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La question de la misogynie dans Il était une fois en Amérique de Sergio Leone.
Esthétique

Que faire des chefs-d'œuvre supposément misogynes de l'histoire du cinéma ?

Alexandre Ruffier
Le chemin que parcourt un.e cinéphile croise souvent celui d’œuvres érigées en monuments. Inévitablement il arrive que certaines nous dérangent en s’actualisant au contact de notre morale ou nos idées politiques qui semblent en inadéquation. Cette rencontre, souvent volontaire, peut devenir le lieu d’une blessure. Si la légitimité de cette émotion ne peut être remise en cause, que dit-elle réellement du film ? Au hasard : est-il moins bon, car misogyne ? Une question qui en suppose, étant donné ma position sociale, une autre : est-ce un privilège que de pouvoir se le demander ? L’émergence de sensibilité(s) féministe(s) dans nos corps et notre esprit fait parfois état de révolutions tant elles ont le pouvoir de renverser la lecture des œuvres que l’on rencontre. C’est ce qui m’est arrivé devant Il était une fois en Amérique. Un tremblement si profond qu’il m’a semblé nécessaire de l’écrire.

 

« Il était une fois en Amérique » de Sergio Leone et la misogynie au cinéma : Lorsque le cinéma blesse

 

Un soir de décembre, la Cinémathèque québécoise propose une projection d’Il était une fois en Amérique. Ultime œuvre de Sergio Leone, l’une des dernières que je n’ai pas vu de cette figure majeure du cinéma international. Un morceau d’histoire de presque 4 heures, dont le titre prélude la monumentalité à venir. Un conte en Amérique, et peut-être même de l’Amérique, raconté par celui qui ce sera fait connaitre en en dynamitant le mythe depuis l’autre côté de l’océan. Lors de cette séance, assis·e à côté de moi mon·a conjoint·e. Au moment de l’entracte, iel décide de sortir pour ne plus revenir. La scène lors de laquelle Noodles (Robert de Niro) agresse sexuellement Déborah (Elizabeth McGovern), la femme qu’il courtise depuis son enfance, est celle de trop. Iel me dit de rester. Plus tard iel prononcera cette phrase « c’est quand même un privilège que de pouvoir trouver des bons côtés à ce film ». Iel a raison.

Il y a peu, la Cinémathèque française, pour répondre à la polémique autour de la projection du Dernier tango à Paris, a préféré consolider sa position, fragilisée, de « musée ». Deux films, deux exemples qui, pour des raisons différentes, questionnent notre rapport à l’archéologie du cinéma. Sous le poids des évolutions sociales et morales, les titres de chef-d’œuvre se déforment. Doivent-ils y résister ou plier ? Car derrière ces imposantes carrures, git une matière cinématographique encore vivante. Les spectateur·ices qui s’y confrontent sont systématiquement saisi·es dans un déséquilibre où iels ne savent plus très bien si c’est ell·eux ou le film qui s’actualise. Ma cinéphilie ne doit-elle que s’enrichir de ce visionnement ou une réciprocité peut-elle exister ? La question devient avant tout : qui rencontre qui ?
 

Alors, que faire d’Il était une fois en Amérique ?

 
« Que faire ? », une expression qui a traversé l’histoire de la pensée politique et qui tend à exprimer un constat encore sans adresse précise. « Faire », secondaire dans la phrase, est en réalité le mot par lequel cette pensée commence. « Faire » comme si, dans ce cas-ci, le visionnement d’Il était une fois en Amérique, nécessitait immédiatement de se mettre en mouvement. Preuve qu’effectivement quelque chose a bien été déplacé. Un réflexe primaire, presque primal, en réponse à une agression, qu’il est nécessaire de questionner. Judith Butler dans son ouvrage Le pouvoir des mots écrit : « Lorsque nous affirmons avoir été blessés par le langage […] nous [lui] attribuons une puissance d’agir, un pouvoir de blesser, et nous nous positionnons comme des objets situés sur sa trajectoire injurieuse. »(1)

Se demander « que faire d’Il était une fois en Amérique ? » c’est ainsi, en tout premier lieu, lui reconnaitre une puissance d’agir et que celle-ci nous a endommagé·es. Un constat dont l’expression constitue en même temps, dans le langage, le pouvoir qu’a le film sur moi. « J’ai été blessé par ce film » c’est avant tout, par les mots, lui concéder ce pouvoir. Sans rentrer dans des détails trop théoriques, je laisse cela aux lecteur·ice·s de Butler, cette « puissance d’agir » n’est pas uniquement issue de la matière du film, elle s’étend au-delà : à ma relation à celle-ci, au contexte, politique, social et matériel de visionnage. Elle est contingentée.

