.
L'Avenue des Champs-Élysées lors de la victoire de la France en Coupe du Monde dans Les misérables
Le Majeur en crise

« Les misérables » de Ladj Ly : Les saigneurs du stade

16 juin 2021
Comme l’équipe de France de football revient faire son coup de 1998 en 2018, la France jouant son destin sur tapis vert vingt-ans plus tard pour gagner sa deuxième étoile, la finale de la coupe du monde sert de contexte footballistique au film de Ladj Ly, qui, pour sa part, rejoue dans la foulée la finale du cinéma français-de-banlieue, celle de La Haine, dans son film Les misérables, en 2019. Sous haute tension, une analyse footballistique du film s’imposait donc.
Un papillon du film Pyrale
BRIFF

« Pyrale » de Roxanne Gaucherand : Vers la lumière

8 juin 2021
Moyen métrage mêlant documentaire et fiction, Pyrale fait se rencontrer la réalité documentaire d’une invasion de papillons asiatiques dans le sud de la France et la fiction d’une histoire d’amour adolescente. Le film questionne cette rencontre à travers les figures allégoriques du papillon et de la lumière.
Les parents portant leur jeune enfant dans So Long, My Son
Rayon vert

« So Long, My Son » de Wang Xiaoshuai : Les figures de l’absence

3 juin 2021
So Long, My Son, treizième film du réalisateur chinois Wang Xiaoshuai, est une ample fresque historique qui s’ancre dans la Chine communiste des années 1980 jusqu’à nos jours. Elle épouse les destins singuliers de Yaojun (Wang Jing-Chun) et Liyun (Yong Mei), couple endeuillé par la perte accidentelle de leur enfant. À rebours du mélodrame sans nuance ou de la seule critique de la politique de l’enfant unique et de ses conséquences sociales dramatiques, Wang Xiaoshuai choisit d’interroger, avec subtilité et pudeur, la profondeur mystérieuse des liens qui, sur le long terme, unissent une communauté d’êtres traversés par la même violence indicible.
Guy Gilles sur le tournage de l'amour à la mer
Le Majeur en crise

Trois films de Guy Gilles : Ruines sentimentales

26 mai 2021
La noyade est partout et, pourtant, il faut tenter d'y survivre. La mémoire est le radeau quand la vie est un naufrage. Entre le soleil et la mer, entre le flux et le reflux, un cinéaste icarien désire sauver et l'instant éternisé et la vie sans arrêt. Chez Guy Gilles, la naïveté des sentiments touche avec la fébrilité du trait au nerf d'une fragilité existentielle, d’une hyper-sensibilité. Quand l’intermittence des plans est un battement de paupière, le montage est un vent soufflant que rien n’est plus beau qu’un amour, sinon son souvenir – l'éternité retrouvée.
Laura (Scarlett Johansson) au volant de sa voiture dans Under the skin
La Chambre Verte

« Under The Skin » de Jonathan Glazer : L'insoutenable gravité de Scarlett Johansson

20 mai 2021
Mettre sa peau sur la table, disait Céline. Bouffer dessus ajoute Jonathan Glazer dans son film Under the Skin (2013). Bouffer dessus, puis renverser la table cinéma comme il retourne la peau de son actrice fétiche Scarlett Johansson comme un célèbre gant. En l’exposant nue comme jamais dans cet OCNI, objet cinématographique non identifié, Jonathan Glazer pense le monde médiatisé par le cinéma, son esthétique devenant proprement politique, c’est-à-dire intégralement cinématographique.
Les deux personnages principaux assis sur un banc dans Extro
BIFFF

« Extro » de Naoki Murahashi : L’émotion du second plan

13 mai 2021
« Mockumentaire » classique charriant à la fois un humour absurde et des saillies drolatiques au premier degré, Extro de Naoki Murahashi, en organisant la rencontre imprévue entre des figurants en quête de leur moment de gloire et un monstre mythologique créé de toutes pièces, fait surgir l’émotion là où on ne l’attend pas.
Hideko Takamine et Masayuki Mori parlent dans un bar dans
Rayon vert

