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Critique

Sans égard pour la brûlante actualité, l'exercice critique au Rayon Vert tient alternativement plus de la crise, de la pesée ou de la criée que du jugement lancé depuis une quelconque chaire du bon goût.

Jessica Pennington, Salim Kechiouche et Shaïn Boumedine dans Mektoub my Love : Canto Due
Critique

« Mektoub, My Love : Canto Due » d’Abdellatif Kechiche : La lune dans le caniveau

5 décembre 2025
Mektoub, My Love : Canto Due est un film d’après la catastrophe dont le crash cannois du volet intermédiaire, Intermezzo, est le témoignage le plus spectaculaire. Abdellatif Kechiche y a laissé tant de plumes qu’il en aura grillé sa réputation, déjà bien entamée par la chronique des scandales médiatiques, cramant son crédit financier avec le dépôt de bilan de sa société de production, et même sa santé tout court. C’est, à sa façon, un film post-apocalyptique. L’étirement des durées soulève moins qu’elles font endurer le retour des mauvais scénarios policiers et les envolées, naguère réussies, s’émoussent désormais avant de retomber en soufflet ratés. La déflation est une lame de fond dont le malheur est promis à toujours durer. Le cinéaste y pousse dans ses ultimes retranchements la polarisation à laquelle il tient comme à sa malédiction : la croix de la faim et de l’infâme. La gourmandise s’y affaisse en boulimie dépressive, avant un sabordage assumé comme une auto-immolation par le feu, un rituel auto-sacrificiel. Le titre l’aurait toujours déjà prophétisé : Mektoub, My Love substitue à celui, durassien, d’Hiroshima, le mot arabe pour dire le destin. Si les prophètes sont tous de malheur, le cinéaste aura été le sien.
Glenn Powell dans "Running Man" d'Edgar Wright
Critique

« Running Man » de Edgar Wright : Politique de l'aristo-conservatisme

3 décembre 2025
Running Man n'est pas le film que l'on croit. Il défilme ce qu'il filme. Il voudrait nous faire croire à ses lendemains qui chantent, sa révolution. Mais tout conspire contre cette idée dans le film d'Edgar Wright. Sur le plan politique, Running Man est hautement aristocratique, conservateur au possible, jamais démocratique.
Benjamin Voisin sur la plage dans L'Étranger
Critique

« L'Étranger » de François Ozon : Réenchanter l'Algérie française

30 novembre 2025
François Ozon, avec L'Étranger, voulait refaire le match de Camus, qui s'y connaissait en football. Aller jouer à l'extérieur, rendre à Alger ses territoires perdus. Mais, en guise de film décolonial, François Ozon finit par jouer à domicile. Il recolonialise l'Algérie. Un film d'époque pour l'époque, donc, à la pente douce, mais sûre, qui prépare comme tant d'autres les esprits à la reconquête nationale.
Teddy (Jesse Plemons) et Don (Aidan Delbis) à table dans leur maison dans Bugonia
Critique

« Bugonia » de Yorgos Lanthimos : Métaphysique plate

24 novembre 2025
Le cinéma de Yorgos Lanthimos est fasciné par les mauvaises herbes et le sol sur lequel elles poussent. Bugonia l'illustre une nouvelle fois, tout en contredisant inexplicablement le constat dévastateur que le cinéaste, cynique, avait dressé : les abeilles comme la nature renaîtront sur la carcasse de l'humanité. Le film ressemble à un délire manqué quand sa métaphysique se révèle être aussi plate que la terre ne l'est pour les conspirationnistes les plus incrédules.
La scène de dîner alcoolisé dans "Ce que cette nature te dit" de Hong Sang-soo
Critique

« Ce que cette nature te dit » de Hong Sang-soo : L’alcool mauvais (ou « Tu t’es vu quand t’as bu ? » )

22 novembre 2025
Dans Ce que cette nature te dit, Hong Sang-soo prend à rebours son utilisation coutumière de l'alcool comme révélateur pour ses personnages, et se range du côté des petits maîtres de la distance - Thomas Vinterberg en tête - pour se contenter d'en exposer les méfaits. Donnant une illustration parfaite de l'expression « avoir l’alcool mauvais », le film revêt au final l'habillage d'un jeu de massacre en terrain miné et en vase clos, à peine éclairci par une très courte et obscure scène d'épiphanie nocturne.
Rebecca Ferguson dans la salle de contrôle dans A House of Dynamite
Critique

