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Kathleen Turner avec sa couronne au bal de fin d'année dans Peggy Sue s'est mariée
Rayon vert

« Peggy Sue s'est mariée » de Francis Ford Coppola : Les illusions perdues

16 juin 2024
S'il était possible, referait-on sa vie ? Effacerions-nous nos erreurs pour se rendre un peu plus digne de cette blessure d'où l'on vient ? En 1986, Francis Ford Coppola envoie Peggy Sue dans le passé pour tenter de nous apporter une réponse. Même dans le pire, même dans l'infamie, Peggy Sue récidiverait, reconduirait sa vie dans une philosophie paradoxale du renoncement qui s'apparente au soulèvement, et ne se mesure pas, une victoire remportée dans la défaite qui provoquerait non pas le désespoir mais une joie tragique.
Tim Roth regarde une horloge dans L'homme sans âge
Rayon vert

« L'Homme sans âge » de Francis Ford Coppola : La troisième rose, la dernière, la trémière

16 juin 2024
L'Homme sans âge est un retour au cinéma, une seconde chance après dix ans d'absence et bien des atermoiements. La jouvence du numérique offre alors au vieux démiurge, toujours un peu bateleur, une occasion renouvelée de faire œuvre d'horloger, mais à seule fin de réitérer qu'il n'y a jamais lieu de se réconcilier avec le temps, pour des vieillards qui rajeunissent et des enfants qui vieillissent trop vite. La remontée de la jungle des origines du langages abrite en vérité le secret malade des amours décomposées, ce cœur blessé qui refait le cinéma de toute une vie pour à la fin consentir à laisser vivre le souvenir immortel de l'aimée. L'aiguille de l'horlogerie, avec ses images comme autant de miroirs à retardement, est la tige d'une rose et si elles viennent toujours par trois, la dernière est une rose trémière, celle qu'un homme dépose sur le seuil de lui-même, une fois délivré du démon totalitaire de la démiurgie.
Natalie et Killer jouent à Simon Says dans Les Gens de la pluie
Rayon vert

« Les Gens de la pluie » de Francis Ford Coppola : Femme de pierre

16 juin 2024
Dans Les Gens de la pluie, Natalie est moins faite de larmes que de pierres. Elle résiste plus qu'elle ne se dissout. En ce cens, sa trajectoire dessine les contours d'un grand film féministe qui contient en même temps les germes, les aspirations et le rapport à l'utopie du laboratoire à venir de Francis Ford Coppola.
Harry Caul (Gene Hackman) écoute une conversation dans Conversation secrète
Rayon vert

« Conversation secrète » de Francis Ford Coppola : À la recherche du temps perdu

16 juin 2024
Peut-on filmer sa propre histoire, celle d'un enfant reclus longuement dans sa chambre dès l'âge de cinq ans ? À partir d'un grand film sur la paranoïa, Conversation secrète est la tentative de Coppola de forer son passé, reconstituer un centre où se loger durablement. Mais a-t-on jamais vu quiconque habiter un trou noir, celui de l'enfance ?
Jack (Robin Williams) s'amuse avec un papillon, aussi éphémère que lui
Le Majeur en crise

« Jack » de Francis Ford Coppola : La fragilité spectaculaire de l’étoile filante

16 juin 2024
Film mineur, de commande, constamment moqué, Jack fait depuis longtemps figure de vilain petit canard dans la filmographie de Francis Ford Coppola. Le film mérite cependant d'être revu à l'aune d'éclairages rétrospectifs, pour apparaître étonnamment comme très personnel de la part du cinéaste. Développant toute une dialectique de la fragilité, une philosophie de l'éternel enfant et une allégorie de l'étoile filante, il permet à Coppola de rendre, quinze ans avant Twixt, un hommage discret à ses enfants.
(Elle Fanning) hante les rêves de Hall Baltimore dans "Twixt"
Rayon vert

« Twixt » de Francis Ford Coppola : Écrin de sang

16 juin 2024
Faux film de genre, faux film de vampires, prétendu entre-deux mineur dans la carrière de Francis Ford Coppola, Twixt brouille les pistes pour mieux proposer, dans une trouée, une introspection à la fois cathartique et prophétique. Sous la figure tutélaire d'un Edgar Allan Poe en guide rêvé, le film apparaît in fine comme un écrin aux atours fantastiques et sanglants, pour mieux ceindre l'intention principale de son auteur : rendre hommage à sa famille, et particulièrement à ses enfants, de la plus belle des manières.
Deux musiciens jouent de la trompette dans Cotton Club
Le Majeur en crise

« Cotton Club » de Francis Ford Coppola : Croches et croche-pattes, du blanc sur le noir

