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Toutes les publications

Barbie et Ken quittent Barbieland dans Barbie.
Esthétique

« Barbie » de Greta Gerwig : Dressé pour tuer

12 novembre 2023
Barbie, de Greta Gerwig, sous couvert de nuances les efface toutes. Seul demeure pour décor son rose absolu, qui néantise l'individu comme toute forme de vie alternative. Il propose une esthétique du lisse, qui est une politique, une esthétique de la marque, une opération de marquage, une entreprise cool de dressage.
Edward Woodward dans sa voiture dans The Appointment
Rayon vert

« The Appointment » de Lindsey C. Vickers : Le désappointement à sa pointe

8 novembre 2023
À l’image, une écolière anglaise sur le chemin du retour. Au son, le descriptif d’un rapport de police, le ton est factuel. La première coupe à travers champs et n’en reviendra pas. Le second spécule sur les hypothèses, laissant toutes les pistes ouvertes. Sandy a disparu dans un trou noir et sa bouche de feuilles et de tourbe insiste, exhalaison au cœur du taillis. C’était il y a trois ans. Trois ans plus tard, une autre apprentie violoniste, Joanne, lui emboîte le pas, à ceci près qu’elle emprunte le même sentier en marchant de l’autre côté de la béance inaugurale. The Appointment est un récit impressionnant de féerie sorcellaire, mais pur de tout pittoresque folklorique. L’envoûtement enveloppe l’irradiant secret, cette crypte qu’enclavent un père et sa fille quand l’heure est au rendez-vous professionnel (appointment) comme aux déceptions filiales (disappointment), ces catastrophes d’autant plus effroyables qu’elles sont inévitables.
L'homme masqué dans Six femmes pour l'assassin
Esthétique

Mario Bava : Les cadavres exquis de la thanatopraxie

5 novembre 2023
Achever le classicisme doit se comprendre littéralement. Tout artiste maniériste mortifie ainsi le grand legs classique afin d'expérimenter de nouvelles puissances inorganiques, dans la mêlée du mort et du vivant. Dans les années 1960, Mario Bava qui tourne alors en moyenne trois films par an montre, grâce à sa grande assurance technique, toute l'étendue de son talent de maître italien de l'horreur, à la fois héritier des anciens qu'il honore en variant les genres et les plaisirs (il tourne également des westerns, des néo-polars et des péplums) et inventeur de formes fixant quelques règles à suivre pour ses disciples à venir. Chez Mario Bava, la décomposition des formes, des choses et même des êtres libère des puissances spectrales, l'informe échappant à la capture et la maîtrise par la conscience, au point où la personnalisation de l'inerte a pour complément la dépersonnalisation des individus. Si l'on dit qu'il est un cinéaste mineur, cela signifie d'abord et avant tout qu'il est un cinéaste, un vrai maniériste qui, logé par l'industrie à l'enseigne des formes mineures et si peu considérées du bis, aura œuvré à leur en faire baver afin de les pousser dans cette zone d'inconfort où les compositions les plus ouvragées ont pour obsession une hantise, celle de la décomposition.
Barbara Hershey dans "Boxcar Bertha"
Rayon vert

« Boxcar Bertha » de Martin Scorsese : Liberté inconditionnelle

1 novembre 2023
Dans ce film de commande qu'est Boxcar Bertha, Martin Scorsese contourne un temps les velléités de violence de son producteur Roger Corman, et offre à ses personnages une trouée narrative en forme de parenthèse de liberté. Une liberté qu'il s'octroie par la même occasion.
Le tueur (Michael Fassbender) assis dans un divan avec son imperméable dans The Killer
Critique

« The Killer » de David Fincher : Le cynisme imperméable de Pop-Eye

30 octobre 2023
The Killer de David Fincher est un revenge movie banal et cynique quand il critique en filigrane le capitalisme tout en glorifiant un tueur qui ne l'est pas moins. Celui-ci, borgne (c'est l'influence de Popeye) et méticuleux (c'est l'influence de James Bond) est imperméable au monde qui l'entoure depuis le creux de son solipsisme et le confort de sa vie luxueuse qu'il cherche à maintenir à tout prix.
Qui de Jade (Louise Leroy) ou Gabriel (Olivier Rabourdin) est "L'autre Laurens" ?
Interview

« L’Autre Laurens » : Interview de Claude Schmitz

29 octobre 2023
Pour entretenir le lien avec Claude Schmitz et son cinéma, nous l'avons rencontré en juillet dernier lors de son passage au BRIFF à Bruxelles. Il nous a parlé de L'Autre Laurens, de la construction narrative complexe de ce film « trans », double enquête sur le genre et quête d'identité sous influences shakespearienne et lynchienne. Mais aussi de ce qu'implique un "changement de braquet" au niveau de la production, et de sa méthode avec les acteurs d'horizons différents, cette "alliance sauvage" qui donne toute sa singularité à son travail.
Leonardo DiCaprio et Lily Gladstone dans Killers of the Flower Moon
Critique

« Killers of the Flower Moon » de Martin Scorsese : Le confessionnal de l'Amérique