« A House of Dynamite » de Kathryn Bigelow : Du racialisme au cinéma

15 novembre 2025
La réception critique du dernier film de Kathryn Bigelow, A House of Dynamite, a été plutôt laudative. Il faut repartir de ce quasi-unanimisme pour montrer que tout ce qui est à mettre au crédit du film pourrait tout aussi bien être à charge. D'une part, le film n'est pas autant synchrone de son époque. Aussi abouti et théorique soit-il, A House of Dynamite est en retard thématiquement mais aussi conceptuellement. Au mieux, sa bombe ferait l'effet d'un pétard mouillé. D'autre part, le film entretient une rhétorique de l'urgence problématique, qui le rend aussitôt suspect : sa bombe ne serait pas nécessairement celle que l'on croit. Par tout un travail de dissimulation scénaristique et formel, se révélerait l'autre bombe du film, à l'origine de la véritable catastrophe pour la cinéaste : la venue au pouvoir d'un président noir aux États-Unis. Par tout un jeu de racialisation camouflé par les autres enjeux du film, Kathryn Bigelow aurait alors sans doute signé le film que l'Amérique raciste de Donald Trump espérait tant.
Fatima (Nadia Melliti) et Ji-Na (Park Ji-min) à la manifestation dans La Petite Dernière
Critique

« La Petite Dernière » de Hafsia Herzi : Du paternalisme cinématographique

11 novembre 2025
La Petite Dernière, c'est la version banlieue des Dents de la mer, à propos de ce qu'en disait Serge Daney : un film de monstre, sur une sorte de monstre, un film sur une jeune femme hors-norme (banlieusarde mais intelligente, musulmane mais lesbienne), produisant un film conservateur au possible afin de permettre à la communauté – française et critique – de se réassurer fermement sur ses assises, de se resolidariser à l'endroit où suppuraient tous ses points de suture, quand tout irait à vau-l'eau.
Léa Drucker et Anamaria Vartolomei avec Adam dans L'Intérêt d'Adam de Laura Wandel
Critique

« L'Intérêt d'Adam » de Laura Wandel : Le cinéma mis en famine

30 octobre 2025
L'état dans lequel se trouve le petit Adam résume parfaitement ce que fait subir Laura Wandel au cinéma : une famine. Sa vision du monde est inhospitalière et fascinée par les effets de la pulsion de mort. Après Un monde qui s'intéressait déjà péniblement au calvaire d'Abel, L'Intérêt d'Adam remet le couvert avec un récit doublement christique mettant en scène une sainte face à la souffrance humaine incarnée au stade terminal par Adam. Le film est à la fois hagiographique et moralisateur car il repose autant sur le jugement de la sainte que de l'enfant martyr.
Vahid enterre le corps de Eghbal au début de Un simple accident
Critique

« Un simple accident » de Jafar Panahi : Le règne animal

7 octobre 2025
Les chiens sont partout dans Un simple accident de Jafar Panahi. Dans les montagnes et du côté des bourreaux qui appliquent la loi. Quant aux victimes du régime, leurs corps souffrent comme des bêtes boiteuses et leur désir de vengeance n'est pas moins bestial. Le règne animal serait-il total ? Jafar Panahi sauve son film démonstratif reposant sur un scénario didactique en faisant revenir de l'humanité dans l'animalité.
Leonardo DiCaprio sur la route à la fin de Une bataille après l’autre
Critique

« Une bataille après l’autre » de Paul Thomas Anderson : L’éclate et l’arrêt

27 septembre 2025
La révolution n’attend pas. Elle court comme le furet et l’on court après lui comme un lièvre qui toujours échappe en se montrant à la fin comme peau de lapin. C’est que la révolution est à l’époque du capitalisme tardif la réitération festive d’un principe de plaisir, un carnaval de signes et non la vérité d’une rupture dans l’ordre des situations. Ce qui mettra à l’arrêt l’éclate d’une jouissance que se distribuent les antagonistes, conservateurs et libertaires qu’aliène la même culture de masse, est la discipline d’un père aimant sa fille, l’unique sésame. Le reste, on s’en balance comme d’une guigne.
Le héros de Oui de Nadav Lapid avec son canard sur l'épaule.
Critique

« Oui » de Nadav Lapid : Défigures du Palestinien

27 septembre 2025
Oui est un drôle de film. Antipode à la politique génocidaire israélienne, son « non » dit « oui ». À perdre sa langue en cours de film, son « non » consent constamment, pour être tout entier construit sur la négation de la figure du Palestinien. Embué d'horizon rabougri, totalement resserré sur la figure de Nadav Lapid, son « non » devient alors complice. S'extrême-sionise.
Mélissa Boros dans la poussière dans Alpha de Julia Ducournau
Critique

« Alpha » de Julia Ducournau : L’adieu au regard

25 août 2025
Si plein de lui-même et de ses effets, quelle place peut laisser Alpha au spectateur ? Julia Ducournau produit un cinéma qui réduit le spectateur à une conscience interprétative et à un inconscient qu’il s’agit de réveiller à grand coup d’images spectaculaires. L'émotion est ainsi asséchée, au même titre que la thématique du harcèlement qui se dissout complètement dans la pulsion du spectaculaire et du tape-à-l’œil.
Renate Reinsve et Inga Ibsdotter Lilleaas s'enlacent dans Valeur sentimentale de Joachim Trier
Critique