À cette blessure infligée, « que faire ? », en plus d’en constituer l’existence donc, exprime le besoin de répliquer, sous-entendu, par-delà moi-même. Car « que faire ? » est aussi la formule de cell·eux qui cherchent à agir au nom de et pour le collectif. « Que doit-on faire ? » en serait une autre incarnation acceptable. Un passage à l’impersonnel signifiant ce transfert d’inertie vers le dehors et qui annonce également l’incursion de la morale dans cette réflexion. En effet, s’il faut faire collectivement, c’est que le péril est suffisamment grand et que donc ne pas s’y opposer pourrait signifier que l’on s’en rend complice. Nous n’avons pas encore parlé du film que la pente sur laquelle nous nous engageons est déjà dessinée. Se poser cette question, « que faire ? », c’est donc en tout premier lieu s’insérer dans une trajectoire.

On répond parfois à cette interrogation, par une pirouette qui se veut rassurante, que se poser la question « que faire ? » c’est déjà « faire ». Mais cette pirouette reconduit en réalité la même idée, se poser la question « que faire ? » c’est déjà pensé « qu’il faut faire ». Et à celle-ci je réponds donc : rien. Ou en tout cas rien d’autre que du texte dans un premier temps. Aux mots qui constituent la puissance d’agir et nous entrainent dans sa course, j’en opposerai d’autres. Comme écrit Butler « Nous faisons des choses avec le langage […], mais le langage est aussi la chose que nous faisons ».
 

Personne n’échappe à la morale…

 
Par son statut de chef-d’œuvre, ne serait-ce que de choisir par quel bout prendre Il était une fois en Amérique, nécessiterait de la délicatesse. Alors, imaginez lorsqu’on s’apprête à le prendre par celui qui crée tant de polémiques dans les milieux esthétiques : par son bout misogyne. Si, parfois, on peut imaginer que les lectures féministes nous sont acquises, qu’elles vont désormais de soi, le réel nous rappelle à lui. Si on exclut les constantes révélations concernant des personnalités du milieu du cinéma et le retour de bâton généralisé dont nous sommes témoins aujourd’hui, notamment après l’investiture de Donald Trump, le dernier triste exemple en date nous vient de la Cinémathèque française et de sa tentative de projection du Dernier Tango à Paris. Les réactions disproportionnées de la direction face aux demandes légitimes d’une partie de la société civile, non de déprogrammer l’œuvre, mais de l’accompagner convenablement avec des intervenant·es qualifié·es, se découvriront dans les jours suivants comme les symptômes d’une structure institutionnelle moribonde, s’arcboutant sur son idéologie conservatrice. Les déclarations de Frédéric Bonnaud à Libération parlent d’elles-mêmes :

« Le personnel, quand il arrive, est prévenu de ses missions, et s’il veut transformer la Cinémathèque française en un endroit de débats sociétaux, ça ne va pas être possible. En tout cas, ça ne passera pas par moi. Parce que pour l’instant, c’est cette question-là qui est en vogue [les violences sexuelles], mais vous pensez bien que demain, ce sera une autre. »

Jean-François Roger préfère invoquer, à la place d’une accusation d’un effet de mode, des enjeux économiques (depuis désavoués par le bilan financier de la Cinémathèque française) :

« On peut imaginer tout à coup que la société rentre à la Cinémathèque, mais je pense que ça aurait un effet très néfaste sur la fréquentation. Les gens ne viennent pas à la Cinémathèque pour ça, ils sont assez indifférents à ces problèmes-là. »

Le procès en anachronisme semble donc vite arriver : « C’est une autre époque » pour dénoncer ceux et celles qui voudraient plaquer des questions, soi-disant passagères et légères, sur du patrimoine mondial qui se doit d’être conservé dans une certaine idée de l’éternité. Pour ne pas dire figé sous sa monumentalité. Ce que l’on pourrait, éventuellement, concéder aux têtes pensantes de la Cinémathèque française, en interprétant avec grande générosité, et un peu de malice, cette mention « en vogue », c’est que l’émergence des questions féministes dans le champ cinématographique peut « sembler » nouvelle. En tout cas pour cell·e·ux qui ne s’y présentaient pas comme sensibles il y a encore quelques années. « Semble », car elles n’ont point émergé récemment, c’est plutôt qu’elles occupent enfin une place, au prix de nombreux combats, leur permettant de se développer avec plus de largesse, au point d’atteindre et déranger, avec efficacité, les sphères des esthètes.

Blasphématoire au cinéma seraient celles et ceux qui confondent saisie esthétique et féministe de l’art. C’est-à-dire celles et ceux qui, se laissant posséder par leurs affects moraux, décideraient de la qualité d’un film au nom de ses valeurs féministe. Du moins, à en croire la cinémathèque. Mais la critique a toujours été affaire de morale, depuis au moins de De l’abjection de Jacques Rivette. Et c’est ainsi que je me débarrasse de cette question, car qui de plus moralisateur que celui qui s’ignore. Nous vivons les films avec nos corps et si des affects féministes y ont pris leurs aises au point où ceux-ci ouvrent en nous des espaces critiques et sensoriels, les repousser sous prétexte qu’ils sont moraux, politiques ou nouveaux est au minimum ridicule. Nous ne faisons pas abstraction de nos émotions devant un film, peu importe leurs lieux d’émergence, pourquoi donc le faire quand celles-ci touchent aux représentations des femmes, de la sexualité et du patriarcat ? Reste toutefois à déterminer que faire avec ces émotions.
 