16 juin 2024
Cotton Club danse, ses jeux formels sont endiablés, claquettes du musical et mitraillettes du film de gangster, mais les danses de l'éléphant blanc sont boiteuses. À peine amorcée, la critique de l'appropriation culturelle est aussi vite annulée au nom d'une hégémonie du spectacle qui a le blanc pour accord majeur, et les noirs de rester une minorité malgré l'apologie du jazz et sa créolité. L'enflure d'un spectacle qui l'est d'abord pour lui-même, avec son budget faramineux, sa centrifugeuse cinéphile et ses immixtions mafieuses est un ventre à deux poches, avec le génie empêché de Francis Ford Coppola et Robert Evans, son démon contrariant. Les croches musicales y sont des croche-pattes qui arrivent toutefois à battre la mesure des motifs fétiches d'un cinéaste impuissant à se désendetter de ses obligations, rivalités mimétiques, vampirisation mafieuse et jeunesse menacée d'un gâtisme prématuré.
Leos Carax et Monsieur Merde (Denis Lavant) dans un parc dans C'est pas moi
BRIFF

« C’est pas moi » de Leos Carax : Itinéraire d’un enfant gâté

14 juin 2024
C’est pas moi : malgré son air à l’insolence gamine, le titre porte irrésistiblement à l’antiphrase que le film-essai, le tout premier de Leos Carax, s’applique en 42 minutes à vérifier. Il n’y est question en effet que de lui. L’autoportrait commandé par le Centre Beaubourg à la suite d’une exposition avortée est une nuit mauvaise de remâchement et d’insomnie pour un cinéaste qui, sacrifiant à sa légende, a fait un projet de prolonger son adolescence en y cloîtrant le cinéma qu’il a aimé alors qu’il avait pour vertu de l’en émanciper.
Les trois enfants dans le centre de vacances abandonné dans The Florida Project
Rayon vert

« The Florida Project » de Sean Baker : Le palais de leur enfance

12 juin 2024
La banlieue industrielle et kitsche que filme Sean Baker à hauteur d'enfants dans The Florida Project devient un monde merveilleux qui renvoie le parc Disney World et ses promesses à ses propres illusions. Contrairement à Disney qui cherche à tout polir et infantiliser (et non enfancer), le film se construit sur une terre de lutte sociale et économique que Sean Baker ne cherche jamais à cacher ni à moraliser.
William Shatner se coiffe devant le miroir dans The Intruder de Roger Corman
Esthétique

« The Intruder » de Roger Corman : Terreur blanche

10 juin 2024
Le mineur de fond de l'exploitation avait le démon de l'épouvante. Glissé dans sa série des huit adaptations d'Edgar Allan Poe qui ont établi pour le producteur de films bis sa réputation d'auteur, The Intruder est le film de Roger Corman le plus halluciné d'être le plus politiquement engagé. À cet égard, il fait plus que figure d'intrus dans une œuvre qui, longtemps déconsidérée, taille la part belle à la terreur. À l'heure où était à l'œuvre un processus de déségrégation, son film s'ouvre en effet à une terreur blanche qui a le noir pour exécration infinie.
Mike Faist, Zendaya, Josh O'Connor durant la scène d'amour à trois dans Challengers
Rayon vert

« Challengers » de Luca Guadagnino : Match amical, match inachevé

31 mai 2024
S’il ne tient pas ses promesses de match sulfureux entre tennis et désir, Challengers parvient sur le fil à s’échapper de sa mécanique programmée. En changeant sa manière de servir, le personnage de Patrick ouvre le film à d’autres possibles et fait surgir d’autres manières de jouer et de vivre.
Le chirurgien au travail dans État limite
Esthétique

« État limite » de Nicolas Peduzzi : Voyage au bout de la nuit psychiatrique

29 mai 2024
Dans État limite, Nicolas Pedduzi filme des « fous » dans un hôpital public, où la psychiatrie est tenue par un seul médecin, en état limite comme un pays serait au bord du précipice. Car comment sauver des individus de leur maladie, quand l'hôpital est l'expression même de la folie ? Portrait de son médecin, un fou héroïque, placé dans une situation de légitimité sans cesse déligitimée, abolie par le principe même qui l'héroïse, Bardamu d'une guerre célinienne, l'homme au bout de son voyage la nuit, armé jusqu'aux cheveux de sa folie humaniste.
Furiosa (Anya Taylor-Joy) monte sur un camion dans Furiosa : une saga Mad Max de Georges Miller.
Rayon vert

« Furiosa : une saga Mad Max » de George Miller : La pétroleuse de son malheur

24 mai 2024
Avec la saga Mad Max, le genre post-apocalyptique peut joyeusement retraduire en parodie carnassière la barbarie intrinsèque d'une civilisation industrielle dont l'économie fossile fait violence à tout le vivant qu'il considère comme un gynécée dont il peut à loisir piller le ventre. Le désert a beau être de désolation, il ne s'oppose en rien à une prodigalité carnavalesque qui a pour flux sanguin et cruel le pétrole, la matière fécale de la terre dont l'extraction est un viol. Y pousse cependant une plante étrange qui a pour nom Furiosa mais elle est une fleur de malheur quand le fruit conservé de l'éden perdu est la blessure qui pourrit dans son cœur. Le roi pêcheur est une reine vengeresse, la pétroleuse suractive dans l'accroissement du désert.
John Ryder avec son revolver dans la voiture dans Hitcher
Le Majeur en crise