« Valeur sentimentale » de Joachim Trier : Arnaque sur la marchandise

18 août 2025
Valeur sentimentale de Joachim Trier pèse très lourd par son académisme qui veut imiter comme un marchand de contrefaçon une certaine idée du « Grand Art ». Pire encore, le film peine à émouvoir, sa dimension affective est quasi nulle, ce qui est un comble pour un film qui se rêve en grande tragédie du XXIème siècle. Le curieux projet de Joachim Trier repose sur une autre économie : démontrer sans aucun talent que les relations d'une famille de nantis ont toujours été au fond liées à des tractations tristes et malsaines.
Magaloche (Adèle Exarchopoulos), en convalescence après une énième vidéo, dans "L'Accident de piano"
Critique

« L’Accident de piano » de Quentin Dupieux : Autoportrait du stakhanoviste fainéant

16 juillet 2025
Dans L'Accident de piano, Quentin Dupieux se révèle dans la misanthropie et l'autoflagellation tout en aspirant à renaître une nouvelle fois des cendres de cet énième jeu de massacre. Abrégeant comme par impuissance l'interview centrale pour bien signifier que les entretiens journalistiques ne mènent à rien, il préfère se livrer tout cru dans un film qui a le mérite d'être honnête, malgré son antipathie tenace.
André et Vera en interview au début de Sous Hypnose de Ernst De Geer
Critique

« Sous Hypnose » de Ernst De Geer : Clown Therapy

21 juin 2025
Sous Hypnose de Ernst De Geer prend le contrepied d'une tendance décadente de la satire scandinave emmenée par Ruben Östlund, dont il est l'anti-Snow Therapy à tous les niveaux. Le film est une comédie de remariage profonde où la clownerie et le chien trouvent toute leur noblesse. Grâce à un double final étonnant et une mise en scène aboutie, Sous Hypnose ne se réduit jamais à cette recherche du malaise ontologique civilisationnel que dépeignent in fine Ruben Östlund et ses bouffons cyniques jusque dans le moindre détail et bien souvent au mépris de toute forme de singularité ou d'altérité.
Sally Hawkins et Ollie (Jonah Wren Phillips) se regardent à travers la vitre dans Bring Her Back
Critique

« Bring Her Back » de Danny et Michael Philippou : Hantologie du refoulement

9 juin 2025
Au-delà de son symbolisme appuyé et sa critique réchauffée du familialisme, Bring Her Back de Danny et Michael Philippou porte une hantologie du refoulement. Le refoulement généralisé à l’œuvre, qui se traduit notamment dans la circulation du motif liquide, forme un bouchon entraînant une saturation lourdingue qui déborde dans ses expressions monstrueuses, avant d'être vidée comme on tire la chasse après une douche dorée.
Les cinq jeunes mères du film des frères Dardenne
Critique

« Jeunes mères » de Luc et Jean-Pierre Dardenne : Tuer les pères, sauver les mères

24 mai 2025
Après avoir cédé à la tentation du film coup de poing et de la démonstration dans leurs deux films précédents, Luc et Jean-Pierre Dardenne semblent dans un premier temps continuer sur la même voie avec Jeunes mères. Se moulant cette fois-ci dans le cadre téléfilmesque du film choral et dans une mouvance « post-Dalva », les frères déroulent une fois de plus les mécaniques bien rodées de narrations en forme de spirales infernales pour leurs quatre filles mères - chacune représentant un « cas », une situation sociale précise -, tout en persistant également dans leur obsession tenace de tuer le(s) père(s). Mais alors qu'il n'y avait apparemment plus rien à sauver dans ce cinéma devenu déterministe, une éclaircie inespérée advient quand les cinéastes regagnent l'envie de sauver leurs personnages et de leur redonner forme humaine.
Marcielle (Jamilli Correa) avec son père dans la forêt dans Manas
Critique

« Manas » de Marianna Brennand : Magie impossible

18 mai 2025
Manas ne travaille pas sur la double signification possible du mot « mana » en ne filmant aucune forme de spiritualité. Marianna Brennand montre au contraire la réalité crue et impitoyable d'une petite communauté où la mort rode dans sa fatalité indicible. Malgré sa pudeur et ses belles ellipses, Manas reste un film à sujet qui repose sur les standards d'un cinéma psychologico-réaliste post-Dardenne, qui sont d'ailleurs les coproducteurs du film, moins en magiciens qu'en gourous chefs d’entreprise exportateurs de leur modèle de travail.
Eloy Pohu dans le rôle d'Enzo
Critique

