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Rayon vert

« Megalopolis » de Francis Ford Coppola : Antipolitique du démiurge

9 octobre 2024
Megalopolis est un film inclassable, hanté par des morts qui font la vie, qui contient un élixir de jouvence – le Megalon – une force créatrice à nulle autre pareille qui ferait les cités, le cinéma de demain comme il débarrasserait tous les pouvoirs de la logique de toute-puissance. Une énergie faite de la rêverie des songes comme de la réalité. Coppola y expose un art subtil d’asseoir la vigilance sur le laisser-aller, un mélange de conscience et d’inconscience, qui menace toujours de s’évaporer ; une sorte d’état plasma filmique, qui n’est ni complètement gazeux ni complètement solide ; une folie douce, un entre-deux, un flou pour apercevoir ce que le sommeil permet de voir (les rêveries), mais aussi les songes de l’homme libre – ceux de Coppola –, tout en étant capable de restituer avec la lucidité de celui qui est éveillé. Une révélation, mais qui ne passe pas seulement par le bien être, mais le malaise, un peu comme si l’on était porté par la houle : ce moment où l’on s’en remet au monde, mais où, paradoxalement, on est enfin en soi-même pour nous apprendre, finalement, à devenir les créateurs de notre propre univers, en revenir à l'enfant.
Une scène de révolte dans Soundtrack to a Coup d’État de Johan Grimonprez
Interview

« Soundtrack to a Coup d’État » : Interview de Johan Grimonprez

7 octobre 2024
Soundtrack to a Coup d’État offre un éclairage saisissant sur les événements qui ont entouré l’indépendance du Congo en 1960. La mobilisation et la mise en dialogue d’une quantité impressionnante de documents d’archives – audiovisuels et textuels – permettent à Johan Grimonprez de renverser la perspective occidentale et de faire la lumière sur cette page noire de l’histoire de son pays.
Cosmos pendant son procès dans Le Procès du chien de Lætitia Dosch
Le Majeur en crise

« Le Procès du chien » de Lætitia Dosch : Dernières nouvelles de Cosmos

5 octobre 2024
Si le premier long-métrage de Lætitia Dosch est bruyant, c'est qu'il gueule et s'il pousse une gueulante, c'est qu'il en a gros sur le ventre. Ici, l'aboiement est partout, inter-spécifiquement. Un tribunal des hommes et des bêtes comme en rêvait Franz Kafka, sensible à l'appel des forêts comme chez Jack London. Le Procès du chien est un vrai film de bâtard et sa pelisse bigarrée est le manteau formidable d'un hommage à l'espèce compagne qui nous aura fait comme nous sommes, mais remué de rage quand notre bêtise ne fait pas droit à notre part sauvage. Le griffon Cosmos y aboie pourtant les nouvelles d'un nouveau « contrat naturel ».
Un visiteur récite une parole mystérieuse devant une statue dans Dahomey
Rayon vert

« Dahomey » de Mati Diop : Les statues meurent-elles aussi ?

2 octobre 2024
Mati Diop a toujours filmé des fantômes. À l'occasion de la « restitution » par la France de vingt-six statues au Bénin, elle décide, dans Dahomey, de les faire parler pour installer un contre-récit sur la colonisation, contre la mort d'un peuple, sa culture, son histoire, cette mort qui n'a jamais cessé de faire sentir sa poigne. Une politique des fantômes pour les rendre à la vie.
Oscar Isaac, Jessica Chastain et Albert Brooks sur les quais à la fin de A Most Violent Year
Le Majeur en crise

« A Most Violent Year » de J.C. Chandor : Le Far West n’est pas si loin

2 octobre 2024
A Most Violent Year porte un coup décisif à l’idéologie diffusée par la forme hollywoodienne dominante. À travers son personnage principal d’entrepreneur obsessionnel et d’une description méticuleuse des intérêts de classes, J.C. Chandor révèle la séduction perverse d’une esthétique absorbante qui a si souvent servi à nous rendre désirable des rapports au monde nauséabonds.
Apichatpong Weerasethakul à Bozar Brussels
Interview

Interview d'Apichatpong Weerasethakul : « Le cinéma est un fantôme qui vous possède et vous emmène dans son voyage »

27 septembre 2024
Dans ce grand entretien avec Apichatpong Weerasethakul, nous revenons avec lui sur sa première œuvre VR, A Conversation with the sun, mais aussi sur les fondements de son travail et ce qui l'anime aujourd'hui en tant qu'artiste.
Un enfant couché dans son lit dans France tour détour deux enfants
Rayon vert

« France tour détour deux enfants » de Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville : Les enfants jouent à la télévision