« Hitcher » de Robert Harmon : L'homme de main de l'Amérique

21 mai 2024
Selon de nombreux commentateurs, à l'heure des présidentielles, deux Amériques irréconciliables s'affronteraient, celle de Donald Trump, nostalgique de l'hooverisme viriliste, celle de Joe Biden, prompte à rekennedyser les États-Unis, une manière gauche de vivre. Une grille de lecture souvent utilisée par la critique cinématographique elle-même. En 1986, Hitcher, qui vient de ressortir en salles, l'invalide. Il n'y a jamais eu deux Amériques, mais une seule, née d'un crime initial, que son homme de main est venu solder définitivement dans le film pour dire que l'Amérique n'a jamais rien eu d'autre en partage que ce seul patrimoine commun : sa violence constitutive.
Une vue d'une rue de New York dans News from home
Rayon vert

« News From Home » de Chantal Akerman : Dialectique urbaine

16 mai 2024
Au début des années septante, Chantal Akerman s’installe pendant plusieurs mois à New York. Là-bas, la jeune réalisatrice fréquente l’avant-garde du cinéma expérimental et réalise plusieurs courts et moyens-métrages. En 1976, elle revient à New York pour y tourner les images de la ville qui viendront accueillir la lecture des lettres que sa mère lui envoyait quelques années plus tôt. Ainsi nait News From Home, d’un premier décalage temporel qui place le film sous le signe de l’écart. Tout le film s’articule ainsi autour de forces antagoniques qui se font l’écho du conflit interne qu’expérimente la cinéaste à cette époque et qu’elle transmet aux spectateurs sous la forme d’une œuvre physique et éreintante.
Kirsten Dunst sauve Cailee Spaeny de l'explosion au début de Civil War
Critique

« Civil War » de Alex Garland : L'Amérique floutée, le cinéma floué

11 mai 2024
Alex Garland, dans Civil War, voulait proposer une réflexion sur le pouvoir de l'image – trop grand, comme celui d'un président devenu autocrate dans une Amérique en proie à une guerre civile. Mais il produit finalement une image à l'image de son président assassiné. Une image despotique. Une image spectaculaire qui agit dans le sens d’une manipulation comme d’une saturation du voir. Une image télévisuelle, à caractère publicitaire, qui s'arrête net, qui fait le point, qui met au point, auquel il devient impossible d’échapper comme dans n'importe quel régime autoritaire.
Le jeune prêtre et le curé dans Le Journal d'un curé de campagne
Rayon vert

« Journal d’un curé de campagne » de Robert Bresson : De combat et d’agonie pour le camé

8 mai 2024
Journal d’un curé de campagne décrit de l’intérieur une série de rencontres comme autant d’épreuves dans l’ordre de la croyance que la guerre aura fragilisée. Une suite de séances de lutte engagée entre l’homme de la foi et les diverses incarnations du renoncement spirituel (jusqu’à l’intérieur même de l’Église) et, à la fin, une accumulation d’échecs pourtant sanctionnée par une victoire – la plus belle car la plus imprévisible. Le film de Robert Bresson d’après Georges Bernanos est un grand film agonistique en tant qu’il est soulevé par une fièvre agonique, de combat et d’agonie pour le camé, le curé addict à la grâce qui manque.
Melissa (Hafsia Herzi) tire à la mitraillette dans Borgo
La Chambre Verte

« Borgo » de Stéphane Demoustier : Lettre à une inconnue

6 mai 2024
Borgo n'est pas un film noir sur le banditisme corse ni un film carcéral. Il est le film d'un Apache en quête de son indienne. Une investigation impossible sur son actrice, Hafsia Herzi, pour témoigner de sa mélancolie atone, sans pathos, qu'on dit parfois blanche.
Jessica Chastain et Peter Sarsgaard parlent dans la forêt dans Memory
BRIFF

« Memory » de Michel Franco : Le chirurgien opère le cœur

3 mai 2024
Memory est le film le plus humain, le plus empathique et le plus profond réalisé par Michel Franco. Il permet de comprendre définitivement le cinéaste non plus comme un misanthrope, mais selon une double optique : soit comme un médecin qui ausculte la noirceur du monde avec fatalité, soit comme un chirurgien capable de guérir ses personnages pour qu'ils puissent aimer à nouveau.
Judith Godrèche dans La Désenchantée de Benoît Jacquot, où elle a été victime de violences sexuelles.
Esthétique

Le cinéma à l'heure des scandales sexuels : Passer d'un cinéma de la création à la décréation