24 octobre 2023
Dans un film somme, Killers of the Flower Moon refait le portrait de l'Amérique. Ses nombreux poisons : l'argent, le libéralisme, le marché, le droit, la cupidité des individus, tous les crimes des États-Unis. Une logique de péchés que père Scorsese entend laver par un curieux acte final de contrition, non pas pour nettoyer l'Amérique de son rêve mais l'absoudre pour tout lui pardonner.
Rémi Martin dans Rémi de Bob H.B. El Khayrat et Loïk Poupinaïs
La Chambre Verte

« Rémi » de Bob H.B. El Khayrat et Loïk Poupinaïs : Vivre me tue

23 octobre 2023
À travers le portrait de Rémi Martin, un acteur phare des années 80 disparu peu à peu des écrans, Bob H.B. El Khayrat et Loïk Poupinaïs tentent de sauver un homme de son malheur. Un premier court-métrage en forme d'hommage pour dire ce qu'ils lui doivent. Non pas pour lui rendre les derniers honneurs, mais pour rappeler à chacun notre dette à l'égard de tous les égarés, acteurs de la vie hors champ, où qu'ils soient, que le cinéma à la lourde et belle tâche de transfigurer pour que jamais ils ne soient tout à fait abandonnés.
Une scène de bataille dans Gangs of New York
Esthétique

« Gangs of New York » de Martin Scorsese : La vengeance aux deux visages

17 octobre 2023
Opération au coup de poing américain. Martin Scorsese refait la gueule de l'Amérique dans Gangs of New York. La vengeance y devient fondatrice d'un ordre démocratique nouveau, jamais pour le meilleur, toujours pour le pire. La porte du paradis vouée aux gémonies.
Jonah Hill avec un crinière d'indien dans Le Loup de Wall Street
Rayon vert

« Le Loup de Wall Street » de Martin Scorsese : Sous le plus monstrueux chapiteau du monde

16 octobre 2023
Le Loup de Wall Street évoque singulièrement les spectacles du cinéma primitif projeté jadis sous les chapiteaux des fêtes foraines, quand le cinéma était un art du cirque. Les acteurs explorent les puissances expressives de leur art dans une quête de représentation quasi burlesque et même parfois monstrueuse.
Andrew Garfield emprisonné dans Silence
Esthétique

« Silence » de Martin Scorsese : La renonciation sans le renoncement, fidèlement

16 octobre 2023
Le renoncement est un martyr et sa déposition en est l'allégorie – tous les martyrs de Martin « Marty » Scorsese. La déposition devient allégorie quand « se descendre soi-même », c'est trahir au nom d'une intime fidélité, à savoir renoncer à la religion sans renoncer à la foi, ce petit secret que l'on garde par-devers soi. Le traître est celui qui sait faire la part des choses, entre la renonciation et le renoncement. Quand la religion est toujours bruyante, et hystérique quand elle se fait évangélisation, la foi invite au silence, voilà ce qu'en vérité raconte Silence.
Jésus (Willem Dafoe) portant la croix dans La Dernière Tentation du Christ
Esthétique

« La Dernière Tentation du Christ » de Martin Scorsese : Ainsi soit l’exception

16 octobre 2023
La controverse associée à La Dernière Tentation du Christ n’a d’autre intérêt que de réinscrire dans la figure de Jésus la dimension scandaleuse que la tradition et l’orthodoxie lui auront retirée. Pour les zélotes fanatiques de la Cause, le scandale revient à qui décide, assumant seul et en conscience l’indécidable d’un acte éthique, ce secret caché dans le mandat messianique. Le christianisme est à l'origine soustraction, sécession, rébellion et cela, Martin Scorsese le sait très bien, examinant les douleurs d’incarner l’exception qu’il reconnaît les siennes quand le récit le plus originaire constitue pour lui les coïncidences de l’exception et de la trahison.
Griffin Dunne et Linda Fiorentino attachée dans After Hours
Rayon vert

« After Hours » de Martin Scorsese : Ulysse perd ses mots

16 octobre 2023
L’odyssée de Paul Hackett dans After Hours peut également se vivre comme celle d’un Ulysse raté perdant petit à petit le pouvoir de son langage. Il espérait séduire une jolie fille en jouant au beau parleur, mais ses mots de dragueur vont endormir les princesses et réveiller les monstres pour l’entrainer dans une virée nocturne entre l’absurde et le cauchemardesque, au bout de laquelle il restera sans voix.
Robert De Niro avec sa crête de cheveux dans Taxi Driver
Esthétique

« Taxi Driver » de Martin Scorsese : La Vérité derrière la brume

16 octobre 2023
Si Taxi Driver demeure un film fantasmé, en partie (entièrement ?) par son personnage principal, il dépeint pourtant, avec un réalisme cru, une violence bien réelle, une violence intériorisée qui ne demande qu’à exploser. Taxi Driver est un film nimbé de brumes, une déambulation à la fois physique et spirituelle dans les bas-fonds de New York.
Le gang dans la rue dans Le Gang des bois du temple
Esthétique

« Le Gang des bois du temple » de Rabah Ameur-Zaïmeche : Po-éthique du contre-monde