« Quand une femme monte l'escalier » de Mikio Naruse : Trois montées des marches

7 mai 2021
Keiko est hôtesse dans un bar du quartier de Ginza à Tokyo et celle que l'on surnomme « Mama » supporte de moins en moins de monter l'escalier qui la mène à son lieu de travail. Cet escalier qui donne son titre au film en y associant le destin d'une femme, Mikio Naruse le filme trois fois et chaque reprise marque une différence indiquant la singularité quelconque qu’incarne Keiko. Singulière et quelconque parce qu’elle est parfaitement définie socialement mais sans autre identité que l’exemple qu’elle expose pudiquement. Comme toutes les héroïnes narusiennes, en particulier celles génialement interprétées par Hideko Takamine, Keiko est une singularité quelconque et c’est pour cela qu’elle se tient face à l’irréparable en étant et restant aimable, telle qu’elle nous importe de toutes les façons – à sa manière.
Mati Diop et Alex Descas dans 35 rhums
Rayon vert

« 35 Rhums » de Claire Denis : Musique du déraillement

29 avril 2021
Dans « 35 Rhums », le mouvement existe d’abord par lui-même, il précède sa caractérisation, son origine et sa destination, bref : il précède son sens. Les personnages de Claire Denis naissent au spectateur à l’intérieur de ces mouvements pendant de longues minutes, avant que le récit ne donne quelques (incomplètes) explications sur leur identité et leurs relations.
Bill Murray et Scarlett Johansson lors de leur virée nocturne dans Tokyo dans Lost in Translation
Rayon vert

« Lost in Translation » de Sofia Coppola : Orange mélancolique

22 mars 2021
Le deuxième long-métrage de Sofia Coppola, Lost in Translation (2004), à travers la rencontre d’un quinquagénaire fatigué de sa vie comme de son mariage, acteur sur la fin, Bob (Bill Murray), avec une à peine ex-étudiante et jeune mariée désillusionnée, Charlotte (Scarlett Johansson), dans un hôtel au Japon, interroge le sens de leur existence. Une quête qui, toutefois, se termine paradoxalement dans le film, à l’instant de son dernier soupir, sans aucun Graal ni lot de consolation distribué, mais par le partage d’un secret, Bob le dévoilant/le murmurant à l’oreille de Charlotte, en un sens qui sera pour toujours dérobé au spectateur, demeurant une énigme inaudible pour lui. Lost in Translation n’offre donc pas de magic box, mais un film sous forme de « boîte noire », une interrogation sur le sens de la vie à laquelle cherche à répondre Sofia Coppola par une énigme sous forme d’absence de solution, sans doute parce que les véritables questions ne s’épuisent jamais dans les réponses.
Randall Patrick McMurphy (Jack Nicholson) dans les bras de « Chef » Bromden (Will Sampson) dans Vol au-dessus d’un nid de coucou
Le Majeur en crise

« Vol au-dessus d’un nid de coucou » de Milos Forman : L’empire des droits, la main du fou

3 mars 2021
Quand passent les cigognes, de 57 à 75 à bond d’oiseau, en un Vol au-dessus d’un nid de coucou, Forman est prêt à jouer dans son film sa pièce maîtresse, en une diagonale du fou assumée, au cours d’une partie d’échecs symbolique entre McMurphy l’interné et Miss Ratched l’infirmière psychiatrique, chacun rejouant les codes comme les valeurs libérales de l’Amérique, où Forman propose rien de moins qu’une forme inédite de gouvernement démocratique dans son film.
Margaret Waverton (Gloria Stuart) et Morgan (Boris Karloff) dans La Maison de la Mort
Le Majeur en crise

« La Maison de la mort » de James Whale : Un fou rire de baleine

23 février 2021
The Old Dark House est électrisé d'un rire qui appartient pleinement à son auteur, James Whale. Un rire de baleine, son nom bien sûr s'y prête. Le film est monstrueux en soumettant son paysage gothique, partagé entre une nature apocalyptique et une vieille bâtisse lourde en inavouables secrets, aux pressions marines d'un humour scatologique qui tire de l'arrière-plan psychanalytique un grand fou rire. Rire immense en brouillant les lignes du genre comme de fouetter l'ordre des sexualités (le verbe to whale signifie rosser, flageller). Rire immense dédié à un amour fou et tabou dont la noyade de James Whale est une ponctuation finale comme une image de vérité pour qui s'est appelé Baleine en lâchant le mot de la fin : « c'est assez ».
Les quatre soldats plantent le drapeau dans Mémoires de nos pères
Le Majeur en crise