29 avril 2024
Que faire à l'heure des scandales sexuels au cinéma ? Aller à contre-pente, remonter le courant, faire un état des lieux pour espérer l'habiter autrement. Contre la possibilité du chef-d'œuvre, se débarrasser de l'idée de toute-puissance du réalisateur. Passer d'un cinéma de la création à la décréation car la création sera toujours une diminution, jamais un acte d’expansion : filmer, c'est toujours borner le champ des possibles. Un cinéaste qui voudrait tout dire, tout saisir, ne ferait plus du cinéma. Il encarterait le monde dans son tombeau publicitaire. Un film n'est jamais terminé, autrement dit réalisé. La notion d’auteur est donc à revoir. Il serait peut-être temps de dire que réaliser, c’est trouver sa richesse hors de soi.
Le professeur (François Civil) dans la cour de l'école dans Pas de vagues
Critique

« Pas de vagues » de Teddy-Lussi Modeste : L'école en débat

23 avril 2024
L'école est un lieu d'expérimentation in vivo pour nombre de réalisateurs. Elle opère comme une micro-société au cinéma, un lieu test pour questionner le genre, le racisme, le rapport à l'autorité, à la discipline, l'information... en témoignent de nombreuses œuvres cinématographiques. Le récent film de Teddy Lussi-Modeste, Pas de vagues, sur la question du harcèlement scolaire, était l'occasion de faire le point à partir d'un long-métrage qui, croyant disculper son enseignant, l'accuse définitivement.
L'infirmière Sylvie Hofmann à l’hôpital dans Madame Hofmann
Rayon vert

« Madame Hofmann » de Sébastien Lifshitz : Fermer les écoutilles

20 avril 2024
Avec Madame Hofmann, Sébastien Lifshitz complète la galerie déjà riche de ses portraits au féminin. Sous son regard, Sylvie, soignante quasi retraitée de l’hôpital nord de Marseille, illumine l’écran. Elle pourrait apparaître comme une héroïne un brin statufiée, symbole idéal et sacrificiel de l’hôpital public en pleine crise, mais Sébastien Lifshitz parvient, au plus près des corps, à échapper à cette célébration politiquement dangereuse. Il capte, bien plutôt, les mécanismes insidieux de la souffrance professionnelle, et nous met face aux déterminismes sociaux qui poussent les femmes, en premier lieu, à s’oublier pour le bien collectif.
Maxime Mounzouk et Youri Solomine dans la Taïga dans Dersou Ouzala
Rayon vert

« Dersou Ouzala » d'Akira Kurosawa : Le cœur d'un golde

20 avril 2024
Le triangle d'or de l'amitié est une pomme de paradis dont le cœur est brisé à fendre l'âme, mais la brisure creuse en chacun de nous son ombilic. C'est, contre tout humanisme, l'histoire vraie racontée par Dersou Ouzala d'Akira Kurosawa. Avec ce film qui vient en relève de l'insuccès de Dodes'kaden, son auteur retrouve la forêt aux sortilèges et s'y fraie un nouveau chemin, sachant y revenir à chaque fois qu'il faut faire la part des choses quand il faut rendre au peuple de ses autres tout ce que le double qu'il est leur doit. Et c'est pour à nouveau emprunter sa piste préférée, celle de la queue du tigre, dans le risque assumé de lui marcher dessus. Comme japonais, Akira Kurosawa est un cinéaste double, russe au cœur golde.
Ray (John Magaro) avec un revolver à la main dans LaRoy.
Histoires de spectateurs

« LaRoy » de Shane Atkinson : Se rater magistralement et en toute amitié

16 avril 2024
LaRoy met en scène un grand bal d'identités mouvantes où le ratage s'impose comme une éthique de vie. Le premier film de Shane Atkinson donne ainsi à penser une grande question : N'est-il pas plus appréciable de rater magistralement sa vie comme on l'entend, en toute plénitude et en restant fidèle à ses affects comme à ses sirènes, plutôt que de réussir en faisant des compromis et en se laissant modelés par les autres ?
Román rencontre le groupe d'amis près de la rivière dans Los delincuentes
Le Majeur en crise

« Los delincuentes » de Rodrigo Moreno : La liberté suffira

15 avril 2024
Los delincuentes propose une expérience radicale à son spectateur : celle d’éprouver non pas le fait d’être libre comme un état, mais comme un processus de libération. Rodrigo Moreno explore deux univers, plongeant à la fois au plus profond du monde clos incarné par la banque et au plus intense du monde ouvert par la passion vécue par les personnages auprès de Norma et la perte de tous les repères qui les cloisonnaient.
Un photo de l'exposition Chantal Akerman Travelling à Bozar et au Jeu de Paume.
Histoires de spectateurs

Exposition « Chantal Akerman. Travelling » : Bifurquer entre les mondes

13 avril 2024
L'exposition « Chantal Akerman. Travelling » est une invitation à bifurquer et à se mouvoir dans les mondes où Chantal Akerman nous emmène. Bifurquer physiquement, avec notre corps et nos affects, mais aussi pour rencontrer ses mots, sa pensée. Bifurquer, comme à l'entrée de l'exposition au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, du chemin tout tracé vers le sentier dissimulé sur le bas-côté, pour ressortir plus loin, après avoir voyagé dans des temps racontés par la cinéaste, en arpentant seulement quelques couloirs et une dizaine de salles.
Takumi (Hitoshi Omika) et sa fille Hana dans Le Mal n'existe pas
Critique