7 octobre 2023
« L'amour est le miracle de la civilisation », écrit Musset. Rabah Ameur-Zaïmeche en a fait le chant de ses partisans, dans son cinéma. Une manière de penser, dans ses possibilités comme ses impasses, un autre monde que celui que nous sert la politique du grand capital comme des rapports de classe qu'il induit. Soit tenter d'ouvrir une voie, réfléchir autrement l'impossibilité d'être qui et quoi que ce soit dans un monde qui ne cesse de demander notre identité comme de nous y tenir. Notre fiche de futur dégringolé qu'il s'agirait de réinventer.
Purdey et Makenzy Lombet, dans "Il pleut dans la maison"
Critique

« Il pleut dans la maison » de Paloma Sermon-Daï : Transpercer la lumière

3 octobre 2023
Trois ans après son premier long-métrage, Petit Samedi, qui fut remarqué au FIFF, Paloma Sermon-Daï revient avec un film qui continue de creuser le lien entre la maison, le foyer et les membres de la famille qui l'occupent. Prenant le contrepied de la plupart des chroniques sociales naturalistes, genre au sein duquel il s'inscrit malgré tout, Il pleut dans la maison tente d'installer une connivence et une complicité presque humoristique entre ses personnages et ses spectateurs, tout en faisant poindre épisodiquement une violence sociale sous-jacente. Si ces trouées "négatives" dans la fausse légèreté qu'il distille lui donnent sa singularité, on se demande parfois si on ne préfère pas au fond les films qui affichent clairement leur pessimisme à ceux qui le dissimulent derrière la lumière.
Emile (Paul Kircher) dans la forêt dans Le Règne animal
Critique

« Le Règne animal » de Thomas Cailley : Science-fiction républicaine

28 septembre 2023
La phrase de René Char que répète deux fois François dans Le Règne animal apparaît inadéquate et inopérante : « Celui qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience ». Le film ne redessine en effet jamais les frontières de l'ordre auquel il se soumet et qui est imposé par une conception républicaine du monde ne tolérant aucun trouble de l'ordre public. Heureusement, une seule et unique scène, une scène d'amour, vaut le détour en faisant éclater les barrières imposées par le scénario.
La petite fille syrienne et son père à la frontière polonaise dans Green Border
Critique

« Green Border » d'Agnieszka Holland : La grande faucheuse humanitaire

27 septembre 2023
Green Border se rêve en grand manifeste humanitaire tout en se contentant d'exhiber les horreurs de la barbarie humaine dans une fable immersive qui ne recule devant rien. Agnieszka Holland a la tête à la fois dans la boue marécageuse (elle enfonce tout ce qu'elle peut) et aux commandes d'une moissonneuse-batteuse (elle rase et détruit tout sur son passage). Ce qui touche à l'humain est ainsi constamment réduit, recyclé et recraché en symboles transmettant lourdement un discours politique arbitraire.
Léa Drucker et Samuel Kircher couchés dans un champ dans L'Été dernier
Rayon vert

« L'Été dernier » de Catherine Breillat : Secrète alliance stellaire

22 septembre 2023
L'Été dernier est le grand film d'amour du cinéma de Catherine Breillat, et l'un des plus grands du cinéma français – de tous les temps et pour tous les temps. Et ce film arrive au soleil couchant d'une œuvre avouant scintiller encore une fois, peut-être une dernière fois, le dernier été avant la nuit définitivement tombée dont le règne est, griffé d'étoiles filantes, au rayonnement fossile. Si le désir est une levée – orior –, l'or secret des alliances peut sceller les orifices affamés. Il luit alors pour toutes les étoiles mortes qui, sertissant nos secrets, constellent la peau de nos vieillissements.
Godard, le livre d'image
La Chambre Verte

Godard, l’enfant qui n’en revient pas

17 septembre 2023
Il y a des hommages qui sont des assassinats. Que tout hommage, comme toute lecture, soit trahison, nous pouvons l’entendre. Mais quand la servitude volontaire guide la trahison, ne s’exprime plus que l’oubli actif du trahi : une liquidation totale. La plupart des capsules vidéo publiées sur Microciné à l’été 2023, en un cycle Godard posthume, nous présentent les manières par lesquelles s’opère cette liquidation totale : lecture d’une fiche Wikipédia, répétition d’un savoir d’archiviste, exhibition autosuffisante de sa propre ignorance, énumération de clichés sur Monsieur Jean-Luc en lieu et place d’une poursuite d’idées passant par le nom Godard. De quoi ne pas en revenir, de tristesse et de colère, à trouver une telle unité de ton, front commun de la liquidation, sur une chaîne Youtube qui, la chose n’est pas commune, est d’ordinaire riche du métissage de ses propositions. Mais c’était sans compter sur la proposition vidéo d'Alexia Roux et Saad Chakali, qui d’un même geste défendent la pensée qui, en ce temps-là, était arrivée sous le nom de Godard autant qu’ils laissent espérer d’autres printemps de la vie dont on ne revient pas.
Le poster de la 80ème édition de la Mostra de Venise 2023
Festival

