Dans Théorème, Pasolini fait un peu trop l’ange (l’annonciation s’y littéralise avec moins de crudité que de nudité narcissique) ; dans Porcherie, un peu trop la bête (la société y exposerait la cruauté de ses secrets autophages avec une exhibition démonstrative). Janus y a deux visages, de l’ange et de la bête, et leur réversibilité circulaire a pour bouche de lave le cratère partagé du vulcain de l’Etna. L’orifice fulminant auquel un anthropophage des âges barbares offre la tête de sa première victime revient en dernière instance au cinéaste lui-même, en colère contre une époque où la posture révolutionnaire devient un conformisme et où le peuple tant aimé se dissout dans une masse abhorrée, bourgeois et prolétaires tous enrôlés sous la bannière d’un consumérisme néofasciste. L’œuvre de Pier Paolo Pasolini, ainsi Porcherie, est porteuse d’une esthétique cannibale, redoublée d’une métaphysique vitaliste où la vie se mangerait sans produire plus aucun déchet. Manger l’autre, c’est l’aimer en se mangeant soi-même mais cela c’est l’exception, l’hétérogène que remâche l’Histoire, sa goinfrerie ordurière.