« Le Mal n'existe pas » de Ryūsuke Hamaguchi : Une décevante partie de campagne

6 avril 2024
Le Mal n'existe pas de Ryūsuke Hamaguchi tient pendant un bon moment le cap de la primauté de la sensation en insistant sur la nécessité pour ses personnages de faire corps avec leur environnement, mais aussi en dépliant des situations de circulation de la parole proches de celles mises en scène dans ses admirables films précédents. Ryūsuke Hamaguchi finit malheureusement par dériver vers les eaux moins stimulantes de l’assénement d’un discours critique sur l’ethos citadin contemporain, avant de s’embourber dans le symbolisme cryptique.
Les réfugiés ukrainiens dans le documentaire 20 jours à Marioupol
Esthétique

« Tu n'as presque rien vu à Marioupol » : Sur les images de la guerre en Ukraine

2 avril 2024
Les images de la guerre en Ukraine tournées par Mstyslav Chernov à Marioupol sont dogmatiques parce qu'elles pensent apporter la preuve par l'image et la Vérité d'un événement, et elles impliquent par là un terrible appauvrissement esthétique de notre relation au monde. Le film du journaliste ukrainien, « 20 Jours à Marioupol », pourtant Oscar du meilleur documentaire et Prix Pulitzer, ne repose que sur l'exhibition de l'horreur afin de pouvoir être digéré par les flux de la télévision qui sont son seul horizon.
Steve dans La Mort de Danton
Esthétique

« La Mort de Danton » d'Alice Diop : Le gouvernement de soi

31 mars 2024
Alice Diop, dans La Mort de Danton, met en place son cinéma en même temps qu'éclot un acteur au monde, Steve Tientcheu, qu'elle suit durant ses années de formation au cours Simon. Dans ce documentaire, se pose déjà cette question, cruciale : comment faire république ? En mettant en commun et partage une même narration : apporter à la France les récits qui lui manquent pour lui faire le plus beau des films.
Arthur (Josh O'Connor) tient son objet dans La Chimère
Rayon vert

« La Chimère » d'Alice Rohrwacher : Territoire contaminé

29 mars 2024
Avec La Chimère, Alice Rohrwacher, tout en continuant à questionner le rapport des sociétés modernes au passé et à la sacralité, emmène son cinéma vers de nouvelles contrées formelles. Elle s'intéresse à des émanations du passé qui peuplent notre monde et recèlent une force qu’il s’agit de réapprendre à percevoir. La Chimère est même pris d’une fièvre, son territoire étant infecté par des mouvements de films contaminants jaillissant du sous-sol.
Raphaël Thiéry dans L'Homme d'argile
Rayon vert

« L'Homme d'argile » d'Anaïs Tellenne : La matière de l’art

24 mars 2024
Avec L'Homme d'argile, Anaïs Tellenne s’attèle au mythe de Pygmalion en explorant à son tour la question des rapports de l’art et du monde. Si le film conclut bel et bien à la possibilité d’une métamorphose, c’est en fait à une double métamorphose que le spectateur est confronté : comme dans le mythe, la statue prend effectivement vie, mais cette transformation trouve son pendant dans le consentement de l’homme à devenir la statue qui le représente, car il ne supporte pas de disparaître aux yeux de la femme qu'il aime.
le moine franciscain Guillaume de Baskerville (Sean Connery) dans la lumière dans Le nom de la rose
Le Majeur en crise

« Le Nom de la rose » de Jean-Jacques Annaud : Le mammouth et le rasoir

22 mars 2024
Le Nom de la rose – le livre d'Umberto Eco – est un roman philosophique qui adjoint à une généalogie médiévale du détective, une enquête spéculative sur la disparition du second tome de la Poétique d'Aristote dédié à la comédie. Le Nom de la rose – son adaptation cinématographique par Jean-Jacques Annaud – est d'une autre étoffe, celle d'un pachyderme. L'usage circonstancié du rasoir d'Occam, qui prescrit une économie parcimonieuse dans l'explication des faits, élimine ainsi le superflu des graisses spectaculaires pour atteindre au cœur de notre affaire, qui n'a que très peu à voir avec les puissances subversives du rire et de la comédie. Le mammouth engage ainsi à se méfier des traits épais d'un médiévisme grossier.
Al Pacino face à l'intelligence artificielle dans Simone
Esthétique

La Grève des scénaristes d'Hollywood : Qu'est-ce que les Lumières du cinéma à l'heure de l'IA ?

