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Le Banlieue-film

Le Banlieue-film, concept proposé par Thierry Jousse dans les Cahiers du cinéma dans les années 90, n'a cessé d'évoluer sous différentes formes esthétiques et politiques, jusqu'à occuper aujourd'hui des territoires complexes et souvent contradictoires. Le Banlieue-film ne pose pas seulement la question de la représentation de la banlieue dans le cinéma français et international, il interroge la façon dont de nombreux cinéastes se positionnent par à des images et des discours dominants. Comme dans Athena de Romain Gavras par exemple, "les images d’une guerre civile que d’aucuns fantasment quotidiennement, alimentant le ventre de la bête immonde dont il entendait pourtant se défendre. Paradoxalement, à se situer politiquement contre l’extrême-droite, Athena, à force d’être contre devient antipode, se situe tout contre, jusqu’à en épouser les formes autant que les forces réactionnaires".

Cet ensemble de textes consacré au Banlieue-film montre toute la diversité d'un concept que David Fonseca, Saad Chakali et Alexia Roux travaillent en profondeur. Nous renvoyons aussi aux entretiens donnés par David Fonseca à la chaîne Microciné.

Le Majeur en crise

« Ma part de Gaulois » de Malik Chibane : Mon nom est-il Personne ?

8 février 2024
Faire république autrement, depuis la périphérie d'une banlieue, par le truchement du cinéma, en racontant des histoires, est-ce (encore) possible ? Livrer un plaidoyer pour une identité nomade pour tous les déracinés greffés sur une racine qui changerait continuellement au contact du monde extérieur ? Réaliser un film pour décadastrer un pays qui s'enrichirait de tout ce qui l'effleure, inventer une identité-nomade en devenir où chacun aurait sa Part de Gaulois ? Le dernier film de Malik Chibane créolise la République. Il serait temps que chacun y vienne prendre sa part. 
Le gang dans la rue dans Le Gang des bois du temple
Esthétique

« Le Gang des bois du temple » de Rabah Ameur-Zaïmeche : Po-éthique du contre-monde

7 octobre 2023
« L'amour est le miracle de la civilisation », écrit Musset. Rabah Ameur-Zaïmeche en a fait le chant de ses partisans, dans son cinéma. Une manière de penser, dans ses possibilités comme ses impasses, un autre monde que celui que nous sert la politique du grand capital comme des rapports de classe qu'il induit. Soit tenter d'ouvrir une voie, réfléchir autrement l'impossibilité d'être qui et quoi que ce soit dans un monde qui ne cesse de demander notre identité comme de nous y tenir. Notre fiche de futur dégringolé qu'il s'agirait de réinventer.
Abdulah Sissoko incarne "Le Jeune imam" dans le film de Kim Chapiron
Critique

« Le Jeune imam » de Kim Chapiron : La dernière tentation du Fric

20 juin 2023
La devise de Kim Chapiron, dans Sheitan, était : « Ne leur pardonnez rien, car ils savent ce qu'ils font », inversant la parole de Jésus sur le Mont Golgotha à l'instant d'être sacrifié. Au front de la bêtise, le poing levé, écrivait Nietzsche. Ne pardonnons donc rien à son dernier film, Le Jeune imam, car, en effet, qu'il sache ou non ce qu'il fait, ce cinéma, à enclicher la banlieue, mériterait une bonne droite évangélique.
Timéo Mahaut dans le film Les Pires.
Critique

« Les Pires » de Lise Akoka et Romane Gueret : Tropisme du cinéma social

15 avril 2023
« Sous quel astre ennemi faut-il que je sois née ? », demandait un personnage de Racine. En banlieue, entend-on trop souvent aujourd'hui. Les Pires, récompensé à Cannes en 2022, entendait objecter. Mais à vouloir faire un château à sa cité, il lui a réservé son plus beau tombeau.
Ramsès le voyant sur le toit de son immeuble dans Goutte d'Or.
Rayon vert

« Goutte d'Or » de Clément Cogitore : Géographie variable

20 mars 2023
Goutte d'Or de Clément Cogitore propose un voyage ésotérique à la fois vertical et horizontal dans la géographie du quartier de la Porte de la Chapelle. Au départ de cette zone en chantier, qu'est-ce qu'il y aurait à voir sinon des gravats ? Le cinéma de Clément Cogitore s'est toujours ouvert sur de l'inconnu, il cherche à pactiser avec le spectateur qui pourra être fasciné ou rester perplexe puisqu'on lui demande de croire au don de voyance qui est en même temps présenté comme une arnaque.
Sami Slimane en Jésus christique dans Athena
Critique

« Athena » de Romain Gavras : Le capitaine Flam est-il fasciste ?