« Enzo » de Laurent Cantet et Robin Campillo : S'effacer par amitié

14 mai 2025
Le dernier film en date de Robin Campillo est aussi et surtout le dernier film tout court de Laurent Cantet, disparu en avril 2024. Endossant la réalisation d'un scénario qu'il a co-écrit, Campillo s'efface derrière les intentions de Cantet et derrière une construction trop dense, trop pleine. Mais derrière l'accumulation de couches mal disposées, derrière ce mur branlant mal égalisé, se cache un film en creux, un film d'amitié sur le départ d'un ami.
Juliette Armanet et Bastien Bouillon dans une scène "type" de la comédie romantique dans "Partir un jour"
Critique

« Partir un jour » d’Amélie Bonnin : Déchanter en chansons

13 mai 2025
Sous des dehors de comédie romantique musicale, derrière un synopsis et une esthétique faisant dangereusement penser à un téléfilm régional, Partir un jour d'Amélie Bonnin - film d'ouverture du 78ème Festival de Cannes - utilise les clichés de la « rom com » et le dispositif de la comédie musicale pour développer un discours sur la fiction, et sur son impact inconscient dans la vie quotidienne et intime des gens. C'est en chantant que l'on déchante et que la comédie se teinte de mélancolie.
Julie (Tessa Van den Broeck) à l'entrainement, dans "Julie se tait" de Leonardo Van Dijl
Critique

« Julie se tait » de Leonardo Van Dijl : Silence coupable

10 avril 2025
Comme le titre de l’œuvre de Leonardo Van Dijl l’indique explicitement, la jeune joueuse de tennis Julie (Tessa Van den Broeck) ne parle pas dans le film des sévices de son entraîneur (Laurent Caron). Aveu de faiblesse : le cinéma ne peut être le lieu de la libération de la parole. Il se fait plutôt le porte-voix d’une idée reçue selon laquelle l’art serait principalement le lieu circonscrit de l’intime et de l’indicible. Laissant opportunément les spectateurs dans le flou et son personnage de sainte mutique en pleine lumière, Julie se tait flatte notre regard compassionnel sans apporter de réel éclaircissement quant aux relations d’emprise au sein des structures sociales.
Timothée Chalamet en Bob Dylan dans Un parfait inconnu
Critique

« Un parfait inconnu » de James Mangold : L'Amérique sidérale

13 février 2025
Pour une bonne partie de la critique, Un parfait inconnu de James Mangold, serait un non-biopic sur Bob Dylan. Un film sur un inconnu qui le demeurera. Un parfait inconnu serait donc un drôle de film. Un film qui n'a pas de programme, qui refuse le programme prévisible du biopic, pour en déjouer les pièges. Il faut dire au contraire que cette absence de programme tient lieu de programme. Elle parle de l'Amérique d'aujourd'hui, une surface plane, lisse, un désert où prospère tranquillement la vermine.
Les trois actrices principales de Les Graines du figuier sauvage
Critique

« Les Graines du figuier sauvage » de Mohammad Rasoulof : Penser l'ennemi, affronter son esthétique

8 février 2025
Les Graines du figuier sauvage n'est pas le film que l'on croit. Son sujet, fort, écrase toute velléité formelle. Définitivement, le sujet des Graines du figuier sauvage exerce sa loi, une souveraineté totalitaire. Irrévérencieux dans sa note d'intention à l'égard de la théocratie iranienne, le film se montre bien pieux à l'égard des genres du thriller et de l'horreur qu'il emprunte. Mohammad Rasoulof voulait contester l'ordre établi. Il le réinstalle sur l'autel de son esthétique. Un cinéma du confort. Un cinéma touristique.
Tous les personnages de Je suis toujours là de Walter Salles sur la plage.
Critique

« Je suis toujours là » de Walter Salles : Réenchanter la dictature

1 février 2025
Je suis toujours là de Walter Salles avait semble-t-il pour ambition de filmer l’histoire d’un père disparu sous la dictature brésilienne des années 70. Il n’en sera jamais rien. Dans un discours rance, il se fait l’agent complice de toutes les autocraties, décide de se débarrasser du corps du disparu, pour nous délivrer sa philosophie morale et politique dans un film mou à tendance (droite) dure.
Vincent Lindon et ses fils dans Jouer avec le Feu
Critique

« Jouer avec le Feu » de Delphine et Muriel Coulin : Déclarer sa flamme à l'extrême-droite

31 janvier 2025
Jouer avec le Feu de Delphine et Muriel Coulin voulait nous alerter sur l'extrême-droitisation en cours de la société française, quand le mal, par effet de contagion, gagnerait un peu partout. Mais quand elles croient avoir réalisé un film dénonçant la montée de l'extrême-droite parmi la jeunesse, elles en reconduisent aux principes, sur le plan scénaristique comme de la mise en scène. Un film contre ? Un film tout contre.
Abou Sangare dans L'Histoire de Souleymane
Critique