Mostra de Venise 2023 : Tragédie des frontières dépassées

9 septembre 2023
Retour sur la 80ème édition de la Mostra de Venise qui se tenait du 30 août au 9 septembre 2023. Elle a été marquée par le terrible diptyque sur les horreurs des crises migratoires proposé par Agnieszka Holland et Matteo Garrone. Deux films qui se retrouvent au palmarès mais heureusement pas sur les plus hautes marches. D'autre part, Richard Linklater et Quentin Dupieux ont signé deux très bons films, et nous avons fait la belle découverte de Love Is a Gun de Lee Hong-chi, qui repart avec le prix du meilleur premier film.
Sandra Hüller et Samuel Theis dans Anatomie d'une chute
Critique

« Anatomie d'une chute » de Justine Triet : Du nez pour les yeux gris

25 août 2023
Tout tribunal a pour visée la dissection, tout procès a pour horizon d'anatomiser. Anatomie d'une chute s'en voudrait la démonstration, disséquant l'objet de l'accusation (une femme accusée du meurtre de son conjoint l'est pour l'échec de son couple) pour mieux en préserver le fondement (le droit n'y est jamais contesté). Si le film de procès n'intrigue pas, soumis à la rhétorique d'un match mal engagé par la défense avant d'être remporté au finish pour le plus grand malheur de la victime, qui l'aura surtout été de son ressentiment, intéresse davantage l'antique loi qui en représente la part aveugle. La loi de l'enfant malvoyant qui fait le choix d'un scénario préférant à la vérité des faits la justice des affections asymétrique, différente selon que l'on soit papa ou maman. La balance revient à l'enfant, plus mature que ses parents.
Sylvester Stallone sort du bain cryogénique dans "Demolition Man"
La Chambre Verte

« Demolition Man » : Les prophéties de Sylvester Stallone

25 août 2023
Prophétie a posteriori de la fin du film d'action et des héros bodybuildés, Demolition Man de Marco Brambilla préfigure également toute une série de changements sociétaux qu'il brocarde allègrement dans un grand melting-pot satirique, idéologiquement hétéroclite. Il place aussi sa star, un Stallone en grande forme auto-parodique, dans des situations plus inconfortables les unes que les autres, mettant à mal sa stature de "mâle" alpha, ce qui le rend d'autant plus savoureux.
José Coronado enlève ses chaussures gorgées d'eau dans Fermer les yeux
Rayon vert

« Fermer les yeux » de Victor Erice : Le roi est triste

24 août 2023
Partir pour donner au présent le sens de la fuite et de l'inachèvement, revenir pour lui confier à l'oreille celui, intempestif, de la relance. La partance en tant qu'elle appelle à la revenance, à savoir qu'il faut être sur le départ pour soutenir qu'aller et devenir, c'est toujours revenir (de) quelque part. Avec Fermer les yeux, Victor Erice revient une nouvelle fois au cinéma, enfin, mais le retour tant attendu du capitaine a des détours qui sont moins de nouvelles fugues expérimentées, qu'ils gouvernent le sens des achèvements en les menant trop bien à bon port.
Johnny Depp et Amber Heard dans la série documentaire Netflix Johnny Depp vs Amber Heard de Emma Cooper
La Chambre Verte

« Johnny Depp vs Amber Heard » : L'innocence entachée d'Edward Scissorhands

23 août 2023
Lorsqu'Amber Heard évoque Edward aux mains d'argent pour souligner l'art de la persuasion de Johnny Depp, elle est une énième fois moquée tant par de stupides internautes que par le film lui-même. C'est que celui-ci ne voit pas (ou feint de ne pas voir) que l'acteur convoque l'innocence de certains de ses rôles pour gagner le procès. C'est un des nombreux problèmes de Johnny Depp vs Amber Heard qui ne fait que remuer un tas de purin sans jamais rien montrer des « vérités qui échappent à la justice ». Mais peut-être qu'au final, le cinéma n'a pas sauvé comme prévu Johnny Depp, rattrapé par la mesquinerie de ses mensonges organisés dans ce grand théâtre filmé.
John Lloyd Cruz se fait couper les cheveux dans Quand les vagues se retirent
Interview

« Quand les vagues se retirent » : Interview de Lav Diaz

15 août 2023
Nous avons rencontré Lav Diaz à l'occasion de la sortie de Quand les vagues se retirent. Il analyse la situation politique et sociale de son pays et la place qu'occupe pour lui le cinéma : « Malgré ma lucidité sur la situation actuelle, que ce soit dans mon pays mais aussi dans le monde, en tant que cinéaste je me dois de témoigner. Tous mes films sont engagés dans ce travail de mémoire, ils forment une chronique de l’histoire des Philippins. Que mes films puissent être perçus comme un dialogue et une réflexion sur l’histoire, le passé comme le présent, de chacun de mes concitoyens. L’image est un témoin du passé et à la fois un miroir de ce que nous étions ».
Giulietta Masina et Anthony Quinn dans "La strada"
Esthétique