26 septembre 2024
Un jour, quelqu'un de la télé a dit : on aimerait bien célébrer le centenaire du Tour de la France par deux enfants (1877) d'Augustine Fouillée alias G. Bruno, classique de la pédagogie à l'époque de la toute jeune Troisième République. Une nouvelle composition à rendre après Six fois deux / Sur et sous la communication (1976). Un nouveau devoir à faire « à la rude école de la télévision ». Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville y ont répondu, tout simplement, par « un mouvement de 260 millions de centimes vers une petite fille et un petit garçon ». Être à l'écoute du discours de l'autre et son enseigne quand il est un enfant, deux enfants qui pensent, c'est montrer, après les grandes catégories politiques à l'époque du groupe Dziga-Vertov, qu'il n'y a pas de politique vraie sans qu'elle n'ait pour autre versant celui de la « micropolitique ».
Des spectateurs voyagent dans l'oeuvre VR A Conversation with the Sun d'Apichatpong Weerasethakul
Histoires de spectateurs

« A Conversation with the Sun » d'Apichatpong Weerasethakul : La grotte des rêves perdus

22 septembre 2024
A Conversation with the Sun, la première œuvre VR d'Apichatpong Weerasethakul, explore, par le rêve, la mémoire de la conscience humaine en prise avec son existence physique et le mystère de ses origines. Le visiteur plonge dans une grotte des rêves perdus où il peut se ressouvenir de ses rêves antérieurs ou, comme Oncle Boonmee, de ses vies passées, puisque notre corps garde secrètement la mémoire de son premier ancêtre.
Viggo Mortensen dans son bar dans A History of Violence
Rayon vert

« A History of Violence » de David Cronenberg : Le secret derrière la porte

21 septembre 2024
A History of Violence de David Cronenberg ne raconte pas simplement que la barbarie n'est jamais très loin. Elle est au plus proche. Elle fait mouche. Elle est en nous. Elle fait nous. La civilisation n'est que sa camisole de force, dont il fallait encore défaire toutes les coutures dans un film qui ébroue d'autant plus que sa facture est classique.
Jude Law et Jennifer Jason Leigh reliés par un Pod dans eXistenZ
Esthétique

« eXistenZ » de David Cronenberg : Virtualités sensorielles

20 septembre 2024
Aussi sensuel que cérébral, eXistenZ participe d’une véritable déconstruction des codes du cinéma de science-fiction classique. Pour le spectateur, l’entrée dans le monde d’eXistenZ est une expérience synesthésique totale. Les images chez David Cronenberg ont une odeur, un goût, une consistance. Le cinéma est un corps qu’il est désormais possible de ressentir. Il est la Nouvelle Chair.
Mia Wasikowska couchée sur une étoile d'Hollywood Boulevard dans Maps to the Stars de David Cronenberg
Rayon vert

« Maps to the Stars » de David Cronenberg : Ce qui s'écrit de l'inceste

20 septembre 2024
Depuis les années 2000, le traitement clinique propre au cinéma de David Cronenberg élargit sa sphère d'analyse. Il y raffine, par concentration du style et variation dans ses objets et ses récits, le caractère monstrueux de ses nouvelles excroissances. Il étire ainsi les spires de la toile propres à ses exercices de viralisation arachnéenne. Avec Maps to the Stars, il s'agit d'infiltrer et d'assimiler un sous-genre caractéristique de l'industrie hollywoodienne, à savoir sa propre satire. En adoptant une stratégie déflationniste, le choix du minimalisme s'amuse délibérément à friser la déception en jouant de déceptivité. La distance clinique qui engage à la soustraction comme à la neutralisation des clichés déplace les enjeux comiques de la satire du côté de la représentation à froid d'une familiarité inquiétante. La force d'insinuation de Maps to the Stars, réelle bien qu'en-deçà des longs-métrages précédents, ne saurait cependant se réduire à la seule justesse sociologique de son scénario, ainsi qu'à quelques-uns de ses accents grotesques. Le clinicien frôle le cybernéticien avant que l'insinuation des conventions ne fasse apparaître une écriture autre, psychotique et cryptique. L'inceste s'y révèle moins comme la vérité monstrueuse et criminelle de l'homogamie que comme un événement inassimilable dans un monde qui a anéanti la force transgressive de l'amour. Et aboli les poètes qui en écriraient les étoilements pour en chanter les astres scellés.
James Woods face à la télévision dans la célèbre scène de Vidéodrome de David Cronenberg
Rayon vert

« Vidéodrome » de David Cronenberg : La grande illusion

20 septembre 2024
Série d’hallucinations érotiques et gores, Videodrome visite les profondeurs de la psyché sous le régime de la consommation insatiable des images, où l’espace intime est peuplé par ces monstres méconnus : les écrans.
Zoé Lucas sur l'île de Sable dans Geographies of Solitude
Rayon vert

« Geographies of Solitude » de Jacquelyn Mills : Matière et mémoire

11 septembre 2024
Toute matière affecte et est affectée. Dans Geographies of Solitude, la matière-île affecte la matière-cheval qu’elle accueille. Loin des humains, elle s’est acclimatée à ce lieu unique, elle s’est ensauvagée. Île et chevaux se confondent tout comme Zoé Lucas a fini par se fondre dans l’île. Ce rapprochement de la scientifique et de l’environnement matériel qu’elle analyse a inspiré l’un des gestes fondamentaux du film de Jacquelyn Mills : promouvoir un régime d’intelligibilité du monde qui ne distingue pas raison et sensations, mais qui postule au contraire leur salutaire association.
Larissa Corriveau seule dans la maison dans Mademoiselle Kenopsia
Rayon vert