18 mars 2024
Il serait temps de prendre conscience de ce qui s'est produit lors de la grève des acteurs comme des scénaristes à Hollywood, cinq mois durant, en 2023. Se défendre contre l'intelligence artificielle ne relevait pas d'un simple intérêt catégoriel, mais civilisationnel : défendre notre part, la liberté de s'inventer d'autres destinées que celles uniformisées, la possibilité de se loger dans des contre-scénarii autrement qu'usinés par l'algorithmie. Une grève qui nous permettrait de reposer la question kantienne à l'heure de l'IA : qu'est-ce que les Lumières sinon la sortie de l'état de minorité dans lequel toutes les politiques d'expertise rendues à l'intelligence artificielle voudrait nous ramener en nous sortant des frères et leur cinéma.
Les dessins des enfants assassinés dans Une des mille collines
Esthétique

« Une des mille collines » de Bernard Bellefroid : Esthétique du cimetière à ciel ouvert

15 mars 2024
Dans Une des mille collines, Bernard Bellefroid continue de filmer les traces de ce qui ne peut plus être représenté. Il réussit à filmer le quotidien absolument ubuesque d'un village où les anciennes victimes et les anciens bourreaux continuent de cohabiter sur le cimetière de leur histoire. En ce sens, Bernard Bellefroid effectue un travail esthétique où il enregistre la manière dont l'espace est découpé et les corps répartis face à ce qui existe encore.
Johnny Marco (Stephen Dorff) et sa fille Cleo (Elle Fanning) dans le divan dans Somewhere
Rayon vert

« Somewhere » de Sofia Coppola : Une oasis au-dessus du désert

11 mars 2024
Somewhere de Sofia Coppola montre comment un apprivoisement a fonctionné et est dépassé. Cleo vient combler l'absence de repères dans la vie de son père Johnny, ainsi que les interstices entre les corps et les silences. Ensemble, ils construisent une oasis sur le désert, en attendant la pyramide.
La prof (Leonie Benesch) crie devant sa classe dans La Salle des profs
Critique

« La Salle des profs » d’Ilker Çatak : La vertu au pilori

8 mars 2024
Rien ne va plus dans le monde merveilleux du libéralisme. Le nid douillet d’un collège allemand, modèle de tolérance culturelle et de bienveillance éducative, est un foyer infectieux. Une banale affaire de vols met le feu aux poudres, le bocal devient cocotte-minute puis baril. La Salle des profs est un modèle de ce qui obscurcit aujourd’hui le cinéma d’auteur quand le surmoi est à la direction de la dénonciation. La petite machine paranoïaque qui fait la peau aux parangons de vertu fait sadiquement la nique à qui croit que la morale vaudrait mieux que le poids des attachements passionnels et la rivalité compétitive des intérêts individuels.
Paul (Timothée Chalamet) et Chani (Zendaya) s'embrassent dans le désert dans Dune : Deuxième partie
Rayon vert

« Dune : Deuxième partie » de Denis Villeneuve : Trois déserts font une pyramide

6 mars 2024
Le premier volet de l'adaptation par Denis Villeneuve de Dune, le chef-d'œuvre de Frank Herbert, était un film d'installation. Sa grandeur n'y était que d'apparats. Le space-opera interstellaire y était fondu dans le marbre d'une monumentalité pleine de componction. L'érection d'intimidantes illustrations considérait de loin un monde posé en allégorie du nôtre, celui d'une impérialité qui n'a pas cédé sur ses propensions religieuses malgré les acquis sophistiqués de la rationalité, et d'une crise de la production qui a pour surface d'inscription les forces climatiques d'un vaste désert, avec son énergie à extraire et ses indigènes à circonvenir. Le second volet crée la surprise en prenant à rebours la déception première. Il gagne en ampleur parce qu'il prend tout le temps nécessaire à filer la tresse complexe des grands récits qui surdéterminent un destin comme autant de voix et d'interpellations contradictoires, pour en compliquer en dernière instance l'avènement, sournoisement assombri. Une voix obscène qui commande et contrôle revient à la fin au blockbuster de Denis Villeneuve lui-même, n'ignorant pas qu'il est souterrainement parlé par elle. Si l'épopée est épicée, c'est en ouvrant les portes de la perception comme le disait William Blake, mais à seule fin d'y plier espace et temps – autrement dit la Terre et tous les flux d'argent qui l'enserrent.
Pharaon de Winter dans le jardin à la fin de L'Humanité
Rayon vert

« L'Humanité » de Bruno Dumont : Politique de la responsabilité

4 mars 2024
Tout commence par un crime chez Bruno Dumont. Mais qui en répondra ? Qui en supportera la charge ? Des illuminés, à propos duquel se déroule la véritable enquête dans L'Humanité, qu'il nous faudra sans doute reprendre sans jamais être certain d'en avoir abouti l'examen.
Freddy couché dans l'herbe dans
Rayon vert

