Un quart de siècle après sa réalisation, alors que des médias financés par des milliardaires, catholiques intégristes, agitent le chiffon blanc du retour messianique d’un royalisme censé sauver la France de ses dérives démocratiques, revoir flambant neuf et sur grand écran L’Anglaise et le Duc offre la merveilleuse occasion de se redire une nouvelle fois qu’Eric Rohmer est l’un des plus importants artisans que le cinéma français ait jamais comptés et que son antépénultième film cultive l’intelligence et la sensibilité de nous convier à une disputatio intérieure, passionnante et passionnée, sur la puissance de dissensus qu’un événement aussi radical que la Révolution française peut encore susciter. Un point de vue situé et documenté, celui de Grace Elliott qui a vécu à Paris jusqu’en 1793, est l’occasion d’un conflit des facultés qui traverse en diagonale l’écran, entre une femme loyale à la royauté dont l’aventure révèle qu’elle est plus révolutionnaire qu’elle ne le croit, et nous qui la regardons en admirant sa fièvre et son enthousiasme, libres de critiquer ses positions. Original dans sa conception, exemplaire de la façon dont Eric Rohmer avait foi en l’expérimentation, L’Anglaise et le Duc est un grand film en trompe-l’œil, révolutionnaire en étant contre la Révolution – tout contre.