« La strada » de Federico Fellini : Le destin, un tour de piste, une ritournelle

13 août 2023
Le cirque est un ventre originaire avec ses doubles placentaires et le geste fellinien a saisi que l’origine ballotte dans le cahin-caha d’un présent boiteux : le barnum à chaque coin de rue, le spectacle comme seconde nature. Le cirque, non seulement le cinéma en provient mais il aurait pour vocation de montrer que la vie est une comédie, une parade foraine, un spectacle de rue. Le trait est délibérément grossier parce qu’il a l’archétypal pour visée. Gelsomina, Zampanò et Il Matto sont des archétypes, les emblèmes d’une représentation qui tient du mystère à ceci près que le mystère dont les actes racontent un procès relève moins du christianisme que d’un imaginaire païen. Il s’agit de représenter une lutte triangulaire entre tendances, une triangulation de caractères qui est un affrontement entre forces archaïques et emblématiques : l’idiotie, la folie et la bêtise. L’inscription dans le contexte italien d’alors peut déboucher sur la force générique des archétypes qui sont le combat des démons ou génies présidant au destin de chacun. La strada est le mystère de nos propres chamailleries, le cirque ambulant et brinquebalant de notre inconscient, une foire d’empoigne au risque de la foirade.
Critique

« Le syndrome des amours passées » de Ann Sirot et Raphaël Balboni : Consommons-nous les uns les autres

11 août 2023
Pour leur deuxième film après Une vie démente (2020), Ann Sirot et Raphaël Balboni s’intéressent à une nouvelle pathologie, cette fois-ci fictive. Celle dont est atteint le couple du film les rend stérile, à moins qu’ils ne retournent coucher avec chacun de leurs ex. Ce Syndrome des amours passées liquide tout romantisme, mais surtout il l’évacue dans un flot d’images hachées au jump cut – soit le mariage heureux du cinéma d’auteur et de l’esthétique Konbini.
Un personnage du film Rêve.
Rayon vert

« Rêve » de Omar Belkacemi : Sauve qui peut l’Algérie

8 août 2023
Omar Belkacemi est d'une espèce rare, un berger qui, depuis l'Algérie, tente des images sur les « cailloux » qui entrave DjaZayer, ce si grand pays. Des cailloux contre lesquels seule la somme des rêves des individus peuvent entrer en résistance. Contre la matérialité de la bêtise des hommes, la contestation de l'air des songes. Un combat inégal ? Rêve est une affaire de regard plutôt pour nous parler de quel bois nous sommes faits, ici comme là-bas, qui font notre métier de vivre.
Yannick (Raphaël Quenard) se lève pour interrompre la pièce de théâtre dans Yannick
Critique

« Yannick » de Quentin Dupieux : OuBlier Dupieux ?

4 août 2023
Interrompre une mauvaise pièce, qui n'y a jamais songé ? Interrompre un mauvais film, aussi bien. Quentin Dupieux a été l'ouvre-boîte du flat beat, il se flatte depuis de faire du flat cinéma. Avec Yannick, celui qui se rêve le nouveau Blier du cinéma français en serait à la fois le Jeff Koons (l'art idiot frisant la connerie) et le Monsieur Meuble (meubler c'est le comble du remplissage d'une fosse laissant plus que sceptique). À filer le je-m'en-foutisme ainsi, on va finir par ouBlier Dupieux.
Sophie Letourneur pose pour Philippe Katerine dans "Voyages en Italie"
BRIFF

Ramasser des cailloux : Interview de Sophie Letourneur pour « Voyages en Italie »

2 août 2023
Avec Voyages en Italie, Sophie Letourneur réalise son film le plus "autofictionnel" et affine sa méthode, toujours à la recherche d'un rythme précis, presque mécanique, dans les dialogues et l'écriture visuelle. En délocalisant une nouvelle fois ses personnages, elle fait apparaître l'extraordinaire dans l'ordinaire, voire dans le trivial. À travers la grivoiserie, les blagues de mauvais goût et les clichés les plus ancrés sur le tourisme et l'Italie, le film parvient à toucher à une certaine universalité dans la représentation du couple, et fait de son voyage un réceptacle de tous les autres. Nous avons rencontré Sophie Letourneur lors de sa venue à Bruxelles pour aborder toutes ces questions avec elle.
Gi Ju-bong sur la terrasse avec son alcool dans De nos jours...
Rayon vert

« De nos jours... » de Hong Sang-soo : Le bonheur des petits riens

28 juillet 2023
Même si les personnages y boivent moins, De nos jours... ne peut pas être considéré comme le film sans alcool d'Hong Sang-soo car il conserve une importance décisive pour le poète. Construit patiemment, brique après brique jusqu'au dévoilement de l'édifice final, le film veut placer les petits riens au centre la (re)prise en main de son existence et contre la mélancolie des temps incertains qui vient assombrir les joies du passé.
Oppenheimer sur le terrain dans Oppenheimer
Critique

« Oppenheimer » de Christopher Nolan : Proche de zéro

23 juillet 2023
Le désastre du nouvel âge ouvert dans le fracas du nucléaire est un désert : Oppenheimer en témoigne, avec tous les tours, pompes et trucs de la manière nolaniennne, colossale. Pourtant le magistère déçoit, encore une fois. Concevoir un film comme un abri antiatomique pour un cerveau dont il faut rétablir le cœur et l’honneur a ses limites. Christopher Nolan sait bien que le monde est mortel, pourtant le fin stratège qu’il est ne le voit pas. Si le conflit des facultés entre faire et imaginer se traduit par le paradoxe classique du visionnaire aveugle, c’est un miroir que se tend à lui-même un auteur qui, si narcissique soit-il, échoue à s’y reconnaître.
Charlie Vauselle est le double de Robin Campillo dans "L'Île rouge"
Interview