28 septembre 2022
Athena, dernier film en date de Romain Gavras, fournit, à son corps défendant, les images d’une guerre civile que d’aucuns fantasment quotidiennement, alimentant le ventre de la bête immonde dont il entendait pourtant se défendre. Paradoxalement, à se situer politiquement contre l’extrême-droite, Athena, à force d’être contre devient antipode, se situe tout contre, jusqu’à en épouser les formes autant que les forces réactionnaires.
Gilles Lellouche en pleine intervention en banlieue dans BAC Nord
Critique

« BAC Nord » de Cédric Jimenez : L’excrémenteur

10 décembre 2021
BAC Nord a-t-il un point de vue sur « la banlieue », celle des quartiers nord de Marseille ? De droite, répond une partie des commentateurs dans un geste qui se voudrait critico-salvateur. Plutôt, s’il fait à droite, et pas à côté, c’est pour lâcher sa grosse commission, comme le chien d’Antoine, dans le film, ferait sur le trottoir d’un Sud que Nino Ferrer ne reconnaîtrait même plus. BAC Nord laisse ainsi sa marchandise, des récréments-pas-que-canins versus la drogue verte olive des trafiquants. Il faudrait donc en remonter jusqu’au côlon du film pour s’apercevoir que ce qu’il cancérise de son propos n’est pas simplement « la banlieue » mais d’abord et avant tout son propre discours, comme la police crapuleuse qu’il souhaitait pourtant réhabiliter ardemment. Ou comment à vouloir rehausser ses principes comme lui refaire une beauté, faire du visage de la police un agrément, Cédric Jimenez se confond en excréments.
NTM en concert dans Suprêmes
Critique

« Suprêmes » d’Audrey Estrougo : La banlieue se cache pour mourir

26 novembre 2021
Suprêmes, film cerise sur le ghetto (Mafia K’1 Fry), est un biopic sur les débuts du groupe de rap français NTM, aux accents délibérés de « banlieue-film », un cinéma qui n’entend pas simplement être biographique mais critique. Un banlieue-film qui, cependant, finit par s’avaler dans son génie, produisant un son malheureusement trop attendu, trop entendu, qui sous couvert de dresser un constat social, ne libère pas le regard du « ghetto » à la française, mais en redouble comme il en capitonne les murs. Un film sur NTM qui le viderait de NTM, le déposséderait de la possibilité de son île : un cinéma qui priverait chacun du « monde de demain ».
Lucie Zhang et Makita Samba discutent dans Les Olympiades
Critique

« Les Olympiades » de Jacques Audiard : Fluide glacial

12 novembre 2021
L'heure serait venue, celle de la réforme et son autocritique certaine. Jacques Audiard admet de faire débander les archétypes d'un virilisme dont souffrent les hommes qui ont la masculinité en excès pour prendre le pouls de l'époque qui est à la redéfinition souple et relâchée des relations entre les genres. Si l'Olympe a pour horizon de séduction la fluidité, c'est dans Les Olympiades une patinoire de béton sur laquelle glissent des figures allègres coiffant les promesses d'un libéralisme de la jouissance au poteau des normes d'un conservatisme de glace. Les figures libres se révèlent imposées quand la fluidité ne liquide en rien la ligne dure du consensus, avec l'amour féminin sauvant de la jouissance masculine et le deuil rappelant au sujet les devoirs symboliques de la filiation.
Youri (Alséni Bathily) vole à travers la cage d'escalier de son immeuble dans Gagarine
Critique

« Gagarine » de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh : Animation culturelle, décollage immédiat

17 septembre 2021
Gagarine tourné dans la cité du même nom avant sa destruction milite pour qu'un imaginaire en remplace un autre et si le communisme ne fait plus lever les yeux, peut-être que la science-fiction pour adolescents prolongés le pourrait. Le film de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh est conçu comme la navette décollant d'une terre stérile mais le lancement concerne moins ses habitants que les animateurs culturels se servant de leur cité comme de la rampe de lancement de leur fusée. Gagarine organise ainsi la démonétisation du mot de rêve quand il ne sert qu'à faire décoller au firmament du cinéma consensuel et encensé ses enchanteurs qui en sont les thuriféraires intéressés.
Le candyman dans le mirroir dans Candyman
Histoires de spectateurs

« Candyman » de Bernard Rose : Le spectateur et le monstre face au miroir

29 août 2021
Si Candyman peut prétendre au statut de mythe contemporain, il reste intéressant d’interroger encore ces images, au-delà du discours bien connu de ce film indépendant devenu culte, conjuguant film d’horreur et métaphore des souffrances de la communauté afro-américaine. En retournant devant le miroir pour invoquer son souvenir, un autre chemin apparait : celui de la mise en abyme de notre statut de spectateur face au cinéma fantastique et d’horreur et, surtout, face à la force effrayante de nos croyances. De quoi cet autre Candyman est-il le nom ?
Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos dans La vie d'Adèle
Esthétique