« L'Histoire de Souleymane » de Boris Lojkine : Politique du bon immigré

18 janvier 2025
L'Histoire de Souleymane, de Boris Lojkine, n'est pas le film que l'on croit. En apparence humaniste, il déshumanise en permanence. En filmant le parcours d'un immigré clandestin en quête de papiers, il délègue finalement au spectateur le choix d'en décider. Il partage ainsi le même sale petit secret que tous les droitards attardés, n'accorder droit de cité qu'aux bons immigrés. Un travail de discrimination s'opère, qui révèle le caractère mensonger du film. Il se voudrait humaniste. Il fait la chose la moins humaniste possible : juger.
Lily-Rose Depp approchée par la main de Nosferatu dans le film de Robert Eggers
Critique

« Nosferatu » de Robert Eggers : They are cumming

31 décembre 2024
Robert Eggers offre un nouveau lifting à Nosferatu en l'opérant par la chirurgie esthétique de l'horreur graphique. Devenir propriétaire d'un tel patrimoine était un héritage trop lourd pour le cinéaste qui s'égare dans le contraste entre un catéchisme ambiant et la jouissance sexuelle, deux aspects qui finissent par devenir grotesques.
Mikey Madison danse en boîte de nuit dans Anora
Critique

« Anora » de Sean Baker : Politique de l'ordre moral

16 novembre 2024
Vendu comme Ouf par ses producteurs, un film à aller en voir en couple, Anora est un film d'auteur moralisateur. Il ne tendait pas à juger son personnage. Il termine sa course furieuse épuisé, dans un paternalisme gaucho-prédicateur. Ou comment depuis l'anti-chambre du rêve américain, Sean Baker, sermonneur, le reconduit dans ses effets, dans un apologue édifiant.
Paul Mescal et Pedro Pascal s'affrontent dans le Colisée dans Gladiator II
Critique

« Gladiator II » de Ridley Scott : Malheur au vainqueur

15 novembre 2024
Un spectre hante le cinéma hollywoodien contemporain : le spectre de l’empire romain. On dira que l’affaire est connue, en remontant pour le cinéma jusqu’au péplum italien et ses acclimatations étasuniennes. La Rome antique offre pourtant, outre sa ressource fantasmatique pour toutes les époques en quête de légitimation culturelle, de la Renaissance florentine au fascisme italien, l’image de vérité d’un cinéma dont l’industrie voudrait redorer le blason terni de l’empire au titre de l’oriflamme recouvrant l’autre spectre de sa finitude. Aujourd’hui, les films qui s’en réclament, parfois ostensiblement comme c’est le cas de Gladiator II de Ridley Scott, font spectacle des nécessités de sauver le soldat impérial parce qu'il resterait après tout le meilleur pèlerin de l'universel. Et ce film-là a paradoxalement besoin de deux Noirs d'Algérie à évacuer, l'un par défaut et l'autre par excès, pour éclaircir plus nettement son idée : mieux que la république trahie par ses défenseurs pervers, l'empire demeure malgré tout le terrain d'intégration universelle par excellence, de toutes les différences et de toutes les minorités, dès lors que sa souveraineté revienne de plein droit à son légataire, le petit-fils caché de Marc-Aurèle. 
Le corps de Demi Moore dont le dos est recousu dans The Substance
Critique

« The Substance » de Coralie Fargeat : Chaosmétique

1 novembre 2024
The Substance : la substance, c'est le film et la publicité qu'il en fait. La substance, c'est la publicité dont le cinéma est devenu par inversion une prothèse de relais. À l'empire du spectacle, une junkie répond par le pire de l'intoxication volontaire. Si la modernité est un plongeon dans le monstrueux, son stade terminal vérifierait cependant qu'au fondement de toute exhibition, un freak attend avant d'entrer en scène. Et le freak est une femme dont les hommes sont les docteurs Frankenstein. Alors, l'obscénité du spectacle sera avérée, ses origines foraines déballées. La surexposition conduit à son exhibitionnisme décomposé. On ne bande les muscles dans les shows d'aérobic qu'à préparer la grande débandade des organes.
François Civil et Adèle Exarchopoulos s'embrassent sur la plage dans L'Amour ouf
Critique

« L’Amour ouf » de Gilles Lellouche : MTVie

24 octobre 2024
L’Amour ouf transpire le cool, dégouline de ce que certains nomment des « envies de cinéma », qui sont surtout des envies de montrer que du cinéma, on sait faire. Le film de Gilles Lellouche est une longue fresque pseudo-tragique qui délaisse le romanesque pour le tapage du clip TV. C'est un film adolescent, dont la forme démonstrative étouffe l’émotion qui affleure dans les rares moments de naïve sincérité.
Zoe Saldana danse au gala de charité dans Emilia Perez
Critique