« Mademoiselle Kenopsia » de Denis Côté : Découvrir le vide

31 août 2024
Denis Côté, jouant avec radicalité de l’esthétique des espaces liminaux, donne vitalité à l’expression nécrosée de l’expérience cinématographique. Celle qui, au-delà d’une narration ou d’images, s’impose et s’adresse directement à nos sens, particulièrement, ici, à ceux qui guident l’appréhension. Dans le vide qui sépare les lieux dans lesquels Mademoiselle Kenopsia se loge, le réalisateur québécois nous fait éprouver les possibles de l’attente. L’écran de projection devient alors réceptacle et vecteur de l’inconscient, le recevant après l’avoir excité dans une rétroaction continue. Et lorsque le film termine et nous accompagne au-delà du cinéma, il n’en reste que la mémoire, celle des sentiments qui se sont manifestés lors d’un ennui conscient.
Zoe Saldana danse au gala de charité dans Emilia Perez
Critique

« Emilia Perez » de Jacques Audiard : L'invraisemblable cynisme

27 août 2024
Il faut, paraît-il, accepter Emilia Perez comme un film invraisemblable. Mais cette histoire de baron de la drogue qui veut se racheter de ses fautes accouche en même temps d'un invraisemblable cynisme qui est à peu près son seul horizon, à l'exception de la délicate tension apportée par Karla Sofía Gascón. C'est que la vraisemblance peut avoir un double sens quand elle exprime quelque chose d'invraisemblable : le cynisme atteint un tel degré d'invraisemblance qu'il en devient l'invraisemblable vérité du film. Au final, Audiard se la joue plutôt Grand Jacques en livrant sa reprise des « Bigotes » qui traduit bien le cheminement du film et la réaffirmation vieillotte d'un auteur attaché à ses artifices, exactement comme Leos Carax.
JR photographie un prisonnier dans Tehachapi
Critique

« Tehachapi » de JR : Misère de l’humanisme carcéral

25 août 2024
Une prison de haute sécurité californienne, un suprémaciste blanc repenti et une photo de famille géante collée sur le sol du terrain de basket : JR, dans Tehachapi, a soigneusement choisi les ingrédients de son nouveau documentaire bigger than life. Mais tel l’éléphant qui accouche d’une souris, l’artiste sert finalement une soupe libérale, à l’avant-poste du maintien d’un insoutenable consensus carcéral.
Raimu dans La Femme du boulanger de Marcel Pagnol.
Rayon vert

« La Femme du boulanger » de Marcel Pagnol : Le fournil d'enfer du discours

25 août 2024
Le four banal de la conflictualité locale requiert un boulanger pour en pétrir la pâte avant de la faire cuire, et faire ainsi levain de toutes les bonnes pâtes qui ont fini par rassir dans son pétrin. Ce qui en sortira pourtant, crûment, c'est non seulement la question sexuelle et sa répression, c'est encore son traitement social afin que la collectivité en tire son profit. Car manger du pain du boulanger, c'est en goûter la cruauté. La boulange à la manière de Marcel Pagnol ne craint pas de mettre la main dans le pétrin de la répression des sexualités dominées. Pour son artisan, gagner son pain à la sueur de son front, c'est aussi prendre en considération que la sudation descend jusque dans le creux le plus intime de son pantalon. Si le discours est le pain blanc de qui en a besoin pour parer à la crise mimétique, la pâte à pain de certains discours est aussi plus grumeleuse, plus cruelle et crue que d'autres, farcie des rappels à l'ordre des prisons conjugales, ces rasoirs qui font verser des larmes de honte. Le pain bénit du discours a ses béni-oui-oui comme il a ses victimes émissaires, avec pour les uns ses foyers d'attention et de consécration quand, pour les autres, il vaut rien moins que d'infernal fournil.
Isabela Merced dans la lumière à l'intérieur du vaisseau dans Alien : Romulus
Rayon vert

« Alien : Romulus » de Fede Alvarez : Le noir de la terre

16 août 2024
L'alien est l'hôte qui n'a de pulsion qu'à l'hostilité, l'intrus que ses otages se doivent expulser. Dans Alien : Romulus, les adolescents prolongés qui en affrontent la monstrueuse multiplicité découvrent soudain qu'ils sont expulsables, eux aussi. Abonnés aux profondeurs minières de la terre même quand ils se projettent dans l'espace, ils rêvent d'une sortie vers le soleil en risquant d'être évacués dans le noir intersidéral, à l'instar de vulgaires déchets. Eux qui se voyaient en bons platoniciens à la fin comprennent qu'ils sont l'embarrassante portée des fondations romaines, sa chiée, les enfants des profondeurs obscures et des pesanteurs objectales de la terre, la plus dévoreuse d'entre toutes les mères.
Jim et Karim Leklou dans Le Roman de Jim des frères Larrieu
Interview