…ni de là où l’on parle

 
Mais avant tout, remettons l’église au milieu du village, la réflexion que je m’apprête à développer, je ne pourrais, en toute honnêteté, pas l’avoir eue sans le travail des théoricien·nes et activistes féministes bien entendu, mais également si, assis·es à côté de moi dans la salle, ne se trouvaient pas quatre jeunes hommes hilares et m·a·on conjoint·e, victime de plusieurs agressions sexuelles. Je le disais, le contexte joue dans toute cette histoire. En tant qu’homme, n’ayant pas connu dans ma chair de violences misogynes, sexistes, physiques ou sexuelles, la vue d’une scène de viol ne me procure au mieux qu’un dégoût poli. Une prise de recul bienvenue face à une scène que je peux désapprouver, voir que je considère ratée, mais qui, une fois terminée, l’esprit peut être embué, me laissera continuer le film.

Un personnage féminin de Il était une fois en Amérique de Sergio Leone

J’ai pu, compte tenu de la structure sociale à laquelle mon corps appartient, m’octroyer cette supériorité morale de soupeser le pour et le contre d’un objet, ici, Il était une fois en Amérique. Peut-être d’en regretter les aspects les plus misogynes tout en saluant ses immanquables prouesses esthétiques. Mais là n’est-ce pas la limite du privilège ? Lorsque celui-ci empêche d’accéder aux éventuelles dimensions abjectes d’une œuvre ? Après qu’une femme violée finisse par apprécier son agression, je réponds : « c’est vrai que c’est dégueulasse », me drapant dans ma supériorité mondaine d’homme déconstruit ; d’enchainer avec « je suis d’accord avec toi, mais tout de même tout n’est pas à jeter » ; je pourrais même répondre « tu es un peu dur·e », dans une recherche de subtilité. Je retourne alors ma première formule. En réalité, mon alignement personnel avec l’objet, ici, le patriarcat peut m’empêcher de pleinement apprécier le film, ici, Il était une fois en Amérique, dans toutes ses composantes.

Cette proximité n’est-elle pas à la mesure de notre morale ? La blessure qui m’est infligée et à laquelle mes voisins de siège, compte tenu de leur rire, ont, semble-t-il, échappé, est bien affaire de distance morale. C’est cette dernière qui a également façonné mon appréciation du film, tout comme elle détermine notre faculté à isoler l’esthétique des autres interrogations, qu’elles soient « en vogue », ou non. Toutefois si ceux et celles qui s’arrêtent à la barrière de la blessure misogyne ne sont pas à rejeter, chacun·e est libre de détester un film pour les raisons qui lui incombent, ces affects peuvent être intégrés et dépassés. Pour celui ou celle qui, une nouvelle fois, en a peut-être le privilège.
Tout comme il serait difficile de soutenir qu’une saisie féministe du cinéma vaut jugement esthétique, c’est-à-dire qu’un film est meilleur parce que féministe (compte tenu, en tout premier lieu de la difficulté à définir une telle proposition) nous devons en assumer le revers. Un film misogyne n’est pas immédiatement meilleur ou moins bon parce que misogyne. Car cette proposition, qui peut être soutenue dans une perspective militante, s’accorde mal à la réalité de nos affects qui, à l’occasion, accepte de passer au-dessus de nos valeurs pour le plaisir cinématographique. Cependant, la misogynie peut devenir pauvreté esthétique lorsqu’elle ampute le film et le limite. Reste donc à savoir où tracer cette limite.
 

Il était une fois…

 
Lorsque Leone absente les femmes de ses films où l’on s’occupe avant tout des affaires « réservées » aux hommes, où l’on se flingue, rit gras et se tape fort sur les cuisses, il est plus aisé de faire abstraction de son sexisme. Tout simplement, car nous n’y sommes pas confrontés ou du moins d’une façon autre. La scène d’introduction d’Il était une fois la révolution traite tout aussi pauvrement les questions d’abus sexuels qu’Il était une fois en Amérique. Mais elle est la seule scène du film de cette teneur et s’inscrit dans un geste introductif de subversion par déchaînement de violences et de vulgarités. Rappelons à ce titre que cette ouverture se constitue consécutivement d’une citation de Mao appelant à la lutte armée et d’un plan sur de la pisse (pour utiliser le terme qui sied le plus à l’effet souhaité) souillant un arbre puis le sable. Si la scène qui s’en suit, dans laquelle Juan (Rod Steiger) prend d’assaut une diligence, est moralement déviante, la misogynie aidant, elle s’inscrit dans une recherche de jusqu’auboutisme. Celle-ci se poursuivra d’ailleurs tout au long du film, notamment lorsque Leone convoquera l’imaginaire nazi pour dépeindre l’armée contre-révolutionnaire mexicaine. L’affaire est plus délicate, lorsque se trouve au cœur d’Il était une fois en Amérique, la romance tragique entre Noodles et Déborah. Dans ce cas, la façon dont Leone appréhende les relations hommes/femmes et sa vision, ou son absence de vision, du patriarcat peut faire obstacle à la réussite esthétique du film. Cependant les œuvres sont souvent farouches et à première vue, si l’on reprend comme pour Il était une fois la révolution, la scène d’introduction, ce n’est peut-être pas si clair.