« Mémoires de nos pères » de Clint Eastwood : L’Amérique en quête d’auteur

8 février 2021
En 2006, Clint Eastwood, au mitan de sa vie bien passée comme les couleurs ont perdu leur éclat, fait le bilan. Il revient ainsi dans Mémoires de nos pères, sur un fait d’arme – la prise du Mont Suribachi lors de la bataille d’Iwo Jiwa contre les Japonais, immortalisée par une photographie célèbre. Trois des six marines qui y figurent, acceptant de porter la bonne parole à travers les États-Unis, vont dès lors aller comme on part à la recherche de ses souvenirs, à la conquête de l’Histoire de l’Amérique quand on père la mémoire.
Une salle de cinéma
Histoires de spectateurs

Sociologie et économie du cinéma belge et de la cinéphilie en Belgique

20 janvier 2021
Dans cette étude à la fois sociologique et économique, nous nous intéressons dans un premier temps à la place qu'occupe la cinéphilie (au sens parisien du terme) en Belgique et au nombre d'entrées que réalisent les films d'auteur. Sur base des données récoltées, nous verrons que cette pratique semble bien marginale et que même certains des plus grands réalisateurs ne rencontrent pas leur public en Belgique. Ensuite, nous chercherons à savoir si le cinéma belge francophone trouve grâce aux yeux de ce type de cinéphilie mais aussi d'un point de vue global. Si certaines réponses sont déjà bien connues (échecs publics, etc.), nous en profiterons pour décortiquer, chiffres en mains, la communication qui accompagne aujourd'hui la production et la circulation du cinéma belge francophone.
Charles Winninger, Arleen Whelan et John Russell dans Le Soleil brille pour tout le monde
Le Majeur en crise

« Le Soleil brille pour tout le monde » de John Ford : Old Mister Priest

18 janvier 2021
Dans Le Soleil brille pour tout le monde de John Ford, le soleil aura en effet donné en rayonnant pour tout un chacun, démocratiquement. Y compris en éclairant les foyers obscurs de la violence communautaire, raciale et sexuelle. Mais le temps est venu aussi pour le soleil de commencer à se coucher en laissant au spectateur le souvenir intense d'un inoubliable occident.
Daniel Plainview (Daniel Day-Lewis) assis devant un puit de pétrole en feu dans There Will Be Blood
Le Majeur en crise

« There Will Be Blood » de Paul Thomas Anderson : L’Ouest américain a-t-il perdu le Nord ?

11 janvier 2021
There Will Be Blood montre que, aussi profonde, aussi humaine, aussi spirituelle soit-elle, l’Amérique sera toujours en retard sur son rêve. Que la nature véritable de l’Amérique, c’est donc de ne pas en avoir, c’est-à-dire encore d’avoir toujours été désenchantée. La crise du rêve américain n’est donc pas son supplément, son appendice. Elle ne lui vient pas de dehors, n’est pas son extérieur. Elle est ce qui structure l’Amérique. Elle lui est consubstantielle. Sa crise, c’est sa normalité, sinon le film n’aurait jamais débuté dans les tréfonds de la terre.
Le vieux balayeur et les projections de Jessie et Jesse dans le couloir de l'école dans Je veux juste en finir
Rayon vert

Épiphanies 2020 : Tentative de ne pas faire un Top Cinéma Annuel

5 janvier 2021
Les épiphanies sont pour nous autant d'occasions de ne pas faire de top cinéma 2020 : ni hiérarchie, ni jugement de goût, rien que le passage d'affects quelque part entre les écrans de cinéma et les pensées et les corps des spectateurs.
Beth Harmon (Anya Taylor-Joy) avec une revue sur les échec dans la librairie dans The Queen's Gambit (Le jeu de la Dame)
La Chambre Verte

« Le Jeu de la dame » : Le visage royaume d'Anya Taylor-Joy

29 décembre 2020
Au-delà du singulier et brillant parcours de la joueuse d'échecs surdouée qu'elle interprète dans Le Jeu de la dame, Anya Taylor-Joy a mis son visage au centre de tous les regards. Et si la mini-série de Scott Frank était une œuvre entièrement orientée vers cet unique visage ?
Les quatre soeurs Lisbon (Andrea Joy Cook, Kirsten Dunst, Leslie Hayman et Chelse Swain) dans Virgin Suicides
Rayon vert

« Virgin Suicides » de Sofia Coppola : Soleil noir de la mélancolie ?