Être au monde dans le cinéma d’Abdellatif Kechiche : De la lutte des classes à la lutte des places

25 août 2021
La critique dresse volontiers, le plus souvent, le portrait du cinéaste Adellatif Kechiche en sociologue, du moins lui reconnaît-elle cette qualité essentielle quand elle l’attaquera à disproportion sur d’autres fronts, comme sur son apparent voyeurisme. Un cinéma qui, au mieux, donc, s’intéresserait, de près comme de loin, à la question des rapports de classe comme de caste (du genre, de l’ethnie parfois), toujours sous forme de lutte, qui ferait du cinéaste, pour ce que cette critique considère de meilleur dans son œuvre, le héraut d’un genre cinématographique, le « banlieue-film ». Un portrait qui manquerait d’apercevoir, toutefois, combien cette lutte des classes s’apparente davantage à une lutte des places, chacun se faisant son film chez Abdellatif Kechiche en proposant un contre-récit au récit qui lui est imposé par la naissance, la position économico-socialo-culturelle, par l’ethnie, l’âge, le genre encore, de sorte que chacun ne soit pas uniquement le produit d’une prédestination qui serait à l’œuvre dans son existence, le simple artefact de forces extérieures, ce à quoi la critique réduirait trop souvent le cinéma d’Abdellatif Kechiche mais, plus subtilement, le lieu où des forces intérieures chercheraient autant à s’exprimer, tous devenant le lieu d’une exploration, le territoire d’un rapport sensible au monde comme de la manière d’y être. Un cinéma qui poserait une question essentielle : comment figurer au monde lorsque tout va à contre-pente, fomente contre soi ?
L'Avenue des Champs-Élysées lors de la victoire de la France en Coupe du Monde dans Les misérables
Le Majeur en crise

« Les misérables » de Ladj Ly : Les saigneurs du stade

16 juin 2021
Comme l’équipe de France de football revient faire son coup de 1998 en 2018, la France jouant son destin sur tapis vert vingt-ans plus tard pour gagner sa deuxième étoile, la finale de la coupe du monde sert de contexte footballistique au film de Ladj Ly, qui, pour sa part, rejoue dans la foulée la finale du cinéma français-de-banlieue, celle de La Haine, dans son film Les misérables, en 2019. Sous haute tension, une analyse footballistique du film s’imposait donc.
Gemma (Imogen Poots) et Tom (Jesse Eisenberg) avec leur enfant devant leur maison dans Vivarium
Critique

« Vivarium » de Lorcan Finnegan : The Ikea Horror Picture Show

16 avril 2021
« Ranger fait de la place à la vie », dit une publicité Ikéa de 2020, sur le titre de Betty Hutton, « It’s Oh So quiet ». Un grand ménage de printemps qu’entend faire tranquillement Vivarium de Lorcan Finnegan, la même année, ou comment un jeune couple sympathique, parce que plein d’espoir encore en ce bas-monde qui ne finit pourtant pas de crever, est en quête de son Graal personnel : s’installer confortablement dans une maison. Rêve de toute une génération qui les conduira irrémédiablement aux confins de l’horreur sociale du tout consumérisme, ikéaisation de la société que le film entend (prétendument) dénoncer quand il en conforte les présupposés.
Vincent Cassel, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui dans La Haine
Critique

« La Haine » de Mathieu Kassovitz : Deux ghettos, pas de quartier

14 août 2020
« La Haine », 25 ans après : comme une cuite la hype est passée, reste le film culte dont la vision est aussi problématique hier comme aujourd'hui. Le constat documentaire y passe toujours à la moulinette d'une fantasmagorie dont les manières clinquantes revêtent les vieilles hiérarchies des survêtements de la jeunesse et des cultures urbaines. Mais la moulinette est une partie truquée de roulette russe et les shoots d'adrénaline n'empêchent pas d'admettre que la bombe à retardement n'est chargée que de l'amphigouri de son artificier horloger. Le monde sans pitié des gamins des cités appartient à ceux qui en font des films à succès.
Noah Jupe et Matt Damon à table dans Suburbicon de Georges Clooney
Le Majeur en crise

« Bienvenue à Suburbicon » de George Clooney : Le Poids du Regard

6 décembre 2017
Analyse du regard dans « Bienvenue à Suburbicon », le sixième long métrage de George Clooney : des voisins voyeuristes à l'enfant observant les monstres du monde adulte.
Knock Knock de Eli Roth
Le Majeur en crise

« Knock Knock » de Eli Roth

2 janvier 2016
S'il y a une morale à Knock Knock, ce n'est pas à la perversité ou à la violence latente du spectateur qu'elle s'adresse : Eli Roth rappelle simplement comment notre société crée des modèles artificiels qui peuvent nous rendre prisonniers de ses illusions et de ses archétypes.