« Emilia Perez » de Jacques Audiard : L'invraisemblable cynisme

27 août 2024
Il faut, paraît-il, accepter Emilia Perez comme un film invraisemblable. Mais cette histoire de baron de la drogue qui veut se racheter de ses fautes accouche en même temps d'un invraisemblable cynisme qui est à peu près son seul horizon, à l'exception de la délicate tension apportée par Karla Sofía Gascón. C'est que la vraisemblance peut avoir un double sens quand elle exprime quelque chose d'invraisemblable : le cynisme atteint un tel degré d'invraisemblance qu'il en devient l'invraisemblable vérité du film. Au final, Audiard se la joue plutôt Grand Jacques en livrant sa reprise des « Bigotes » qui traduit bien le cheminement du film et la réaffirmation vieillotte d'un auteur attaché à ses artifices, exactement comme Leos Carax.
JR photographie un prisonnier dans Tehachapi
Critique

« Tehachapi » de JR : Misère de l’humanisme carcéral

25 août 2024
Une prison de haute sécurité californienne, un suprémaciste blanc repenti et une photo de famille géante collée sur le sol du terrain de basket : JR, dans Tehachapi, a soigneusement choisi les ingrédients de son nouveau documentaire bigger than life. Mais tel l’éléphant qui accouche d’une souris, l’artiste sert finalement une soupe libérale, à l’avant-poste du maintien d’un insoutenable consensus carcéral.
Cooper (Josh Hartnett) dans la salle de concert dans Trap de M. Night Shyamalan
Critique

« Trap » de M. Night Shyamalan : Misères de la mise en boîte

9 août 2024
Concevoir des films comme des pièges à regard, c'est pour M. Night Shyamalan jouer de perspective et d'imbrication, double fond, triple fond, etc. Et rappeler ainsi au spectateur qu'il n'y a de redoublement et de retournement possible qu'en raison d'une faille originaire logée dans son regard, ce vide qui peut tout accueillir, l'empathie mêlée au savoir qu'il a pour figure la pire. Mais à quoi bon montrer, dans Trap, que le fond fait varier les parallaxes en ouvrant toujours à la possibilité de la ligne de fuite, si c'est pour retomber ensuite dans les filets d'Œdipe, avec ses petites boîtes qui font le cercueil des bonnes idées ? C'est qu'il y a deux papas, un méchant et un gentil, et si le premier sait captiver le regard, le second travaille à ne pas décevoir sa fifille.
Maxine dans la rue avec son amie dans MaXXXine de Ti West
Critique

« MaXXXine » de Ti West : Le bûcher des vanités

5 août 2024
Une, deux, trois, en compagnie de Maxine nous retournons à son bois. Quatre, cinq, six, y sentir une dernière fois le houx dont le feu sacré sert à d'antiques sacrifices. Sept, huit, neuf, avec un nouveau panier mais cette fois-ci les œufs y seront moins frais. Dix, onze, douze, pour concocter une omelette hollywoodienne qu'affadit sûrement le ketchup abusif du cynisme. Le bois de houx dont se chauffe MaXXXine de Ti West, le troisième et dernier volet dédié à la féroce Maxine, fait d'abord rougir et cuir la peau des sataniques années 80, avant de mener à la baguette un récit accordé à la nécessité du malheur pour réussir à se faire une place au soleil, même s'il est caniculaire.
Margaret Qualley, Willem Dafoe et Jesse Plemons enlacés dans Kinds of Kindness
BRIFF

« Kinds of Kindness » de Yorgos Lanthimos : Et in Arcadia ego

5 juillet 2024
Posons qu'il y aurait trois genres de gentillesse mais qu'elles reviennent fondamentalement au même. L'identique rend caduque toute dialectique quand la variété apparente des formes de l'obligeance, d'un salarié pour son patron, d'une femme pour son compagnon, d'une sectatrice pour son gourou, fait le lit d'une propension avérée mais avariée à la domination. Dans Kinds of Kindness, trois fables font ainsi itération d'un monde simplifié à l'extrême, clivé entre deux positions auxiliaires, l'une pour qui s'abandonne à l'asservissement, l'autre pour qui en profite du côté du commandement. Même Javellisée, la clinique des arbitraires réglés et des absurdités de la vie moderne délivre la même chirurgie ablative quand le tiers en vient comme ici à manquer.
Leos Carax et Monsieur Merde (Denis Lavant) dans un parc dans C'est pas moi
BRIFF

« C’est pas moi » de Leos Carax : Itinéraire d’un enfant gâté

14 juin 2024
C’est pas moi : malgré son air à l’insolence gamine, le titre porte irrésistiblement à l’antiphrase que le film-essai, le tout premier de Leos Carax, s’applique en 42 minutes à vérifier. Il n’y est question en effet que de lui. L’autoportrait commandé par le Centre Beaubourg à la suite d’une exposition avortée est une nuit mauvaise de remâchement et d’insomnie pour un cinéaste qui, sacrifiant à sa légende, a fait un projet de prolonger son adolescence en y cloîtrant le cinéma qu’il a aimé alors qu’il avait pour vertu de l’en émanciper.
Kirsten Dunst sauve Cailee Spaeny de l'explosion au début de Civil War
Critique

