Mektoub, My Love : Canto Due est un film d’après la catastrophe dont le crash cannois du volet intermédiaire, Intermezzo, est le témoignage le plus spectaculaire. Abdellatif Kechiche y a laissé tant de plumes qu’il en aura grillé sa réputation, déjà bien entamée par la chronique des scandales médiatiques, cramant son crédit financier avec le dépôt de bilan de sa société de production, et même sa santé tout court. C’est, à sa façon, un film post-apocalyptique. L’étirement des durées soulève moins qu’elles font endurer le retour des mauvais scénarios policiers et les envolées, naguère réussies, s’émoussent désormais avant de retomber en soufflet ratés. La déflation est une lame de fond dont le malheur est promis à toujours durer. Le cinéaste y pousse dans ses ultimes retranchements la polarisation à laquelle il tient comme à sa malédiction : la croix de la faim et de l’infâme. La gourmandise s’y affaisse en boulimie dépressive, avant un sabordage assumé comme une auto-immolation par le feu, un rituel auto-sacrificiel. Le titre l’aurait toujours déjà prophétisé : Mektoub, My Love substitue à celui, durassien, d’Hiroshima, le mot arabe pour dire le destin. Si les prophètes sont tous de malheur, le cinéaste aura été le sien.