« Le Roman de Jim » : Interview d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu

12 août 2024
Situé quelque part dans un nouage entre le réalisme, le désir et l'onirisme, le travail d'Arnaud et Jean-Marie Larrieu nous a toujours intéressé par sa singularité. C'est pourquoi leur venue en juin dernier au BRIFF à Bruxelles était l'occasion de discuter avec eux de leur dernier film, Le Roman de Jim, et de le mettre en dialogue avec leurs films précédents. Portant notamment sur le travail d'adaptation, sur la métamorphose, la figure de l'épiphanie ou encore la rencontre du trivial et de la grâce, la discussion dévia aussi sur l'opposition de leur démarche avec celles d'autres réalisateurs. La rencontre s'est agrémentée d'une autre, avec le comédien Karmi Leklou, qui nous aura également éclairé sur le film et sur son propre rapport au travail d'acteur et au cinéma.
Cooper (Josh Hartnett) dans la salle de concert dans Trap de M. Night Shyamalan
Critique

« Trap » de M. Night Shyamalan : Misères de la mise en boîte

9 août 2024
Concevoir des films comme des pièges à regard, c'est pour M. Night Shyamalan jouer de perspective et d'imbrication, double fond, triple fond, etc. Et rappeler ainsi au spectateur qu'il n'y a de redoublement et de retournement possible qu'en raison d'une faille originaire logée dans son regard, ce vide qui peut tout accueillir, l'empathie mêlée au savoir qu'il a pour figure la pire. Mais à quoi bon montrer, dans Trap, que le fond fait varier les parallaxes en ouvrant toujours à la possibilité de la ligne de fuite, si c'est pour retomber ensuite dans les filets d'Œdipe, avec ses petites boîtes qui font le cercueil des bonnes idées ? C'est qu'il y a deux papas, un méchant et un gentil, et si le premier sait captiver le regard, le second travaille à ne pas décevoir sa fifille.
Maxine dans la rue avec son amie dans MaXXXine de Ti West
Critique

« MaXXXine » de Ti West : Le bûcher des vanités

5 août 2024
Une, deux, trois, en compagnie de Maxine nous retournons à son bois. Quatre, cinq, six, y sentir une dernière fois le houx dont le feu sacré sert à d'antiques sacrifices. Sept, huit, neuf, avec un nouveau panier mais cette fois-ci les œufs y seront moins frais. Dix, onze, douze, pour concocter une omelette hollywoodienne qu'affadit sûrement le ketchup abusif du cynisme. Le bois de houx dont se chauffe MaXXXine de Ti West, le troisième et dernier volet dédié à la féroce Maxine, fait d'abord rougir et cuir la peau des sataniques années 80, avant de mener à la baguette un récit accordé à la nécessité du malheur pour réussir à se faire une place au soleil, même s'il est caniculaire.
Les Sept Samouraïs dans un champ dans le film d'Akira Kurosawa
Esthétique

« Les Sept Samouraïs » d'Akira Kurosawa : Le huitième samouraï

4 août 2024
L'ascension d'une montagne pareille à celle des Sept Samouraïs valait bien la critique rongeuse des souris de la censure, de l'occupant aux franges conservatrices du public. L'occupé a ainsi répondu symboliquement à l'occupant, dans la migration des formes et leur créolisation réciproque, autant que dans la fureur des images que la fiction épique dialectise. Dans la réponse de l'occupé à l'occupant, il y a autant de manières que de matières dès lors qu'il existe une pression des forces qui poussent les formes classiques à leur déformation en ouvrant, dans la suspension des figures comme dans leur excès, dans les ruptures de rythme comme dans les accélérations narratives, à la poussée élémentaire des matières. L'épique revient ainsi à qualifier comment le temps long de la paysannerie aura connu au 16ème siècle une époque de sa sédimentation historique en recouvrant sous la terre le temps fini des guerriers. Car il y a le temps de la question et celui du problème et ce ne sont pas les mêmes. Des samouraïs sans feu ni lieu, autrement dit des rônins finissent dans la terre que cultivent ses garants, les paysans qui ont le garde des morts qu'il y a en dessous et dont le nom même – pagus – dit en latin la paix. Le pagus dit autrement la page que l'écriture laboure, et par extension les plans. Akira Kurosawa est le huitième samouraï et sa leçon repose dans la terre arable de ses films.
Franck (Daniel Auteuil) parmi ses arnaqueurs sur La Penichette, dans "La Petite Vadrouille"
Rayon vert

« La Petite vadrouille » de Bruno Podalydès : La vie est une petite rivière agitée

4 août 2024
Si de prime abord, La Petite vadrouille semble être le film le plus misanthrope de Bruno Podalydès, charriant la satire sociale aussi subtilement qu'un Chatiliez dans un magasin de porcelaine, le film incite son spectateur comme ses personnages à « voir plus loin ». En utilisant la parabole du bateau naviguant à vue vers un horizon dégagé ou pas, le film utilise aussi les écluses comme vecteurs de fermeture ou d'ouverture, faisant de la dernière une véritable promesse d'avenir plus radieux.
Hamza Meziani dans la forêt dans Six pieds sur Terre
Histoires de spectateurs

« Six pieds sur Terre » de Karim Bensalah : Voyage au bout de la vie

28 juillet 2024
Il faut voir absolument et de toute nécessité Six pieds sur terre de Karim Bensalah, à l'heure où s'affichent sans plus de vergogne tous les discours rances sur l'islam, l'arabité, l'identité. Il faut voir Six pieds sur terre avant qu'il soit trop tard, avant les bruits de bottes, avant qu'un jour on vienne, à votre tour, frapper à votre porte.
Mila dans la mer dans Creatura
Rayon vert

« Creatura » de Elena Martín : Y a-t-il un trauma dans l’avion ?