27 décembre 2020
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. On était aux États-Unis, plein focus sur sa middle-class, au milieu des années 70. L’Amérique rayonnait, jusqu’à ce qu’elle fasse sa crise d’adolescence, lorsque cinq sœurs, les Virgin Suicides filmées par Sofia Coppola, théorie des dominos oblige, tombent les unes après les autres. Un suicide sans raison ni pourquoi, qui sera l’objet d’une enquête approfondie vingt-cinq ans durant, afin de tenter d’en élucider le mystère.
Rob (Marlon Morton) croise et regarde la fille du supermarché (Madi Ortiz) dans The Myth of the American Sleepover
Rayon vert

« The Myth of the American Sleepover » de David Robert Mitchell : Hanter et désirer

4 décembre 2020
En regard de « It Follows » (2014) et « Under the Silver Lake » (2018), « The Myth of the American Sleepover » peut lui aussi être abordé par le prisme de la hantise. En transposant les codes du film de genre pour que hanter et désirer coïncident dans une nouvelle alchimie, le premier film de David Robert Mitchell permet d'affirmer définitivement que son cinéma se construit sur une hantologie protéiforme.
Oyu Kayukawa (Kinuyo Tanaka) dans la forêt avec ses amis dans Miss Oyu
Rayon vert

« Miss Oyu » de Kenji Mizoguchi : Bizarre Love Triangle

20 novembre 2020
Le cinéma de Kenji Mizoguchi est d'une lucidité étourdissante et confondante. Son art est sorcellaire en ceci qu'il fait lever d'une matière extrêmement précise et documentée des paysages impersonnels dont la vérité, toujours cruelle, a la force expressive de défier les époques – la force de l'éternité. C'est le cas de Miss Oyu où l'amour est une onde solitaire comme un soliton accouchant au milieu des décombres d'un enfant dont le don est comme un trésor de légende dans le Japon de l'après-guerre.
Anne-Marie Stretter (Delphine Seyring) et le reflet dans le mirroir du vice-consul (Michael Lonsdale) dans India Song
Rayons Verts

« India Song » de Marguerite Duras : Amour océan

30 octobre 2020
India Song, air éternel, ritournelle océanique. La bourgeoisie occidentale n'a pas d'autre avenir que celui de son ravissement – cri de la bête dans la jungle à un bord et à l'autre chant de rire et de folie de la mendiante indifférente. Soleil cou coupé (selon l'expression d'Aimé Césaire) à l'horizon de la dislocation des bandes image et son en pointant vers l'aurore et l'orient. Occidental dans le film de Marguerite Duras qualifie ainsi un bal en boucle pour les fantômes inconscients d'un cinéma permanent.
Liz (Noée Abita) dans Slalom
FIFF

Interview de Noée Abita, apprentie sorcière

5 octobre 2020
Cette rencontre avec Noée Abita est une nouvelle occasion d'ouvrir les portes de notre Chambre Verte. Le travail de cette jeune actrice de 21 ans, par la cohérence de sa filmographie, permet en effet déjà de tisser des liens entre ses différents rôles et de raconter une double histoire : celle d'une adolescence sombre et sans tabous et celle de corps qui ne cessent d'affirmer leur puissance et leurs désirs en évitant les étiquettes et toute forme de surdétermination.
Benoît Poelvoorde avec son pistolet dans C'est arrivé près de chez vous
Le Majeur en crise

« C’est arrivé près de chez vous » : Le Verbe tueur

22 septembre 2020
« C’est arrivé près de chez vous » repose sur une confiance absolue dans le pouvoir des mots qui font de Ben (Benoît Poelvoorde) un démiurge. Dans ce monde de création et d'éloquence, un cocktail peut tout à fait se substituer à un être humain. Cette maîtrise buttera cependant sur ses propres limites, et le film finira par condamner les personnages, mais toujours par les mots, qui perdent alors leurs pouvoirs.
Jackie (Nathalie Portman) à la maison blanche dans Jackie
Le Majeur en crise