« Civil War » de Alex Garland : L'Amérique floutée, le cinéma floué

11 mai 2024
Alex Garland, dans Civil War, voulait proposer une réflexion sur le pouvoir de l'image – trop grand, comme celui d'un président devenu autocrate dans une Amérique en proie à une guerre civile. Mais il produit finalement une image à l'image de son président assassiné. Une image despotique. Une image spectaculaire qui agit dans le sens d’une manipulation comme d’une saturation du voir. Une image télévisuelle, à caractère publicitaire, qui s'arrête net, qui fait le point, qui met au point, auquel il devient impossible d’échapper comme dans n'importe quel régime autoritaire.
Jessica Chastain et Peter Sarsgaard parlent dans la forêt dans Memory
BRIFF

« Memory » de Michel Franco : Le chirurgien opère le cœur

3 mai 2024
Memory est le film le plus humain, le plus empathique et le plus profond réalisé par Michel Franco. Il permet de comprendre définitivement le cinéaste non plus comme un misanthrope, mais selon une double optique : soit comme un médecin qui ausculte la noirceur du monde avec fatalité, soit comme un chirurgien capable de guérir ses personnages pour qu'ils puissent aimer à nouveau.
Le professeur (François Civil) dans la cour de l'école dans Pas de vagues
Critique

« Pas de vagues » de Teddy-Lussi Modeste : L'école en débat

23 avril 2024
L'école est un lieu d'expérimentation in vivo pour nombre de réalisateurs. Elle opère comme une micro-société au cinéma, un lieu test pour questionner le genre, le racisme, le rapport à l'autorité, à la discipline, l'information... en témoignent de nombreuses œuvres cinématographiques. Le récent film de Teddy Lussi-Modeste, Pas de vagues, sur la question du harcèlement scolaire, était l'occasion de faire le point à partir d'un long-métrage qui, croyant disculper son enseignant, l'accuse définitivement.
Takumi (Hitoshi Omika) et sa fille Hana dans Le Mal n'existe pas
Critique

« Le Mal n'existe pas » de Ryūsuke Hamaguchi : Une décevante partie de campagne

6 avril 2024
Le Mal n'existe pas de Ryūsuke Hamaguchi tient pendant un bon moment le cap de la primauté de la sensation en insistant sur la nécessité pour ses personnages de faire corps avec leur environnement, mais aussi en dépliant des situations de circulation de la parole proches de celles mises en scène dans ses admirables films précédents. Ryūsuke Hamaguchi finit malheureusement par dériver vers les eaux moins stimulantes de l’assénement d’un discours critique sur l’ethos citadin contemporain, avant de s’embourber dans le symbolisme cryptique.
La prof (Leonie Benesch) crie devant sa classe dans La Salle des profs
Critique

« La Salle des profs » d’Ilker Çatak : La vertu au pilori

8 mars 2024
Rien ne va plus dans le monde merveilleux du libéralisme. Le nid douillet d’un collège allemand, modèle de tolérance culturelle et de bienveillance éducative, est un foyer infectieux. Une banale affaire de vols met le feu aux poudres, le bocal devient cocotte-minute puis baril. La Salle des profs est un modèle de ce qui obscurcit aujourd’hui le cinéma d’auteur quand le surmoi est à la direction de la dénonciation. La petite machine paranoïaque qui fait la peau aux parangons de vertu fait sadiquement la nique à qui croit que la morale vaudrait mieux que le poids des attachements passionnels et la rivalité compétitive des intérêts individuels.
Amal (Lubna Azabal) devant sa classe, avant le drame
Critique

« Amal » de Jawad Rhalib : La tumeur, Gargamel et le Flamand magique

17 février 2024
Brandi par les institutions et les médias comme outil de propagande idéal pour asseoir un discours manichéen sur l'éducation, Amal de Jawad Rhalib emprunte une voie ouverte par des oeuvres telles que Noces ou Animals, mais semble pousser encore plus loin sa démarche volontariste et manipulatrice. En trouvant des stratagèmes d'écriture pour se dédouaner et échapper à des accusations de poujadisme, le film entretient sa médiocrité par l'entremise de ses acteurs en roue libre, de personnages aussi involontairement comiques qu'un méchant de dessin animé grand-guignolesque ou encore un "Flamand magique". Le film parvient tout de même à se tirer une balle dans le pied en comparant l'extrémisme religieux à une tumeur, ne comprenant pas qu'il est lui-même une dégénérescence de la tumeur du cinéma belge francophone, ce cinéma à sujet édifiant.
Edouard Baer (Dali) à table lors de l'histoire du prêtre dans Daaaaaali !
Critique