28 juillet 2024
Dans le sillage du mouvement #MeToo, que faire de l’expérience ordinaire de la sexualité, jonchée de heurts et de frustrations, mais sans grand traumatisme duquel tout le récit procède ? S’il est intéressant pour le cinéma d’aller ausculter les violences sexuelles en s’éloignant des cas de figure les plus explicites et révoltants, c’est qu’il existe tout un territoire à défricher entre la célébration du désir et la mise en lumière de son caractère funeste.
Le tueur zombie dans la nature dans In a Violent Nature
Esthétique

« In a Violent Nature » de Chris Nash : La vengeance d'un cadreur

20 juillet 2024
In a Violent Nature de Chris Nash invente sa propre forme de hantise à travers une recherche esthétique sur le cadrage, le regard et la peur. L'influence revendiquée de Gus Van Sant serait alors un catalyseur et non l'objet d'une comparaison impossible à faire tenir. Le mort-vivant est au centre d'une mise en cadre qui cadenasse le récit, rien ni personne ne pouvant échapper à sa mise en scène car il en impose le rythme et décide du sort des figurants.
La forêt dans la première partie de Eureka
Rayon vert

« Eureka » de Lisandro Alonso : L’incompréhension du monde

20 juillet 2024
Par la mise en simultanéité dans un même récit de plusieurs époques et de plusieurs lieux, de différents modes de représentations des autochtones et de la domination qu’ils subissent, Eureka de Lisandro Alonso rend compte de la condition amérindienne saisie au travers des structures oppressives qui en modèlent les contours.
Carmen et Antonia dans L'image permanente
BRIFF

« L'image permanente » de Laura Ferrés : Sauver les âmes mouvementées

14 juillet 2024
Dans L'image permanente, la photographie ne vole pas les âmes. Elle les sauve, le temps d'une rencontre, de la morosité dans laquelle elles baignent, ces impasses temporaires dans lesquelles le passage du temps a forcé Carmen et Antonia à se replier. Mais les choix esthétiques de Laura Ferrés sont avant tout au service de son empathie pour les personnages et d'un humour décalé qui adoucit l'influence du passage du temps : Carmen et Antonia sentent encore le souffle d'un sauvetage de leur vie dans leur dos, ce souffle permanent qui rappelle qu'heureusement rien n'est jamais joué.
Katy O'Brian et Kristen Stewart sur leur camionnette dans Love Lies Bleeding
Esthétique

« Love Lies Bleeding » de Rose Glass : Un amour mythologique

14 juillet 2024
Love Lies Bleeding s’intéresse aux pulsions qui poussent irrémédiablement le corps vers des objets d’assouvissement, qu’ils soient vitalisants, mortifères, ou les deux. De ce point de départ, Rose Glass ramène l'amour à son existence physique, voire physiologique, qui ne serait qu'une autre modalité de la vie du corps, tout en enrobant son récit d’une patine mythologique qui en densifie la portée évocatrice.
Margaret Qualley, Willem Dafoe et Jesse Plemons enlacés dans Kinds of Kindness
Critique

« Kinds of Kindness » de Yorgos Lanthimos : Et in Arcadia ego

5 juillet 2024
Posons qu'il y aurait trois genres de gentillesse mais qu'elles reviennent fondamentalement au même. L'identique rend caduque toute dialectique quand la variété apparente des formes de l'obligeance, d'un salarié pour son patron, d'une femme pour son compagnon, d'une sectatrice pour son gourou, fait le lit d'une propension avérée mais avariée à la domination. Dans Kinds of Kindness, trois fables font ainsi itération d'un monde simplifié à l'extrême, clivé entre deux positions auxiliaires, l'une pour qui s'abandonne à l'asservissement, l'autre pour qui en profite du côté du commandement. Même Javellisée, la clinique des arbitraires réglés et des absurdités de la vie moderne délivre la même chirurgie ablative quand le tiers en vient comme ici à manquer.
Anna Magnani chante et danse dans Larmes de joie
Esthétique