God Bless America résonne sur le noir qui suit le générique introductif. Une femme anonyme, que l’on apprendra plus tard être Eve (Darlanne Fluegel), la compagne de Noodles, fait entrer un filet de lumière à travers l’entrebâillement d’une porte. Elle s’aventure dans l’obscurité épaisse. Les lumières ne fonctionnent pas. Elle s’approche de la lampe de chevet et tourne l’ampoule qui a été dévissée. Le lit ainsi éclairé découvre de petites traces rondes de brûlures formant en pointillé la silhouette d’un corps. Un groupe de gangster armé les attend, elle ou Noodles, qu’ils recherchent. Elle ne sait pas où ce dernier se trouve. Eve est frappée puis tuée d’une balle avant de s’effondrer sur le lit. Nous voilà prévenu·es, les femmes qui entrent ici le font pour mourir, victimes des hommes et de l’Amérique, qui pourrait se résumer à un guet-apens de brute. Un moment suspendu, paradoxalement calme, d’une lucidité déconcertante quant au reste du film.

Moe, un ancien associé de Noodles, finira par le dénoncer sous la torture. Il est dans une fumerie d’opium, ne supportant pas d’avoir vu ses amis mourir après qu’il les ait livrés à la police. Le groupe de malfrat entre dans la fumerie et violente les clients à la recherche de Noodles. Ils réveillent les endormis, retirent leurs chapeaux à ceux qui ne veulent pas être reconnus, dont un homme aux bras d’une femme. Dans une vue presque subjective, le gangster, avec son arme judicieusement placée au niveau de son entrejambe, dénude celle que l’on suppose être une travailleuse du sexe. Il découvre son sein et frotte, avec un érotisme pervers, son téton du bout de son canon. Leone est explicite, puissance érectile, arme à feu, violence et objectivation du corps des femmes forment une ligne qui part du public. Une itération parfaite du « male gaze », telle que défini par Laura Mulvey, un regard d’homme pensé pour le spectateur masculin. Ces quelques secondes, qui tirent trop en longueur pour ne pas se faire remarquer au milieu d’une traque jusqu’ici exaltante, dérangent par leur gratuité scénaristique qui éclaire au choix : une nécessité symbolique ou une pulsion du réalisateur. Si, coup sur coup, ces deux actes de violence, directement dirigés vers les femmes, car femmes, peuvent déjà heurter notre sensibilité, le doute est permis et la rationalisation peut encore nous faire passer au travers. Outre la propension de Leone à vouloir choquer, nous sommes dans un monde de salauds où l’on agit en salauds. La violence rugueuse et déplaisante s’inscrit jusqu’ici dans une reconstitution, bourrine certes, mais vraisemblable de la misogynie du milieu que le film dépeint. Si on peut déjà se questionner sur la pertinence de telles séquences, et de tels plans, il est indéniable que leur efficacité affective nous a déjà imprégné dans sa volonté de nous confronter à des actes immoraux, sans immédiatement les juger.

Malgré tout, il est impossible d’ignorer qu’ici Leone fait appel à toute la grammaire masculiniste du cinéma, et domine avec sa caméra les corps féminins. Il se place en continuité du système symbolique patriarcal sans le subvertir. L’agression sexuelle de la fumerie est érotisée par le morcèlement du sein, le cadre serré et la présence de l’arme en tant que substitut à la verge. Leone s’aligne esthétiquement avec l’acte représenté et suscite le malaise par une recherche d’excitation sexuelle chez le spectateur masculin. Justifier ce plan, comme je l’ai fait pour la mort de Eve, pose en réalité déjà une question importante. Pouvoir passer à travers l’image, pour atteindre le film et aller au-delà du malaise, le recontextualiser en dehors de ses faits, à quel point est-ce réellement voir le plan ? Quelle approche doit-on avoir ? Faut-il dépasser sa puissance misogyne ? L’occulter ? Ou encore, la considérer, mais ne pas y fondre la totalité signifiante du film ? Ne pas y voir un éventuel imaginaire politique du réalisateur ?