L'éducation du regard : Interview de Robin Campillo autour de « L'Île rouge »

21 juillet 2023
Dans L'Île Rouge comme dans les autres films de Robin Campillo, le personnage-clé est un observateur, qui découvre en même temps que le spectateur un monde dont il ne comprend pas toutes les règles et qui reste à décrypter. C'est par le biais de l'éducation du regard que Robin Campillo amène ses personnages et ses spectateurs à s'acclimater aux jeux entre le réel et ses écrans, avant de les plonger enfin dans un bain plus froid. Comme le réalisateur se laisse envahir par le chaos dans sa méthode, il faut naviguer entre les différentes strates de réalité, et évoluer dans son film comme dans un rêve éveillé. Pour ce cinéaste qui privilégie la mutation et la métamorphose, la multiplicité des formes comprend aussi un attrait du fantastique, voire de la série B. C'est ces sujets-là et d'autres que nous avons évoqués avec lui lors d'un entretien qui s'est tenu à Bruxelles, début juillet.
Olfa et ses filles dans Les filles d'Olfa
Critique

« Les filles d'Olfa » de Kaouther Ben Hania : Femmes sous influence

18 juillet 2023
Le Mal avait un axe. Kaouther Ben Hania le dévie de son orbite pour gagner les régions du bushisme. Les filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania est en effet l'illustration de la loi de bipolarité des erreurs dont parle Gaston Bachelard : à vouloir combattre un extrême (la violence machiste, l'islamisme radical), Les filles d'Olfa s'extrémise lui-même pour devenir ce qu'il réprouvait.
Mikael Persbrandt dans les couloirs de l'hôpital dans L'hôpital et ses fantômes
Esthétique

« L’Hôpital et ses fantômes » de Lars von Trier : Le mal par le mal, un mal pour un bien (cinq désobstructions)

17 juillet 2023
L’Hôpital et ses fantômes est un divertissement dévoilant qu’il fait diversion entre deux avertissements. Son auteur est un roi blessé qui arpente les terres vaines de son Royaume en y pompant toute l’eau au risque de s’y noyer. Car le carnaval à l’hôpital débouche sur le procès de son démiurge qu’il faut brûler parce que c’est alors que ses larmes pourront sécher. Lutter contre le nihilisme placentaire de notre temps ne se fait pas sans crainte ni sans tremblement.
Une cliente au guichet dans Welfare
Le Majeur en crise

« Welfare » de Frederick Wiseman : Nouvelle donne, le New Deal en lambeaux

13 juillet 2023
L'institution dit ce qu'il en est de ce qui est, sauf quand advient le réel qui l'empêche de coïncider avec elle-même. Cette non-coïncidence de l'institution a des incidences qu'emprunte Frederick Wiseman comme on descend dans la mine, comme une taupe creuse ses galeries. Un film a valeur d'emblème quand il est un paradigme : c'est Welfare. Le propre de l'assistance sociale y est saturé de toutes les formes de l'impropriété, mal-logement et chômage, addictions et pathologies, le porte-monnaie vide et la faim dans le pays le plus riche. À chacune des interactions entre agents et usagers, l'institution frôle la destitution. Une cour des miracles apparaît alors au cœur de l'État-providence et l'on ne sait pas si c'est un miracle ou un cauchemar de voir persévérer l'institution à l'heure critique des nouvelles donnes. Welfare apparaît aujourd'hui comme l'archéologie d'une hégémonie du capital devenue planétaire et totale. Quand elle est gagnée par les plus riches, la lutte des classes renoue alors avec la violence de ses prémisses : la guerre aux pauvres y sert de guerre à la pauvreté.
La rencontre entre Agathe et Tomas (Adèle Exarchopoulos et Franz Rogowski) dans "Passages" d'Ira Sachs
BRIFF

« Passages » : Interview de Ira Sachs

9 juillet 2023
À l'occasion de sa venue au BRIFF (Brussels International Film Festival) pour la présentation de son dernier film, Passages, nous avons rencontré Ira Sachs qui revient avec nous sur sa méthode de travail, ses personnages déboussolés et à la croisée des chemins, sa recherche de l'authenticité dans l'écriture et dans la direction d'acteurs, ainsi que sur son refus de la démonstration et de l'hystérie.
Cléo dans les bras de Gloria dans Àma Gloria
BRIFF

« Àma Gloria » de Marie Amachoukeli : À l'ombre de la Tortue Rouge

6 juillet 2023
Dans un premier temps inégal, Àma Gloria de Marie Amachoukeli semble s'inspirer de La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit pour livrer un film complexe sur l'enfance et l'absence. S'il y a une tortue à l'intérieur de Cléo, elle évolue aussi tout au long du film, peut-être change-t-elle de carapace ou de couleur avant la grande transformation en femme.
Joel Edgerton sur le seuil de sa maison et son jardin dans Master Gardener
Rayon vert