« Larmes de joie » de Mario Monicelli : Le miracle entre les miracles

4 juillet 2024
Les miracles ostentatoires sont l'office du faux. Entre deux simulacres, se faufile toutefois un miracle d'autant plus vrai qu'il est moins perceptible, mais essentiel est son caractère affirmatif. C'est le pacte des bras cassés, les naufragés du « boom » économique qui en sont aussi les rescapés quand ils échappent aux festivités qui sacrifient à l'individualisation des maux sociaux. Le miracle est encore celui de Larmes de joie qui extrait de son trio de comédie une dialectique du faux qui a le vrai pour souci.
Antonia (Clara-Maria Laredo) avec son outil de distanciation dans "À son image"
BRIFF

« À son image » de Thierry de Peretti : Une vie distante

4 juillet 2024
Sept ans après Une vie violente, Thierry de Peretti revient en Corse pour aborder les guerres fratricides du nationalisme dans À son image, mais le fait à partir du regard distancié de son personnage principal, la jeune photographe Antonia, elle-même observée et racontée par une tierce personne. Cette double — voire triple — distanciation éclaire et théorise le point de vue et la position du cinéaste, entrant en résonance avec sa manière de filmer et sa direction d'acteurs.
Mina (Dakota Fanning) face à elle-même dans "Les Guetteurs"
Esthétique

« Les Guetteurs » d’Ishana Shyamalan : Force de l'imitation

28 juin 2024
Si elle emprunte les sentiers battus par son père, Ishana Night Syamalan a aussi choisi d'assumer pleinement l'influence de son cinéma sur son travail. Bâtissant un film de genre à la fois mythologique et psychologique, elle emprunte des trucs et astuces à son aîné — le recours aux règles, les dévoilements progressifs, etc. — mais fait de cette propension à imiter, à dupliquer, une véritable force qui devient le sujet même des Guetteurs.
La fin du film sur la plage dans In Water
Rayon vert

« In Water » de Hong Sang-soo : Seul sur la plage le jour

23 juin 2024
Le flou est une composante de tous les films d'Hong Sang-soo. Il est introduit par l'alcool qui va réorganiser l'existence des personnages ou, inversement, ceux-ci ne savent pas toujours où ils vont, le flou enrobant leur vie et l'alcool vient y apporter un peu de clarté. Le flou a ainsi toujours circulé dans les deux sens, avec les joies et les peines qui l'accompagnent. Celui que matérialise le cinéaste dans In Water n'est au fond que l'expression imagée traduisant la solitude, la mélancolie et la volonté d'en finir d'un jeune cinéaste tournant son film testamentaire.
Fran (Daisy Ridley) s'imagine morte dans une forêt dans Sometimes I Think About Dying
Rayon vert

« Sometimes I Think About Dying » de Rachel Lambert : Blanche-Neige sort de la forêt

20 juin 2024
Sometimes I Think About Dying est bien plus qu'un film arty et poseur. Portrait impressionniste d’une jeune femme angoissée, cette nouvelle mouture du décidément fructueux cinéma indépendant américain mélange le conte au naturalisme pour donner à penser la névrose.
Toute la bande lors d'un combat dans la rue dans Outsiders
Rayon vert

« Outsiders » de Francis Ford Coppola : L’or des visages

16 juin 2024
Les jeunes visages de Outsiders promettent de l’or. Entre les courses vaines face à la violence et la fixité illusoire face aux écrans, entre la lumière des couchers de soleil et les brûlures nées du courage, le visage de Johnny (Ralph Macchio) abrite peut-être le rayon doré secret du film.
Les militaires lors d'un cérémonie dans le cimetière dans Jardin de pierre
Le Majeur en crise

« Jardins de pierre » de Francis Ford Coppola : Mémoire d'outre-tombe

16 juin 2024
La période des années 70 aurait vampirisé le cinéma de Coppola. Draculéen, il ne laisserait pas la moindre goutte de sang. Les années 80 en regorgent pourtant, dans un cinéma d'apparence différent. Derrière les beaux costumes, les belles voitures, sourd déjà le pessimisme dans Peggy Sue s'est mariée, en 1986, une tristesse qui se concrétisera un an plus tard, avec Jardins de pierre, qui refait la guerre du Vietnam. Entre les deux tournages, meurt le premier fils de Coppola, John Carlo, à l'âge de 22 ans, dans un accident de bateau. Un drame, un film, qui demandent, qui exigent : comment remonter sa vie ? Comment refaire communauté, en famille comme en Amérique, quand la mort vous empêche, trop tôt, le matin, de réinventer votre drame ?
Kathleen Turner avec sa couronne au bal de fin d'année dans Peggy Sue s'est mariée
Rayon vert

« Peggy Sue s'est mariée » de Francis Ford Coppola : Les illusions perdues

16 juin 2024
S'il était possible, referait-on sa vie ? Effacerions-nous nos erreurs pour se rendre un peu plus digne de cette blessure d'où l'on vient ? En 1986, Francis Ford Coppola envoie Peggy Sue dans le passé pour tenter de nous apporter une réponse. Même dans le pire, même dans l'infamie, Peggy Sue récidiverait, reconduirait sa vie dans une philosophie paradoxale du renoncement qui s'apparente au soulèvement, et ne se mesure pas, une victoire remportée dans la défaite qui provoquerait non pas le désespoir mais une joie tragique.
Tim Roth regarde une horloge dans L'homme sans âge
Rayon vert

