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Jerzy Skolimowski

Faire du cinéma comme on saute le mur, comme on franchit des barrières, comme on transgresse les frontières : le funambule au-dessus des abîmes de la Pologne stalinienne puis de l'exil est un réfractaire électrique, un sorcier fébrile qui projette dans ses films les élans contraires et contrariés, l'indiscipline à l'épreuve répétée de l'immaturité, tous les cris d'une intraitable vitalité.

« Le cinéma selon Jerzy Skolimowski tient de l'étonnement, comme un tonnerre d'époumonement. Ses films sont souvent la conséquence d'un exil, artistique et politique. Il y a chez lui une propension avérée pour les espaces confinés, wagon allégorique de Haut les mains (1967), voiture fétichisée du Départ (1967), piscine publique de Deep End (1970), hôpital psychiatrique et ferme isolée de The Shout, appartement à rénover par les ouvriers émigrés de Travail au noir (1982), pensionnat de Thirty Door Key. Et le confinement des espaces débouche souvent sur des effets de fermentation et de saturation, par repli sur soi jusqu'à la folie ou par insubordination nihiliste, par excitation et énervement jusqu'à épuisement des désirs, par mise à l'écart et marginalisation jusqu'à la perte de soi, agitation entropique ou, au contraire, désœuvrement désiré. Comme si, chez Jerzy Skolimowski, l'isolement contraint ou assumé induisait par promiscuité le renforcement mutuel des solitudes, des incompréhensions et des confrontations. », Saad Chakali et Alexia Roux

Leon (Artur Steranko) dans la chambre d'Anna dans Quatre nuits avec Anna
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« Quatre nuits avec Anna » de Jerzy Skolimowski : L'enfance de l'homme

26 octobre 2022
Qui est donc Léon, personnage autiste, pour qui l'amour est fantasme trouble et dévotion délicate dans Quatre nuits avec Anna ? Un criminel ? Un innocent ? Un homme, rien moins que cela, qui se joint à la cohorte de tous les autres égarés de naissance, dont Jerzy Skolimowski filme le sort qui leur est réservé dans un monde où l'innocence sera toujours coupable.
Alan Bates crie sur la plage dans Le Cri du sorcier
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« Le Cri du sorcier » de Jerzy Skolimowski : Parasite, intouchable, bélier

13 octobre 2022
Le Cri du sorcier est un film biscornu, avec ses brisures et ses embardées, raccord avec les déhanchés caractérisant les films tournés en Angleterre par un exilé polonais. Les hypothèses levées par un récit indécidable sont des zébrures qui font fourcher l'interprétation, rappelée au désordre de ses délires. Miroitant et fêlé, Le Cri du sorcier est le récit d'une foi perdue comme un cri qui vient de l'intérieur, l'histoire d'un délirant, peut-être faussaire, dont la folie est un dedans coïncidant avec le dehors qui est chaos, au-delà du vrai et du faux. Le cinéma de Jerzy Skolimowski tient de l'étonnement en tant qu'il est un tonnerre d'époumonement.
L'âne regarde la caméra dans EO
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« EO » de Jerzy Skolimowski : Ulysse était un âne

10 octobre 2022
Loin d’être le récit stylisé d’une descente aux enfers au service du seul plaidoyer écologiste, l’épopée d’EO, l'âne de Jerzy Skolimowski, remotive la thématique de l’exil pour en faire le lieu fondamental de la rencontre, et rejoint donc ce que le cinéma peut nous offrir de plus riche : non pas la leçon de morale que nous serions en droit de recevoir, mais une expérience sensorielle qui nous éloigne de nous-même et de nos lieux d’ancrage pour nous contraindre, avec cet âne, à refondre notre rapport au monde. En faisant d’EO un véritable manifeste animiste construit autour de l’épopée animale de son âne, Skolimowski fait œuvre d’engagement sans verser dans le cynisme. Il ne tourne finalement pas le dos à l’humain, ne le pointe pas du doigt avec mépris non plus : il s’adresse sans cesse à lui dans la dynamique de rencontre qui anime le cœur même de son film.
Richard Dormer en pleine action sous la pluie dans 11 minutes
Rayon vert

« 11 minutes » de Jerzy Skolimowski : Ballet mécanique

26 juin 2022
11 minutes tient de l’exploit quasi-sportif en réussissant à tailler en 81 minutes chrono un cristal de situations hétérogènes tournoyant autour de la même unité de lieu (un quartier du centre de Varsovie) et de temps (les 11 premières minutes de la 17ème heure d’une journée). Le maître horloger jette toutefois sur son mécano néo-baroque un drôle de regard. La misanthropie est la tâche dans l’œil noir du démiurge, ce précurseur sombre des catastrophes annoncées dont le brio est le doigt qui, même s’il est d’honneur, s’y enfourne jusqu’au bras.
Vincent Gallo luttant pour sa survie dans la forêt dans Essential Killing
Interview

« Essential Killing » de Jerzy Skolimowski : La bannière détoilée

12 juin 2022
Naître au monde. Mais dénaître ? Jerzy Skolimowski en fixe le programme politico-existentiel dans Essential Killing, qui est autant un acte de soumission - quand un État sous couvert de lutter contre le terrorisme néantise l'homme en le faisant dénaître de son vivant -, qu'un acte d'insurrection - lorsque le paria s'efforce jusqu'au dernier sommeil à la sortie de son anéantissement. Le texte est suivi d'une interview du cinéaste exhumée du grenier du Rayon Vert.
Le Bateau Phare de Jerzy Skolimowski (1985)
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« Le Bateau phare » de Jerzy Skolimowski : L'exil du paria comme une île

18 mai 2019
Sous couvert du huis-clos maritime d'un Bateau Phare immobile, Jerzy Skolimowski fait affleurer les vies insulaires de ses personnages : des gangsters théâtraux et immatures au paria en exil tenant le cap de mystérieux principes.