« Master Gardener » de Paul Schrader : Les fleurs de la nuit

28 juin 2023
Si Master Gardener suit globalement le même sentier que bien d’autres récits de Paul Schrader, sa dernière partie propose une légère bifurcation par l’apparition d’une séquence inattendue faite de la nuit, d’une voiture et de fleurs. Pourvue de plusieurs niveaux d’interprétations, cette route nocturne permet enfin aux personnages schradériens de faire fleurir des images intérieures tournées vers la lumière et l’avenir.
Ilenia Pastorelli regarde le soleil et l'éclipse avec des lunettes dans Lunettes noires
Rayon vert

« Lunettes noires » de Dario Argento : La douceur et son précurseur sombre

26 juin 2023
Une éclipse solaire, c’est comme un doigt dans l’œil. Ce qui s’impose dans le ciel dégagé de Rome, c’est le trou noir qui absorbe les métaphores aveuglantes. Si, soudainement, certains chiens se mettent à aboyer, alertés par la portée forcément métaphorique d’un phénomène astronomique, c’est pour crier que la métaphore, justement, ne saurait les éblouir. La cécité c’est alors pour les autres, les amateurs désargentés de Dario Argento qui s’échineraient à voir dans Lunettes noires le retour gagnant du maître du giallo après une absence des écrans longue de dix ans. L’éclipse solaire est cependant un doigt dans l’œil si l’on ne voit pas que s’y joue un certain régime de l’assombrissement qui, par des voies tout à fait spéciales et typiques du baroquisme argentien, conduit à la douceur, c’est-à-dire à ce toucher qui se défie de pénétrer. Lunettes noires est un film mineur, il n’y a pas à en douter. Mais le petit giallo de série comme on n’en produit plus est une touchante réussite pour un cinéaste qui, âgé de plus de 80 ans, revient de loin en sachant que ce retour n’induira jamais la répétition des grands éclats aveuglants d’hier. C’est que l’assombrissement consiste en un adoucissement des manières. L’enténébrement a pour ponctuation finale de percer les mystères salvateurs de l’affectivité. D’où que le film soit une variation sur le mythe de Diane chasseresse et d’Actéon dévoré par ses chiens. Ilenia Pastorelli qui joue Diana n’est pas une grande actrice, elle émeut pourtant parce que la dégradation la menace en vrai. Diana est belle parce que sa beauté chirurgicale est moins malmenée par le film que sa forme l’adoucit en la sous-exposant. Elle l’est encore en ayant pour camarade de cécité la chienne qui la protège de la chiennerie des féminités tarifées.
Abdulah Sissoko incarne "Le Jeune imam" dans le film de Kim Chapiron
Critique

« Le Jeune imam » de Kim Chapiron : La dernière tentation du Fric

20 juin 2023
La devise de Kim Chapiron, dans Sheitan, était : « Ne leur pardonnez rien, car ils savent ce qu'ils font », inversant la parole de Jésus sur le Mont Golgotha à l'instant d'être sacrifié. Au front de la bêtise, le poing levé, écrivait Nietzsche. Ne pardonnons donc rien à son dernier film, Le Jeune imam, car, en effet, qu'il sache ou non ce qu'il fait, ce cinéma, à enclicher la banlieue, mériterait une bonne droite évangélique.
Q'Orianka Kilcher dans la forêt dans Le Nouveau Monde
Rayon vert

« Le Nouveau Monde » de Terrence Malick : Contre-mythe et épopée de l'Amérique

20 juin 2023
Fait remarquable, dans son quatrième long-métrage, Le Nouveau Monde, Terrence Malick fait débuter l'histoire de l'Amérique plus tôt qu'à l'accoutumée. Elle ne débute pas avec la conquête de son Ouest comme sa glorieuse Guerre de Sécession. Il en fait remonter le cours pour en revenir à sa source anglaise, en un long poème épique où la légende voudrait se mêler à l'histoire. C’est dire combien son récit est discriminant : s’il y a de faux mythes sur la naissance de l'Amérique, c'est qu'il en existerait de vrais. Terrence Malick n'oppose donc pas aux fausses croyances une vérité qui se voudrait factuelle, mais propose plutôt avec Le Nouveau Monde un contre-mythe, qui est une véritable opération de mystification.
Martin Sheen et Sissy Spacek contre leur voiture dans La Balade sauvage
Rayon vert

« La Balade sauvage » de Terrence Malick : L’image et la réalité, l’une dans l’autre

18 juin 2023
La valeur intrinsèquement surréaliste du cinéma trouve une pleine affirmation dans La Balade sauvage, en particulier dans la force de sa critique à l’égard du principe de réalité. Ses personnages, Kit (Martin Sheen), un éboueur délirant et meurtrier, avec Holly (Sissy Spacek), adolescente naïve et innocente - mais de cette innocence qui accorde une parfaite clairvoyance - donnent un crédit si ambigu à la réalité sociale et aux valeurs des États-Unis que celles-ci finissent par voler en éclats sur leur passage pour enfin, subverties et brisées, se révéler telles qu’elles sont réellement : d’hallucinants fantasmes collectifs. Le premier film de Terrence Malick est avant tout politique.
Michael Fassbender regarde Rooney Mara dans la piscine dans Song to Song
Rayon vert