« L'Homme sans âge » de Francis Ford Coppola : La troisième rose, la dernière, la trémière

16 juin 2024
L'Homme sans âge est un retour au cinéma, une seconde chance après dix ans d'absence et bien des atermoiements. La jouvence du numérique offre alors au vieux démiurge, toujours un peu bateleur, une occasion renouvelée de faire œuvre d'horloger, mais à seule fin de réitérer qu'il n'y a jamais lieu de se réconcilier avec le temps, pour des vieillards qui rajeunissent et des enfants qui vieillissent trop vite. La remontée de la jungle des origines du langages abrite en vérité le secret malade des amours décomposées, ce cœur blessé qui refait le cinéma de toute une vie pour à la fin consentir à laisser vivre le souvenir immortel de l'aimée. L'aiguille de l'horlogerie, avec ses images comme autant de miroirs à retardement, est la tige d'une rose et si elles viennent toujours par trois, la dernière est une rose trémière, celle qu'un homme dépose sur le seuil de lui-même, une fois délivré du démon totalitaire de la démiurgie.
Natalie et Killer jouent à Simon Says dans Les Gens de la pluie
Rayon vert

« Les Gens de la pluie » de Francis Ford Coppola : Femme de pierre

16 juin 2024
Dans Les Gens de la pluie, Natalie est moins faite de larmes que de pierres. Elle résiste plus qu'elle ne se dissout. En ce cens, sa trajectoire dessine les contours d'un grand film féministe qui contient en même temps les germes, les aspirations et le rapport à l'utopie du laboratoire à venir de Francis Ford Coppola.
Harry Caul (Gene Hackman) écoute une conversation dans Conversation secrète
Rayon vert

« Conversation secrète » de Francis Ford Coppola : À la recherche du temps perdu

16 juin 2024
Peut-on filmer sa propre histoire, celle d'un enfant reclus longuement dans sa chambre dès l'âge de cinq ans ? À partir d'un grand film sur la paranoïa, Conversation secrète est la tentative de Coppola de forer son passé, reconstituer un centre où se loger durablement. Mais a-t-on jamais vu quiconque habiter un trou noir, celui de l'enfance ?
Jack (Robin Williams) s'amuse avec un papillon, aussi éphémère que lui
Le Majeur en crise

« Jack » de Francis Ford Coppola : La fragilité spectaculaire de l’étoile filante

16 juin 2024
Film mineur, de commande, constamment moqué, Jack fait depuis longtemps figure de vilain petit canard dans la filmographie de Francis Ford Coppola. Le film mérite cependant d'être revu à l'aune d'éclairages rétrospectifs, pour apparaître étonnamment comme très personnel de la part du cinéaste. Développant toute une dialectique de la fragilité, une philosophie de l'éternel enfant et une allégorie de l'étoile filante, il permet à Coppola de rendre, quinze ans avant Twixt, un hommage discret à ses enfants.
(Elle Fanning) hante les rêves de Hall Baltimore dans "Twixt"
Rayon vert

« Twixt » de Francis Ford Coppola : Écrin de sang

16 juin 2024
Faux film de genre, faux film de vampires, prétendu entre-deux mineur dans la carrière de Francis Ford Coppola, Twixt brouille les pistes pour mieux proposer, dans une trouée, une introspection à la fois cathartique et prophétique. Sous la figure tutélaire d'un Edgar Allan Poe en guide rêvé, le film apparaît in fine comme un écrin aux atours fantastiques et sanglants, pour mieux ceindre l'intention principale de son auteur : rendre hommage à sa famille, et particulièrement à ses enfants, de la plus belle des manières.
Deux musiciens jouent de la trompette dans Cotton Club
Le Majeur en crise

« Cotton Club » de Francis Ford Coppola : Croches et croche-pattes, du blanc sur le noir

16 juin 2024
Cotton Club danse, ses jeux formels sont endiablés, claquettes du musical et mitraillettes du film de gangster, mais les danses de l'éléphant blanc sont boiteuses. À peine amorcée, la critique de l'appropriation culturelle est aussi vite annulée au nom d'une hégémonie du spectacle qui a le blanc pour accord majeur, et les noirs de rester une minorité malgré l'apologie du jazz et sa créolité. L'enflure d'un spectacle qui l'est d'abord pour lui-même, avec son budget faramineux, sa centrifugeuse cinéphile et ses immixtions mafieuses est un ventre à deux poches, avec le génie empêché de Francis Ford Coppola et Robert Evans, son démon contrariant. Les croches musicales y sont des croche-pattes qui arrivent toutefois à battre la mesure des motifs fétiches d'un cinéaste impuissant à se désendetter de ses obligations, rivalités mimétiques, vampirisation mafieuse et jeunesse menacée d'un gâtisme prématuré.
Leos Carax et Monsieur Merde (Denis Lavant) dans un parc dans C'est pas moi
BRIFF