« Neruda » et « Jackie » de Pablo Larraín : Camelot et camelots

28 août 2020
« Neruda » et « Jackie » forment un passionnant diptyque, nom et prénom pour une Amérique expérimentée comme le nom divisé de plus d'un antagonisme au temps de la guerre froide : nord et sud, hommes et femmes, chambre froide et royaume mythique – de face et de dos.
Tetsuo en moto dans Akira
Rayon vert

« Akira » de Katsuhiro Ôtomo : Les enfants du chaos

24 août 2020
« Akira » pose, pense et panse la jonction cyborg de plus d'un spectre : spectres de Marx et de Hamlet ; spectres de l'histoire japonaise d'hier, d'avant-hier et de demain ; spectres de la culture cyberpunk et de l'Armée rouge japonaise. C'est leur conjonction organique et cybernétique organisée dans un mélange de furia et de maestria sans équivalent par l'un des plus grands films d'animation japonais qui soit, qui est aussi l'un des plus grands films de science-fiction qui soit. Tant et si bien qu'« Akira » demeure un grand contemporain éclairé par le sourire énigmatique d'Akira en nous rappelant à cette enfance devenue une énigme pour une humanité qui manque à elle-même d'avoir abandonné ses enfants. Les films qui regardent notre enfance sont toujours ceux qui savent en prendre soin.
Le mont dans Séjour dans les monts Fuchun
Rayon vert

« Séjour dans les Monts Fuchun » de Xiaogang Gu : Le mouvement et l'apaisement

6 août 2020
« Séjour dans les monts Fuchun » de Xiaogang Gu est composé de plans-séquences en mouvement (réalisés en travelling ou en panoramique) qui viennent briser l'économie formelle et narrative du récit où les relations entre les personnages sont dénaturées par l'argent et le respect des coutumes. La notion de « montage interdit » théorisée par André Bazin prend ici tout son sens. Grâce au plan-séquence final, c'est même la possibilité d'un apaisement qui est offert aux personnages.
Kyle MacLachlan, Laura Dern et David Lynch près de la Black Lodge dans Twin Peaks
Rayon vert

« Twin Peaks » de David Lynch et Mark Frost : Les forces de la Black Lodge

29 juillet 2020
Dans la saison 3 de « Twin Peaks », David Lynch et Mark Frost font de la Black Lodge le poumon de leur univers. Comment s'effectue le passage entre les différents mondes ? Quel rôle joue dans la série la rose bleue et le motif de la rose en général ? Pourquoi Hollywood et Los Angeles n'apparaissent-ils pas ? Et qu'est-ce que Judy, sinon le nom de ce champ de forces exercé par la Black Lodge ? Autant de questions à partir desquelles nous allons nous aventurer dans l'opacité des mystères de « Twin Peaks ». Ce texte est construit en dyade avec cinq « Missing Pieces » écrites par Des Nouvelles du Front, tel le sol des loges, qui est tantôt noir zébré de blanc, tantôt blanc zébré de noir. La lecture des deux textes peut ainsi se faire chronologiquement ou en suivant les renvois vers les « Missing Pieces ».
Elias Koteas et Rosanna Arquette font l'amour dans Crash
Rayon vert

« Crash » de David Cronenberg : Au volant du monde

21 juillet 2020
Revenir au monde déserté par le désir, c'est vouloir tirer de la rengaine de la production industrielle du crash la ritournelle de l'accident originaire. Retrouver le sens de l'événement dans d’insensés cabossages et d’incessants télescopages. Circulez il n'y a rien à voir ni à désirer parce que plus rien n'arrive, c'est la rengaine postmoderne qui a mis Pornos à la place d'Éros. Avec « Crash » agencer les machines expérimentales du désir et en être les artistes sans œuvre répond au désir qui ne revient que par accident. Plus de statistique : une érotique machinique. Avec le sens naissanciel de l'accident, on peut alors machiner une vie nouvelle au milieu du champ d'épaves accumulées par les autoroutes de la modernité occidentée.
Sandrine Bonnaire errant dans la nature dans Sans toit ni loi
Rayon vert