On touche ici une des problématiques profondes de la théorie féministe du cinéma à savoir : est-ce que l’image en elle-même, par elle-même, indépendamment de l’œuvre dans laquelle elle s’inscrit, constitue un acte misogyne ? C’est en tout cas la théorie de Nina Menkes, exposée dans son film, tirée de ses conférences, Brainwashed. Elle part du postulat que les plans, peu importe leurs origines, ont des effets performatifs sur la société. Menkes soulève de nombreux points intéressants, notamment sur la façon dont des enjeux esthétiques facilitent les agressions sexuelles dans le milieu du cinéma. Cependant, elle ne questionne jamais réellement son hypothèse de départ. Toutefois, si l’on suit cette logique, et pour tirer à gros trait, un film comme The Substance serait un monument de misogynie en raison de la manière avec laquelle Coralie Fargeat filme Margaret Qualley. Je ne tiens pas ici à tirer de parallèles entre The Substance et le film de Leone, nous recevons dans les deux cas les images de façon différente. Toutefois, cette comparaison met en évidence qu’un, ou plusieurs, plans bâtis sur une esthétique misogyne ne peuvent définir les qualités esthétiques ou politiques totales d’une œuvre. Reste que ces images nous heurtent, nous touchent dans notre corps et influencent la façon dont nous recevons un long-métrage dans un sens ou un autre. Nous regardons avec nos corps, on fait avec ce qu’on a, avec ce qu’on peut. Nous ne pouvons donc ni nous contenter de ce constat ni oublier les images qui nous heurtent. Il faut aller plus loin.

Dans le cas précis d’Il était une fois en Amérique, ce ne sont pas tant les scènes de viols, et de violences répétées, qui ont parfois rendu hilares mes congénères, qui posent problème. « Les mauvaises scènes de viol on y est habitué·ées » m’a dit mon.a conjoint.e. Si cette accoutumance peut être questionnée, ce que cette phrase exprime avant tout, c’est bien que l’on peut passer par-dessus, un plan, une scène, constituant une représentation misogyne manifeste. À ce jour, c’est donc bien, par-delà les images, le traitement global des personnages féminins qui, finissant par faire système sémantique, dérange et blesse au point où l’on peut ressentir le besoin de quitter la salle. Il ne faut donc pas s’arrêter à la facture des plans et s’intéresser à comment le film construit, par son esthétique, un rapport homme/femme.
 

Systémique donc, encore et toujours

 
Revenons au film, Noodles réussira in extrémis à s’enfuir de la fumerie, aidé par un de ses employés. Démarre alors un exil de 35 ans au bout duquel il retournera à New York chez son ancien ami Moe. Ce dernier l’accueille dans la taverne de ses parents, qu’il a reprise, dans le quartier où ils ont tous les deux grandi. En pleine nuit, Noodles se réveille et s’engouffre à pas feutrés dans les toilettes du rez-de-chaussée comme pour y découvrir une cachette abandonnée. Il monte sur la cuvette et ouvre une trappe dans le bois qui donne sur l’arrière-boutique. Par une coupe, nous pénétrons le regard de Noodles enfant (Scott Tiler), qui épie la sœur de Moe : Déborah (Jennifer Connelly). Elle s’entraine à la danse classique dans son justaucorps et se rend rapidement compte qu’elle est secrètement observée. Elle continue à danser. De temps en temps elle braque son regard sur l’espace dans le mur, Noodles se cache. Son entraînement est écourté par son frère qui lui demande de venir l’aider. Une fois Moe sorti, elle se rapproche du mur et se met à se dénuder, dos à Noodles qui la regarde, et nous aussi, baisser ses vêtements jusqu’à faire apparaitre ses fesses. Un pur fantasme dans lequel la femme, ici jeune adolescente, s’expose alors qu’elle sait être regardée. Déborah non seulement approuve, mais récompense la perversité de Noodles, et celle de Leone, en consommant leurs désirs. C’est à ce moment qu’un client entre dans les toilettes, Noodles surpris, ne voulant pas se faire attraper en plein voyeurisme, lui tombe dessus et s’enfuit. Leone reconduit une de ses figures favorites, celle d’accoler les excréments et la sexualité. Charriant l’idée que le sexe vient d’un lieu sale, rappelant ce que l’on cherche activement à oublier, que l’appareil de l’un est aussi celui de l’autre.

Cette scène lie avec autant de maestrias, le passé et le présent, qu’il nous fait pénétrer l’univers idéologique de petit garçon du réalisateur. Il met tout son talent de mise en scène, particulièrement de cadrage et de rythme, au profit d’un exemple chimiquement pur de pulsion scopique et d’objectivation. Avec cette séquence commence à poindre un système symbolique de la femme comme objet total de l’homme. Il serait possible d’argumenter que nous avons pénétré les souvenirs de Noodles et que nous voyons cette scène de son point de vue, la caméra épousant la façon dont il interprète le réel. Une lecture appuyée par les théories consistant à dire qu’une bonne partie du film ne serait que le rêve malade de Noodles, endeuillé, englouti par le regret et l’opium. Toutefois, la mise en scène n’offrira jamais de dehors à cette lecture et in fine cela change-t-il quelque chose quant à son rapport à la misogynie ? À tout prendre, accepter cet argument ferait d’Il était une fois en Amérique un bien mauvais film.