« Daaaaaali ! » de Quentin Dupieux : Steak trop cuit

8 février 2024
Multiplier les vestes (de daim) à l'adresse d'un maître d'opérette, l'épouvantail du génie rempli de la bourre de lui-même, c'est demeurer au poste à tuyauter la même blague gigogne, ad nauseam. La circulatoire en circuit fermé, un « circulez, il n'y a rien à voir ». L'humour vachard qui touille la crème de gruyère de l'ego n'a pas d'autre crémerie que La vache qui rit.
Priscilla Presley dans la limousine d'Elvis dans Priscilla
Critique

« Priscilla » de Sofia Coppola : Biopolitique de la jeune fille en fleur

17 janvier 2024
On pensait la logique capitaliste de réification des individus avoir atteint son point marchand avec Barbie en 2023, dont How To Have Sex de Molly Manning Walker aurait été faussement le pendant débrido-peinturlureur quand il était thatchero-conservateur. C'était compter sans Priscilla, de Sofia Coppola, en ce début 2024, dans un film sur l'emprise, la logique d'effacement de son héroïne par le King, dont la prise Kong aurait été débranchée, en prise directe avec la logique du tout marchand, pour installer depuis et par son ennui profond une guerre de tous les instants contre un machisme ambiant que le film reconduit autrement et plus puissamment.
Daniel Auteuil entouré des médias dans Un Silence
Critique

« Un Silence » de Joachim Lafosse : La mort du loup

11 janvier 2024
Un Silence est le combo, le best-of du pire de Joachim Lafosse : celle d'une grande pathologie et d'un grand pervers narcissique qui, ici, renverse toute la salière dans la soupière. Retour en dyade sur le film.
Apolonia Sokol se coupant les cheveux dans Apolonia, Apolonia
Critique

« Apolonia, Apolonia » de Lea Glob : D'entre les morts

18 décembre 2023
Dans Apolonia, Apolonia, Apolonia Sokol et Lea Glob reviennent d'entre les morts. Un lien invisible, un même rapport au corps et un deuil assez semblable à porter vont les unir au fil des treize années durant lesquelles s'étend le film, qui incarne une forme de féminisme fondée sur l'affirmation et non sur le ressentiment.
Le maire (Alexis Manenti) regarde la maquette des constructions dans Bâtiment 5
Critique

« Bâtiment 5 » de Ladj Ly : Politique de l'extrême-centre

6 décembre 2023
Bâtiment 5, de Ladj Ly, exile chacune des forces contestataires qu'il mobilise dans son film face aux autorités publiques qui, toutes, outrepassent pourtant les limites de l’État de droit. Il a finalement un pouvoir d’indifférence, de transmutation soudaine. Paradoxalement, il flatte cette défection des forces subversives. Plus rien n’y ébranle l’œil. Sans retour possible, Bâtiment 5 devient alors à lui-même l'objet de sa défaite : un film homicide.
Holly (Cathalina Geeraerts) réconforte la mère d'un enfant mort dans Holly.
Critique

« Holly » de Fien Troch : La marchande du temple

27 novembre 2023
Holly raconte autant une histoire religieuse que la réincarnation d'une marchande du Temple dans un imbroglio métaphysique en toc. Fien Troch veut nous faire croire que Holly possède le Holy Spirit mais ses pouvoirs s'avèreront limités et arbitraires. La sorcière, personnage pourtant riche en potentialités, est évoquée au début du film mais est vite évacuée : elle sent juste mauvais.
Le tueur (Michael Fassbender) assis dans un divan avec son imperméable dans The Killer
Critique

« The Killer » de David Fincher : Le cynisme imperméable de Pop-Eye

30 octobre 2023
The Killer de David Fincher est un revenge movie banal et cynique quand il critique en filigrane le capitalisme tout en glorifiant un tueur qui ne l'est pas moins. Celui-ci, borgne (c'est l'influence de Popeye) et méticuleux (c'est l'influence de James Bond) est imperméable au monde qui l'entoure depuis le creux de son solipsisme et le confort de sa vie luxueuse qu'il cherche à maintenir à tout prix.
Leonardo DiCaprio et Lily Gladstone dans Killers of the Flower Moon
Critique

« Killers of the Flower Moon » de Martin Scorsese : Le confessionnal de l'Amérique

24 octobre 2023
Dans un film somme, Killers of the Flower Moon refait le portrait de l'Amérique. Ses nombreux poisons : l'argent, le libéralisme, le marché, le droit, la cupidité des individus, tous les crimes des États-Unis. Une logique de péchés que père Scorsese entend laver par un curieux acte final de contrition, non pas pour nettoyer l'Amérique de son rêve mais l'absoudre pour tout lui pardonner.
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