« Song to Song » de Terrence Malick : Aller au-delà de l’image et des mots

18 juin 2023
Avec Song to Song, sans doute plus qu’avec aucun autre de ses films auparavant, Terrence Malick tend à dépouiller le cinéma de certains de ses artifices afin de le constituer en pur langage. Le scénario extrêmement dépouillé de Song to Song, s’il répond à des codes assez classiques du cinéma hollywoodien, avec en happy end le triomphe de l’amour véritable, aurait donné lieu, s’il avait été filmé de manière classique, à un film excessivement moralisateur et manichéen. Or en laissant les images dépasser, pour ne pas dire déborder, le cadre narratif dans lequel elles se trouvent, Malick réussit à toucher à une vérité de l’être, délivrée des discours théoriques sur la causalité des événements.
Une image de l'univers dans Voyage of Time
Rayon vert

« Voyage of Time » de Terrence Malick : À la recherche du supplément d'âme

17 juin 2023
Avec Voyage of Time, Terrence Malick ouvre un dialogue avec Mother, la force qui a créé l'univers, la nature et les différentes formes de vie qui ont peuplé notre planète. Il lui pose la grande question de la métaphysique : qu'est-ce que signifie être et exister ? Terrence Malick voyage ainsi dans le temps à la recherche de quelques traces qui seraient autant d'éléments de réponse.
Artem et Eva dans l'intimité
Rayon vert

« Artem & Eva » d’Evgeniy Milykh : Pornographie et délicatesse

15 juin 2023
Si son introduction laisse présager d'un bon gros documentaire qui tache sur le porno, Artem & Eva d'Evgeniy Milykh détourne les attentes voyeuristes ou "journalistiques" en faisant un portrait intimiste, par petites touches, d'un très jeune couple qui cherche ses marques à la fois dans sa vie et dans l'industrie éclatée de la pornographie en ligne. En s'attardant sur ces deux jeunes adultes qui doivent faire face à un paradoxe, celui d'être à la fois des enfants timides et des stars du X, Artem & Eva développe lui même un beau paradoxe, celui d'être un film d'une grande délicatesse sur la pornographie.
Une scène de "Inland Empire" de David Lynch
Rayon vert

« INLAND EMPIRE » de David Lynch : Le palais derrière le marché

7 juin 2023
Jumeau monstrueux de Mulholland Drive, INLAND EMPIRE est mieux qu'un club Silencio hyper-sélect pour fans lynchiens acharnés, purs et durs, vrais de vrai. S'il est un film-monstre en assumant que le dédale mène au cul-de-sac, c'est comme exercice radical de spectrographie au nom de cette « inquiétante étrangeté de l'ordinaire » évoquée par Stanley Cavell. L'aura hollywoodienne, ô combien dégradée, persiste seulement dans la reconnaissance réciproque des stars déchues et des femmes abaissées. Si Hollywood est une région impériale dans l'imaginaire mondial, pandémonium et gynécée, le rayonnement fossile rappelle aux étoiles qu'elles ne brillent qu'en ayant scellé avec leurs spectatrices une alliance de haute fidélité, elles qui les sauvent du discrédit en croyant à ce qui leur arrive parce cela leur arrive aussi. Cela qui est un trou pour des femmes dont la vie a mal tourné de part et d'autre de l'écran.
Christian Bale sur une jetée dans Knight of Cups
Rayon vert

« Knight of Cups » de Terrence Malick : La grâce de l'éternel retour

7 juin 2023
Il faudrait savoir analyser Knight of Cups de Terrence Malick. Mais comment parler d'un film sans but, sans chemin, où son acteur principal déambule, où il faudra par nécessité ouvrir la voie à mains nues, lui qui, scénariste, n'en a plus, ne sachant donc ni où l’on va ni pourquoi l’on s’y rend, seulement guidé par toutes ces images, ces sons, ces voix qui nous exténuent ? Un film sans début ni fin, un éternel ressassement à l’héroïsme déçu qui pourrait faire, peut-être, les surhommes, ceux qui s'acharnent à vivre sans raison ni pourquoi.
Ben Affleck et Rachel McAdams dans À la merveille
Rayon vert

« À la merveille » de Terrence Malick : Carte de Tendre

7 juin 2023
Le langage Malickien tel qu’il a pris forme dans À la merveille pourrait exprimer un pari radical : tenter de donner corps à ce mouvement insaisissable et indicible de l’amour qui dépasse les êtres et peut les unir puis les séparer sans raison. Pour tenter d’y résister, les personnages cherchent à inscrire leur être dans le paysage, les mouvements de leur cœur dans ceux de la nature.
Aïssa Maïga et Vincent Macaigne au milieu d'une rencontre intergénérationnelle dans "Quand tu seras grand"
Critique

« Quand tu seras grand » d’Andréa Bescond et Éric Métayer : "C’est de la merde, là…"

4 juin 2023
Après le très mauvais Les Chatouilles, film coup-de-poing manipulateur, Andréa Bescond et Éric Métayer persistent et signent avec ce Quand tu seras grand, qui avance masqué et se présente tout d'abord comme un "feel-good movie" avant de basculer irrémédiablement dans le cinéma de la "claque" et dans la monstration inévitable de fluides corporels brunâtres, sous couvert d'un gag potache qui fait s'exclamer à l'unisson le personnage principal et le spectateur du film : "C'est de la merde, là...".