Mais le meilleur exemple pour percevoir la façon dont Leone traite les femmes dans son film est le personnage de Peggy (Amy Rider & Julie Cohen), dont le nom pourrait évoquer le sobriquet dégradant de « piggy ». Voisine de Noodles et ses camarades, elle se prostitue très jeune et intégrera plus tard la maison close de la bande. C’est également avec elle que les garçons expérimentent pour la première fois la sexualité. Assez tôt dans le film, Noodles, enfant, se cache dans les toilettes sur le palier pour lire. Il entend arriver au loin Peggy. Il déverrouille la porte, se défroque et attend qu’elle entre. Il la surprend et lui montre son sexe, toujours assis sur les toilettes. Elle souffle, rentre dans la pièce et lui répond qu’elle en a vu de plus gros. Il lui répond qu’il aimerait bien voir lui aussi ce qu’elle a sous sa robe. Elle la remonte pour le lui montrer. Les fantasmes de petit garçon continuent. Il saute des toilettes et commence à la toucher, les deux gémissent dans un rapport où le consentement est laissé volontairement flottant. Peggy force Noodles à s’arrêter et lui dit qu’elle ne fait pas ça à l’œil. En échange elle exige une pâtisserie. Il lui promet de lui en ramener une demain tout en cherchant à coucher avec elle maintenant. Elle le repousse et s’assoit sur la toilette. De nouveau la sexualité s’associe à la fécalité, l’un empêchant l’autre.

Nous retrouverons Peggy un peu plus tard dans deux autres scènes. La première est celle où un des camarades de Noodles amène une pâtisserie à Peggy dans l’espoir de l’échanger contre une relation sexuelle. Il sonne chez elle, sa mère ouvre, il doit attendre avant de la voir, car elle prend son bain. Il s’assoit dans l’escalier. Dans une douceur et une candeur incomparable au reste du film il ne pourra se retenir de goûter au gâteau, d’abord discrètement puis finira par l’avaler en entier. Une très belle scène lors de laquelle Leone rend compte, et prend le temps, sans aucun mot, de montrer par la gourmandise de l’enfant son rapport absurde et anachronique à la sexualité. Sans violence, Leone décrit ici avec beaucoup plus de complexité et de subtilité les sous bassement matériels de la masculinité en traduisant la recherche de reconnaissance virile, poussée par une pression des pairs, comme une opposition à la juvénilité.

La deuxième scène pertinente à mon propos est celle dans laquelle Noodles, accompagné de Max (Rusty Jacobs), suit, puis surprend, un policier ayant une relation sexuelle rémunérée avec elle. Max et Noodles veulent le forcer à les aider à prendre le contrôle de la contrebande dans le quartier. En sus, ils exigent également qu’il paye Peggy pour qu’elle couche avec eux deux. Leur premier coup d’éclat en tant que petite frappe montante du crime organisé, associe voyeurisme, violence et prostitution.

Une séquence dans la bar dans Il était une fois en Amérique de Sergio Leone.

Il devient clair maintenant que contrairement à Il était une fois la révolution, dans lequel la scène d’introduction reste à l’état de symptôme, dans Il était une fois en Amérique, la misogynie se constitue comme système symbolique et esthétique. Les viols, meurtres, agressions physiques ou psychologiques, présents à l’écran (en plus des scènes décrites plus haut) s’articulent aux représentations des femmes et de leur psychologie. Elles sont et n’agissent jamais autrement que comme des subordonnés à la destinée des hommes. En tant qu’objets de désirs et réceptacles de violence certes, mais aussi comme marchepieds scénaristiques et psychologiques. Peggy n’est rien d’autre qu’une travailleuse du sexe qui se met, avec plaisir, au service de l’assouvissement des pulsions « incontrôlables » des protagonistes masculins. Déborah quant à elle n’existe dans le film que par rapport à Noodles. Elle n’a aucune capacité d’émancipation et même après 35 ans sans contacts, sans avoir véritablement vécu une vie de couple avec lui et après qu’il l’ait agressé, continue de l’aimer. Même sa réussite professionnelle et sociale semble construite de façon à spécifiquement faire souffrir le personnage central masculin.

Toutefois, il serait encore possible de dire que Leone esquisse volontairement un univers où les femmes sont constamment empêchées par les hommes et doivent négocier avec des techniques de survie. Mon argumentaire serait ainsi retourné. Seulement, au-delà même de toute véracité d’une telle interprétation, et des moyens de la prouver, celle-ci suppose que l’acte misogyne devient acceptable, politiquement et esthétiquement, lorsque celui-ci vaut en réalité critique. Nous retombons donc sur les pieds de notre morale. La misogynie, toute-puissante à l’écran qu’elle soit, se justifie par ce qu’elle dénonce ? Une proposition qui rejette également celle qui consiste à dire que les images en elles-mêmes constituent un acte misogyne. Peu importe la matière de la scène si celle-ci, in-fine, fait partie d’une dénonciation, elle en devient acceptable. Cet argument sort l’analyse du film pour l’articuler à des considérations qui lui sont extérieures : est-ce qu’il participe à, ou peut être engagé dans, un projet militant de dénonciation des actes misogynes ?

