Les Biches (1968), un grand film méconnu ; La Femme infidèle (1969), une réussite incontestable : La Décade prodigieuse (1971), un chef-d'œuvre raté mais instructif ; Folies bourgeoises (1976), une merde annoncée : quatre films de Claude Chabrol et autant de preuves que la prodigalité n'est jamais allée sans impasse ni errements. Le cinéaste a travaillé beaucoup en pariant pour le passage dialectique de la quantité à la qualité et le pari lui aura réussi, non seulement parce qu'il est un auteur qui en a consacré la politique au temps de la critique héroïque des Cahiers, mais aussi et surtout parce qu'il n'a jamais cessé d'être un moraliste, aussi sincère que généreux. Claude Chabrol est l'exemple même de l'honnête homme en ayant créé dans un monde de contraintes les conditions de sa liberté. Et la première concerne le matériau sur lequel il a exercé sa lucidité, cette bourgeoisie dont la séduction a envoûté toute la société, et dont les passages à l'acte sont des festins reposant sur le principe de l'exclusion des plus faibles. Ce qui n'inquiète pas est malhonnête, dit-on dans Les Godelureaux (1961). L'honnêteté chabrolienne tient dans une inquiétude persistante, la persévérance d'un inconfort jamais séparé de la joie à faire en donnant à penser, dans le réussi comme le raté.