« La Vie de Jésus » de Bruno Dumont : Les bruits qui pleurent

4 mars 2024
Du vrombissement des mobylettes au silence devant le ciel, La vie de Jésus peut s’entendre comme un voyage à travers les bruits du monde. Ses personnages tentent de combler leur vide intérieur par le bruit des moteurs ou par la musique, vaines tentatives de domestiquer la violence en eux. C’est par l’acceptation du silence qu’une possibilité de salut peut survenir.
L'étreinte finale dans "Hadewijch"
Histoires de spectateurs

« Hadewijch » de Bruno Dumont : Ce qui n’advient pas

4 mars 2024
Tout comme le personnage d’Hadewijch, Céline, qui est à la recherche d’une illumination, d’une expression terrestre du divin qui lui permette de comprendre sa propre existence, il aura fallu au spectateur une révélation - ou plutôt une reconnaissance, une familiarité - lors d’une vision récente du film pour lui donner du sens. Reconnaître dans un film un lieu arpenté dans la vie est une de ces trouées permises entre le réel et l'écran, tout comme y voir dans un temps incertain un acteur que l'on sait décédé. C'est une des manifestations du sacré dans le profane que permet le film de Bruno Dumont, quand bien même il deviserait sur l'impossibilité d'une incarnation terrestre de ce fameux sacré, du divin.
Les deux acteurs de Twentynine Palms dans le désert
Rayon vert

« Twentynine Palms » de Bruno Dumont : Construire et s’auto-détruire

4 mars 2024
Dans Twentynine Palms, deux cinémas — contraires et inconciliables — engagent une lutte pour gagner l'émotion du spectateur : d'un côté, la sexualité crue et le sentiment morbide de l’existence propres au naturalisme, de l’autre, les expériences formelles d’un cinéma expérimental. Ce processus bipolaire donne au troisième film de Bruno Dumont sa singulière qualité de rendre sensible l’incompatibilité absolue entre le naturalisme outrancier d’une partie du cinéma contemporain et la recherche artistique.
Fabrice Luchini en Dark Vador d'opérette dans "L'Empire"
Interview

« L'Empire » : Interview de Bruno Dumont

23 février 2024
Interviewer Bruno Dumont n'est pas chose aisée. Le rencontrer signifie souvent devoir se départir de la préparation qui aura été faite en amont, tant le cinéaste aime s'agripper à des mots, sans toujours écouter vos questions jusqu'au bout. Il faut donc avancer par à-coups, reposer les questions, ou les poser en plusieurs parties, pour arriver à colmater toutes les brèches, à apporter toutes les réponses. Retranscrire une interview de Bruno Dumont est donc également compliqué, tant cela relève parfois du puzzle, du collage. Le présent entretien, remis au propre, est donc une version expurgée de ces allers et retours complexes. Mais cela rentre finalement en écho avec la forme du nouveau film du réalisateur, L'Empire, dans lequel il tente de simplifier sa vision du bien et du mal, en faisant appel au genre du space opera et au cinéma de divertissement en règle générale. En résulte une version « populaire » de La Vie de Jésus, dont le film est un « préquel » crypté. À travers l'opposition manifeste du bien et du mal et leur fusion finale, Bruno Dumont raconte la genèse de la nature humaine tout en revenant à l'origine de son cinéma.
Juliette Jouan dans la forêt dans L'Envol
Esthétique

« L'Envol » de Pietro Marcello : De prétendus miracles

22 février 2024
Le réalisateur Pietro Marcello propose avec L'Envol un art naïf qui oppose une esthétique de l’affleurement à la dramatisation pachydermique caractéristique d’un pan significatif du cinéma contemporain. Le film témoigne du cheminement artistique vitalisé d’un cinéaste qui a émigré du documentaire vers la fiction pour en remodeler la pâte et créer de film en film une œuvre à l’esthétique aussi personnelle qu’évolutive.
Amal (Lubna Azabal) devant sa classe, avant le drame
Critique

« Amal » de Jawad Rhalib : La tumeur, Gargamel et le Flamand magique

17 février 2024
Brandi par les institutions et les médias comme outil de propagande idéal pour asseoir un discours manichéen sur l'éducation, Amal de Jawad Rhalib emprunte une voie ouverte par des oeuvres telles que Noces ou Animals, mais semble pousser encore plus loin sa démarche volontariste et manipulatrice. En trouvant des stratagèmes d'écriture pour se dédouaner et échapper à des accusations de poujadisme, le film entretient sa médiocrité par l'entremise de ses acteurs en roue libre, de personnages aussi involontairement comiques qu'un méchant de dessin animé grand-guignolesque ou encore un "Flamand magique". Le film parvient tout de même à se tirer une balle dans le pied en comparant l'extrémisme religieux à une tumeur, ne comprenant pas qu'il est lui-même une dégénérescence de la tumeur du cinéma belge francophone, ce cinéma à sujet édifiant.
Laura Paredes dans un champ avec ses lettres dans Trenque Lauquen
Rayon vert