J’aimerais, au contraire, rester à l’intérieur du film pour montrer que le sexisme de Leone n’est pas seulement le fait de quelques actes ponctuels, mais qu’il est la grille de lecture principale du monde sensible qu’il dépeint. La misogynie ne peut, dans ce cas, pas se balayer en convoquant l’époque, les mœurs, l’idée qu’une scène aurait « vieilli », ou même l’éventuelle critique qu’elle porterait, ce serait passer à côté du lieu où le film cherche sa puissance.
 

Un film puissamment misogyne

 
Nous avons donc vu que la multiplication des viols, des agressions physiques et verbales et l’absence de relations charnelles, résultat de l’amour entre deux êtres, additionnés aux références des excréments, ainsi que les nombreux symboles phalliques dans le film, forment une continuité parfaite. Citons encore à ce propos la scène lors de laquelle Noodles et ses camarades brûlent un kiosque à journaux à l’aide de pulvérisateurs d’essences, filmés comme s’ils l’enflammaient en urinant dessus. Ces rimes grivoises peuvent se comprendre comme une poussée vitaliste, faisant droit à la dimension fécale de l’existence tout en désanoblissant constamment le rise and fall de gangster, typique du cinéma américain. L’Amérique apparait sous ce jour comme une terre violée sur laquelle rien de sain ne semble pouvoir y naitre ou y survivre et où l’acte procréateur est perverti. Une idée forte qui sera d’ailleurs consommée lorsque Max, le cerveau et le plus violent de la bande, après s’être fait passer pour mort renaitra sous la forme d’un politicien véreux.

Une réincarnation qui offrira sans doute le plus beau duel du cinéma de Leone. Cannibalisé par les remords d’avoir volé l’argent de la bande, Max a anonymement convoqué Noodles pour qu’il le tue et assouvisse sa vengeance. Deux hommes qui se sont aimés éperdument se retrouvent sous l’orchestration d’un assassinat. Cette scène est également la pièce maîtresse pour comprendre toute la portée de la misogynie qui s’exprime dans Il était une fois en Amérique. Car ce qu’elle montre avant tout, c’est bien un monde où seul l’homme et son amour pour les autres hommes compte. Car en réalité le cœur du film est moins la romance entre Noodles et Déborah, que le triangle qu’iels forment avec Max, qui se doublera d’ailleurs plus tard avec un autre triangle, formé cette fois entre Noodles, Max et sa compagne Carole.

Les deux hommes se rencontrent jeunes et montent les échelons de la pègre jusqu’à ce que Noodles se fasse mettre en prison pour dix ans. L’occasion d’une ellipse qui marque le passage de l’adolescent à l’adulte. Max attend Noodles, seul, devant la prison, même jour, même heure, d’autres pommes. Il est venu en corbillard, véhicule de façade pour sa contrebande d’alcool. Un symbole de la résurrection de Noodles tout autant que l’augure d’un destin funeste. La vie et la mort chez les gangsters marchent main dans la main. Mais plus important encore, dans le coffre de ce corbillard se cache une travailleuse du sexe, déjà nue, payée par Max pour Noodles. Un passage obligé de la sortie de prison et écho à la scène précédente avec Peggy. La relation entre Max et Noodles apparait ici constituée autour de l’impossibilité de s’abandonner à leurs pulsions de vie. Remplir cet espace qui les sépare signifierait la mort de leurs propres identités construites sur le désir inavouable qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. La masculinité apparait alors, par ses gestes, comme le relai d’une puissance homoérotique qui ne peut se déverser que sur un corps autre : la femme. Chez le masculiniste aussi, vie et mort marchent main dans la main.
On retrouve donc ici ce qui était déjà au travail dans Il était une fois la révolution. Dans ce dernier, une femme sans nom (Vivienne Chandler) sert d’objet transactionnel de l’amour charnel entre John (James Coburn) et son meilleur ami Sean (David Warbeck). Tout au long du film, nous voyons des flashbacks dans lesquels les deux hommes, sur l’air de Giu la testa de Morricone, embrassent à tour de rôle Vivienne Chandler, comme un intermédiaire à leurs pulsions érotiques.