« Sans toit ni loi » d'Agnès Varda : À quoi marche le refus sans relève

16 juillet 2020
En parallèle à notre interview de Saad Chakali autour du n°66 de la revue Éclipses consacré à Agnès Varda, Des Nouvelles du Front revient sur Sans toit ni loi. Varda y suit le tracé discontinu de la trajectoire de vie erratique d'une vagabonde météorique qui s'appelle Mona. Trouvé dans le fossé, l'astre mort d'une jeunesse chue d'un désastre obscur irradie cependant encore. Sa lumière fossile est une marche à contre-courant éclairant comment le froid des années d'hiver aura médusé les itinérances contestataires et pétrifié les fugues libertaires héritées de la décennie précédente.
Les deux Jeremy Irons et Geneviève Bujold dans Faux-Semblants (Dead Ringers)
Le Majeur en crise

« Faux-Semblants » de David Cronenberg : Fusion incestueuse

29 juin 2020
Le tabou de l'inceste apparaît, de manière sous-jacente, dans de nombreux films de David Cronenberg. Dans « Faux-Semblants », il unit spécifiquement les membres d'une même fratrie et se présente même comme la possibilité de fusionner avec un autre soi-même. Par là, Cronenberg pose la question de l'identité sexuelle et de l'identité tout court. Sauf que cet idéal de fusion ne peut pas s'incarner.
La scène du feu de camp dans Gènese
Rayon vert

« Genèse » de Philippe Lesage : Une histoire intemporelle du désir

24 juin 2020
Avec « Genèse », Philippe Lesage rend au désir ce qui fait sa nature et toute sa force. Il en restitue la beauté dans sa forme enfantine la plus renversante en même temps que le trouble et le tourment. Mariant la violence extrême à la douceur la plus tendre, le réalisateur plonge au cœur des émotions, dans ses eaux troubles et ambiguës de la puberté où un désir mystérieux saisit les personnages.
Don't Fuck With Cats, un série Netflix
Histoires de spectateurs

« Don't F**k With Cats » : À corps défendant

10 juin 2020
La série Netflix « Don't F**k With Cats » de Mark Lewis repose sur un étrange paradoxe : l'aveu de l'inutilité du projet et même sa (relative) dangerosité. Elle n'existe que par des images irregardables destinées à mettre à l'épreuve le corps du spectateur. La véracité convoquée par ces images rend très difficile toute tentative de distanciation, du hors champ à la (re)construction imaginaire, et c'est pourquoi l'expérience peut, de ce point de vue, être difficile pour le spectateur.
Les trois acteurs pris au piège dans la prison dans Assaut
Rayon vert

« Assaut » de John Carpenter : Quand le mal sort du flou

18 mai 2020
Analyse d'une séquence de « Assaut » de John Carpenter où l'ouverture d'une Boite de Pandore — semblable à celles qu'on trouve dans « Mulholland Drive » de David Lynch ou « Belle de jour » de Luis Buñuel — libère définitivement les forces du mal. Le lieutenant Bishop prend ainsi conscience de leur existence, non pas seulement dans le monde et au cœur de son commissariat, mais aussi en lui-même.
Akemi Negishi danse au milieu des hommes dans Fièvre sur Anatahan
Rayon vert

« Fièvre sur Anatahan » de Josef von Sternberg : La douleur de l'unique, de l'une et du multiple

2 mai 2020
« Anatahan » fièvre (pour le titre français) ou saga (pour le titre original) ne déroge pas à la règle garantissant à qui lui obéit d'être le sujet d'une exception : tout film de Josef von Sternberg est un monde, moins soumis aux conventions de la mimesis qu'à la jungle des obsessions de son démiurge. Tout film est un monde dont la nature est une sur-nature en excès aux conventions réglées du réalisme mimétique. Tout film est un monde d'artifices dont la mise en forme propose cette étrange exploration destinant à rendre visible l'entrelacs obscur des fantasmes qui en irrigue le luxuriant déploiement démiurgique. « Anatahan » constitue pour la saga sternbergienne sa quintessence testamentaire et autiste, solitaire et onirique jusqu'à atteindre un degré sublime d'onanisme.
« Feuille de vie »(Barg-e djan), un film de Ebrahim Mokhtari
Rayon vert

« Feuille de vie » de Ebrahim Mokhtari : Le Cinéma, “Pourquoi tu te fais des films ?”