« Trenque Lauquen » de Laura Citarella : Disparition fleurissante

14 février 2024
Tenter d'écrire sur Trenque Lauquen revient à se fondre dans son écosystème à la fois sensible et fantastique, qui doit beaucoup à David Lynch. Laura Citarella revisite aussi bien Twin Peaks que Mulholland Drive à travers un récit d'émancipation qui reste néanmoins solidement ancré dans la terre, jusqu'à raconter l'histoire d'un réenracinement. Le film nous rappelle aussi à toutes nos Laura intérieures, celles que nous avons aimées et laissées partir définitivement.
Lydia (Hafsia Herzi) et son bébé dans Le Ravissement
Rayon vert

« Le Ravissement » d'Iris Kaltenbäck : La vie dérobée

12 février 2024
La folie est « le plus vif de nos dangers, dit Foucault, et notre vérité peut-être la plus proche ». Iris Kaltenbäck, dans Le Ravissement, premier film incroyable d'intelligence cinématographique, en réalise le traitement sensible, raconte l'histoire d'un amour fou, dans un traité du désespoir qui apprendrait à vivre.
Edouard Baer (Dali) à table lors de l'histoire du prêtre dans Daaaaaali !
Critique

« Daaaaaali ! » de Quentin Dupieux : Steak trop cuit

8 février 2024
Multiplier les vestes (de daim) à l'adresse d'un maître d'opérette, l'épouvantail du génie rempli de la bourre de lui-même, c'est demeurer au poste à tuyauter la même blague gigogne, ad nauseam. La circulatoire en circuit fermé, un « circulez, il n'y a rien à voir ». L'humour vachard qui touille la crème de gruyère de l'ego n'a pas d'autre crémerie que La vache qui rit.
Le Majeur en crise

« Ma part de Gaulois » de Malik Chibane : Mon nom est-il Personne ?

8 février 2024
Faire république autrement, depuis la périphérie d'une banlieue, par le truchement du cinéma, en racontant des histoires, est-ce (encore) possible ? Livrer un plaidoyer pour une identité nomade pour tous les déracinés greffés sur une racine qui changerait continuellement au contact du monde extérieur ? Réaliser un film pour décadastrer un pays qui s'enrichirait de tout ce qui l'effleure, inventer une identité-nomade en devenir où chacun aurait sa Part de Gaulois ? Le dernier film de Malik Chibane créolise la République. Il serait temps que chacun y vienne prendre sa part. 
Stefan Gota et Liyo Gong dans la forêt dans Here
Rayon vert

« Here » de Bas Devos : Dans la soupe, une luciole

6 février 2024
Here de Bas Devos nous plonge dans l'immanence de l'ordinaire en offrant une expérience en pointillé de l'état de félicité que l'on peut percevoir à certains moments de notre vie et qui réside dans le présent parfait qui n'a d'autre fin que d'exister.
Le jardin de la maison à coté du camp de la mort de Auschwitz dans The Zone of Interest
Esthétique

« The Zone of Interest » de Jonathan Glazer : La petite maison dans la prairie aux bouleaux

31 janvier 2024
On ne sort du noir qu’après avoir replongé dans son miroir. Alors ce n’est plus Auschwitz-Birkenau que nous regardons par les bords d’un hors-champ saturé de ce que nous en savons, c’est le plus grand complexe concentrationnaire et génocidaire nazi qui nous scrute depuis une profondeur de champ qui a cessé depuis longtemps d’être innocente. La perspective est un viseur et le spectateur en est la cible. L’ordinaire administratif et domestique est un autre cercle de l’enfer qui a fait l’économie des immunités symboliques du déni. Eux savaient, nous savons et notre savoir est en berne. Reste le miel des cendres que The Zone of Interest cultive avec une sophistication à la limite qui interroge avant de convaincre du pire. L’inhumain est dans notre dos comme devant nous. Le sol carrelé d’un monument qui, s’il ne tremble pas souvent, ne tient qu’à dresser un nouveau tombeau pour la modernité et la mémoire désœuvrée des souffrances niées de l’autre côté du mur, ce noir miroir qu’il nous faudra toujours passer, non seulement parce que cela nous concerne, mais encore parce que nous en sommes cernés.
Gene Kelly et Leslie Caron dansent dans Un Américain à Paris
Rayon vert

« Un Américain à Paris » de Vincente Minnelli : Paris, une capitale de rêve pour l'Amérique

29 janvier 2024
Un Américain à Paris représente à la fois l'apogée du classicisme hollywoodien et l'un des chefs-d'œuvre de la comédie musicale, un genre qui aura tout particulièrement imposé le rayonnement du cinéma étasunien à l'époque de l'après-guerre. L'apogée est un feu d'artifices dont le bouquet ne manque toutefois pas d'interroger sur la suavité des fleurs qui le composent, diffusant le parfum enivrant de l'appropriation culturelle. Après tout, Vincente Minnelli est à la manœuvre et son art, qui est immense, a toujours été obsédé par les puissances de séduction et de capture du rêve faisant des rêveurs ses meilleurs pollinisateurs.