Dans Il était une fois en Amérique, la concurrence pour l’attention de Noodles, entre Déborah et Max, démarre dès l’enfance. Lors d’une scène dans laquelle Déborah s’apprête à dévoiler ses sentiments à Noodles, Max les interrompt, demandant à son ami de le rejoindre dans la ruelle derrière la taverne. Au même moment, une bande rivale leur tombe dessus. Sur ce qui ressemble à un quiproquo, Déborah refuse de sauver Noodles considérant qu’il est incapable de rejeter son ambition criminelle pour elle. On retrouve bien évidemment là un cliché du personnage féminin castrateur. La frustration qu’engendre cette décision, Noodles décidera in fine de la transformer en violence sexuelle. D’ailleurs la séquence qui aboutira au viol de Deborah fait immédiatement suite à celle qui introduit Carole comme potentiel sommet d’un deuxième triangle relationnel. La première fois que la bande croise la route de cette jeune femme, c’est lors du braquage d’une bijouterie. Carole est informatrice et maîtresse de l’instigateur du vol. Pendant le braquage, Carole, pour ne pas être accusée de complicité, demande à Noodles de la frapper. Elle lui touche le visage, lui murmure à l’oreille « je vais bien, frappe-moi ». Noodles, dans un premier temps, refuse avant que Carole elle-même ne le frappe. Par vengeance, et encouragé par les autres membres du groupe à la frapper, il décide de la violer. Les protestations et les cris de souffrance de Carole se confondent rapidement en gémissements et recouvrent l’espace sonore de la scène, dans une représentation du viol qui confond activement la marque de désir et le consentement(2). Les diamants récoltés, Max viendra interrompre Noodles, prenant le temps de le regarder dans un plan qui appuie la tension sexuelle entre les deux hommes.

Plusieurs mois plus tard, dans la maison close que la bande possède, ils retrouveront Carole. Celle-ci a décidé, dans un retournement abject de connerie, de devenir prostituée suite au viol dont elle a été victime. Celui-ci l’ayant, on le comprend, libéré dans son rapport à la sexualité. Il serait également possible de voir, dans ce retournement, agir de nouveau la perversion des hommes et des Etats-Unis dans une évidente condamnation morale de la prostitution. Une scène ubuesque s’ensuit où chaque membre de la bande se défroque afin qu’elle puisse reconnaitre, en leur attrapant le sexe, celui qui l’a violé dans le but, on se le doute, qu’elle puisse coucher avec lui. Elle ne reconnaitra pas Noodles, mais Max, qui lui fera remarquer son erreur. Un plan à trois semble alors s’esquisser, la seule façon acceptable pour que les deux hommes puissent coucher ensemble. Noodles doit toutefois s’absenter pour rejoindre Déborah, ce sera le repas avant qu’il l’agresse. À partir de ce moment, Carole et Max entretiendront une relation amoureuse, ce qui ne sera pas du goût de Noodles qui ne peut considérer autrement Carole que comme une femme dégradée et dégradante pour son ami, compte tenu du fait qu’il l’ait lui-même agressé quelque temps plus tôt. Sans compter la charge symbolique portée par le fait que Max se met en relation avec la femme qu’il a vu se faire agresser par son ami. Carol est alors réduit à l’état d’objet transactionnel, défini seulement par ses articulations aux autres personnages masculins du film.
 

Et donc que faire ?

 
Il était une fois en Amérique doit être donc lu à l’aune de ce qu’il est, un film puissamment misogyne dans lequel les femmes sont avant tout des objets transactionnels. La plus humanisée sera sans aucun doute Carole qui souffre ouvertement à l’écran du rejet de Noodles et de la folie meurtrière dans laquelle sombre Max. Mais elle reste encore complètement assujettie aux personnages masculins en tant que conjointe ou réceptacle de la haine pour les femmes de Noodles.

Si du film peuvent émerger des lectures se tournant vers la critique de la masculinité, celles-ci restent articulées à des axiomes profondément sexistes. Ainsi, refuser au film le qualificatif de misogyne serait une erreur critique et d’analyse, car ce serait éclipser l’une de ses caractéristiques les plus fondamentales. C’est une œuvre qui puise dans la misogynie la puissance de ses effets esthétiques au point, parfois, comme lors de la scène de la pâtisserie, d’offrir des représentations originales de la masculinité. Toutefois, elles restent trop rares pour la simple raison, et cela peut sembler évident, que la question du sexisme, chez les malfrats ou non, ne peut être traitée en dehors d’une compréhension puissante du patriarcat et doit par conséquent travailler à subvertir les représentations que ce système de domination induit des femmes. En offrant jamais, ou de façon trop éparse, de dehors à la misogynie, le film de Leone semble, in fine, se prendre les pieds dans son propre tapis et trouve, par conséquent, son ambition inévitablement limitée.

Alors que faire ? Le plus important à dire est que cette question n’a pas une seule réponse. Mais dans le cas d’Il était une fois en Amérique, et d’autres, il est nécessaire de garder les films en mouvements, les revoir, les analyser, les critiquer, les oublier aussi peut-être. Car l’omniprésence du corps masculin dans le canon du cinéma a de quoi exaspérer parfois. Mais surtout, questionner avant tout non pas l’existence d’une œuvre, mais la monumentalité du chef d’œuvre qui voudrait empêcher de la penser.

 

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