30 avril 2020
Avec « Feuille de vie », Ebrahim Mokhtari donne à voir la transposition cinématographique à la fois poétique et déroutante d’un corps-à-corps avec la vie et la mort. Cinéma et méta-cinéma s’entrecroisent sur plusieurs niveaux : il y a le film de Mokhtari, le documentaire de Mansoori et le making-off de Sahar, au début si anecdotique pour le récit mais qui se révèle être l’élément capital du dénouement.
Zélie Boulant-Lemesle dans Proxima d'Alice Winocour
Le Majeur en crise

« Proxima » de Alice Winocour : Enjoy the gravity

28 avril 2020
À la différence de ses homologues américains saturant l'espace de psycho-drames familialistes, Alice Winocour règle les questions de la pesanteur humaine sur terre : « Proxima » se donne d'abord comme le nom d'une station d'entraînement, ensuite comme une obsession pour les étoiles, enfin et surtout comme le lointain contenu dans ce qui nous est le plus proche.
Hiroko Ôshima et Claude Maki sur la plage dans A Scene at the sea
Rayon vert

« A Scene at the Sea » de Takeshi Kitano : Pas d'autre horizon que l'horizon (carré gris sur fond gris)

25 avril 2020
Troisième long-métrage de Takeshi Kitano, « A Scene at the Sea » qui prend place entre « Jugatsu » (1990) et « Sonatine » (1993) pourrait bien proposer en regard de toute l'œuvre, malgré le délitement dont témoignent ses derniers prolongements, l'épure précoce concentrant à l'essentiel la vérité du geste obsessionnel qui la caractérise.
Mei et Satsuki sur un arbre avec le chat-bus dans Mon voisin Totoro
Rayon vert

« Mon Voisin Totoro » de Hayao Miyazaki : Le regard qui donne la vie

20 avril 2020
« Mon Voisin Totoro » de Hayao Miyazaki est traversé par la question du passage entre les mondes. Jusqu’au bout, ou presque, l’hésitation se maintient quant à Totoro : est-il réel ou est-il un produit de l’imagination des petites filles ? Il ne sera pas question ici de résoudre cette problématique, mais de comprendre comment les deux mondes circulent à travers le regard des personnages.
Jeux de reflets dans Monsieur Klein de Joseph Losey
La Chambre Verte

Y a-t-il un Delon dans la salle ?

13 avril 2020
À son insu et de son propre fait, Alain Delon est devenu un mythe – pour certains intouchable, pour d’autres figé dans son aura de star. C’est oublier l’évidence première : Delon est avant tout un immense acteur, avec tout ce que cette plate formule suppose de capacité d’effacement derrière un rôle. « Monsieur Klein » de Joseph Losey (1976) en est la démonstration parfaite.
Zorica Nusheva dans Dieu existe, son nom est Petrunya de Teona Strugar Mitevska
Le Majeur en crise

« Dieu existe, son nom est Petrunya » de Teona Strugar Mitevska : Un dieu nu

11 avril 2020
« Dieu existe, son nom est Petrunya » n'est pas un film féministe et en lutte contre les sociétés traditionnelles. L'engagement de son personnage principal est tout autre, d'une radicalité sans limite : Petrunya est le visage nu, souvent muet, sur lequel s'épuisent quantité de thèses sur le monde, avec d'autant plus de haine et de hargne lorsque ceux qui les défendent y contemplent leur absence de nécessité.
N.J. (Wu Nien-jen) et son fils Yang-Yang (Jonathan Chang) chez McDonald's dans Yi Yi
Rayon vert

« Yi Yi » de Edward Yang : La grandeur des désillusionnés

7 avril 2020
Edward Yang construit dans « Yi Yi » un regard dépouillé d'illusions et en même temps conscient de leur pouvoir d'aliénation. Les vérités des personnages ne se transforment jamais en fictions fondatrices, réparatrices ou émancipatrices. C'est là toute la force du film : penser en-deça de ce monde d'illusions où on se réfugie pour ne pas avoir affaire à l'attente et à la déception.