« C’est pas moi » de Leos Carax : Itinéraire d’un enfant gâté

14 juin 2024
C’est pas moi : malgré son air à l’insolence gamine, le titre porte irrésistiblement à l’antiphrase que le film-essai, le tout premier de Leos Carax, s’applique en 42 minutes à vérifier. Il n’y est question en effet que de lui. L’autoportrait commandé par le Centre Beaubourg à la suite d’une exposition avortée est une nuit mauvaise de remâchement et d’insomnie pour un cinéaste qui, sacrifiant à sa légende, a fait un projet de prolonger son adolescence en y cloîtrant le cinéma qu’il a aimé alors qu’il avait pour vertu de l’en émanciper.
Les trois enfants dans le centre de vacances abandonné dans The Florida Project
Rayon vert

« The Florida Project » de Sean Baker : Le palais de leur enfance

12 juin 2024
La banlieue industrielle et kitsche que filme Sean Baker à hauteur d'enfants dans The Florida Project devient un monde merveilleux qui renvoie le parc Disney World et ses promesses à ses propres illusions. Contrairement à Disney qui cherche à tout polir et infantiliser (et non enfancer), le film se construit sur une terre de lutte sociale et économique que Sean Baker ne cherche jamais à cacher ni à moraliser.
William Shatner se coiffe devant le miroir dans The Intruder de Roger Corman
Esthétique

« The Intruder » de Roger Corman : Terreur blanche

10 juin 2024
Le mineur de fond de l'exploitation avait le démon de l'épouvante. Glissé dans sa série des huit adaptations d'Edgar Allan Poe qui ont établi pour le producteur de films bis sa réputation d'auteur, The Intruder est le film de Roger Corman le plus halluciné d'être le plus politiquement engagé. À cet égard, il fait plus que figure d'intrus dans une œuvre qui, longtemps déconsidérée, taille la part belle à la terreur. À l'heure où était à l'œuvre un processus de déségrégation, son film s'ouvre en effet à une terreur blanche qui a le noir pour exécration infinie.
Mike Faist, Zendaya, Josh O'Connor durant la scène d'amour à trois dans Challengers
Rayon vert

« Challengers » de Luca Guadagnino : Match amical, match inachevé

31 mai 2024
S’il ne tient pas ses promesses de match sulfureux entre tennis et désir, Challengers parvient sur le fil à s’échapper de sa mécanique programmée. En changeant sa manière de servir, le personnage de Patrick ouvre le film à d’autres possibles et fait surgir d’autres manières de jouer et de vivre.
Le chirurgien au travail dans État limite
Esthétique

« État limite » de Nicolas Peduzzi : Voyage au bout de la nuit psychiatrique

29 mai 2024
Dans État limite, Nicolas Pedduzi filme des « fous » dans un hôpital public, où la psychiatrie est tenue par un seul médecin, en état limite comme un pays serait au bord du précipice. Car comment sauver des individus de leur maladie, quand l'hôpital est l'expression même de la folie ? Portrait de son médecin, un fou héroïque, placé dans une situation de légitimité sans cesse déligitimée, abolie par le principe même qui l'héroïse, Bardamu d'une guerre célinienne, l'homme au bout de son voyage la nuit, armé jusqu'aux cheveux de sa folie humaniste.
Furiosa (Anya Taylor-Joy) monte sur un camion dans Furiosa : une saga Mad Max de Georges Miller.
Rayon vert

« Furiosa : une saga Mad Max » de George Miller : La pétroleuse de son malheur

24 mai 2024
Avec la saga Mad Max, le genre post-apocalyptique peut joyeusement retraduire en parodie carnassière la barbarie intrinsèque d'une civilisation industrielle dont l'économie fossile fait violence à tout le vivant qu'il considère comme un gynécée dont il peut à loisir piller le ventre. Le désert a beau être de désolation, il ne s'oppose en rien à une prodigalité carnavalesque qui a pour flux sanguin et cruel le pétrole, la matière fécale de la terre dont l'extraction est un viol. Y pousse cependant une plante étrange qui a pour nom Furiosa mais elle est une fleur de malheur quand le fruit conservé de l'éden perdu est la blessure qui pourrit dans son cœur. Le roi pêcheur est une reine vengeresse, la pétroleuse suractive dans l'accroissement du désert.
John Ryder avec son revolver dans la voiture dans Hitcher
Le Majeur en crise

« Hitcher » de Robert Harmon : L'homme de main de l'Amérique

21 mai 2024
Selon de nombreux commentateurs, à l'heure des présidentielles, deux Amériques irréconciliables s'affronteraient, celle de Donald Trump, nostalgique de l'hooverisme viriliste, celle de Joe Biden, prompte à rekennedyser les États-Unis, une manière gauche de vivre. Une grille de lecture souvent utilisée par la critique cinématographique elle-même. En 1986, Hitcher, qui vient de ressortir en salles, l'invalide. Il n'y a jamais eu deux Amériques, mais une seule, née d'un crime initial, que son homme de main est venu solder définitivement dans le film pour dire que l'Amérique n'a jamais rien eu d'autre en partage que ce seul patrimoine commun : sa violence constitutive.
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