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Jean Dujardin et Marie-Josée Croze près de la mer dans Un Balcon sur la mer
Esthétique

L’autre vertige : Hitchcock chez Nicole Garcia

Laurent Van Eynde
Les aspects hitchcockiens d'Un balcon sur la mer, que Nicole Garcia décrit comme un « thriller des sentiments », n’ont guère été approfondis alors qu'ils sont essentiels à la compréhension de l’enjeu de l’œuvre. Plus précisément, c’est bien Vertigo qui innerve le scénario et la composition de l’image où les moments référentiels sont nombreux et de natures très variées. Un balcon sur la mer ramène ainsi la verticalité structurante de Vertigo à l’horizontal, même et surtout lorsqu’une ascension semble être en jeu. C’est que l’univers filmique de Nicole Garcia, s’il se nourrit du tragique implacable de Vertigo, se refuse pourtant à prendre en charge la nécessité qui gouverne le film d’Hitchcock.

« Un balcon sur la mer » : Hitchcock chez Nicole Garcia (2010)

Un balcon sur la mer, le sixième long métrage de Nicole Garcia, sorti sur les écrans en 2010, est sans nul doute l’un des plus marquants de sa riche œuvre de réalisatrice et de scénariste. La critique a beaucoup évoqué – à juste titre, au demeurant – l’importance du retour à Oran pour une cinéaste qui y est née et qui, en tournant Un Balcon sur la mer, explore les complexités et les ambiguïtés du souvenir. Cependant, cette insistance sur les dimensions, sinon strictement autobiographiques, du moins intimes de l’œuvre a aussi repoussé à l’arrière-plan une approche plus formelle ou référentielle dont nous voudrions souligner la pertinence dans cet article.

Les aspects hitchcockiens d’un film que Nicole Garcia elle-même se plaît à décrire comme un « thriller des sentiments » n’ont guère été approfondis alors que, selon nous, ils sont essentiels à la compréhension de l’enjeu de l’œuvre. Plus précisément, c’est bien Vertigo qui innerve le scénario (co-écrit avec Jacques Fieschi) et la composition de l’image d’Un balcon sur la mer(1). Les moments référentiels sont nombreux et de natures très variées. Mais, empressons-nous de le préciser, il ne s’agit jamais de citations surlignées qui auraient pour but d’afficher une filiation, ni d’une construction de l’ensemble du film sur une homologie avec le chef-d’œuvre d’Hitchcock – comme Brian De Palma, notamment, l’a tenté dans Obsession (1976).

Pour comprendre comment la référence peut être opérante dans un film de Nicole Garcia, nous pouvons nous inspirer d’une remarque de Jacques Fieschi, formulée à l’occasion d’une « leçon de cinéma » de la réalisatrice à la Cinémathèque française(2). Fieschi a dit s’être inspiré de L’Aurore de Murnau (1927) pour écrire Le fils préféré (1994), qu’il avait déjà co-scénarisé avec sa réalisatrice. La référence se justifie par la scène dans laquelle Jean-Paul Mategna (Gérard Lanvin) est sur le point de laisser son père (Roberto Herlitzka) se noyer sous ses yeux, alors qu’il pourrait le secourir. Ce qu’il se décide à faire, en fin de compte – mais après qu’un échange de regards entre les deux hommes ait révélé leur conscience réciproque de la situation. Le fils n’a rien d’un assassin et l’on ne peut douter qu’il aime profondément son père. Et pourtant, à cet instant, tout a basculé. Fieschi conçoit ce moment comme une variation sur la scène de la barque dans L’Aurore où l’homme (George O’Brien) s’avance vers sa femme (Janet Gaynor) pour la tuer – ce dont il se révèle incapable. Se dessine ainsi une circulation de sens de L’Aurore au Fils préféré, pour le moins inattendue mais puissante : réfléchie dans la séquence d’anthologie de Murnau, la scène du Fils préféré apparaît alors pour ce qu’elle signifie entre le père et le fils : une tentative de meurtre inattendue qui transforme brutalement la relation entre deux êtres qui s’aiment intimement.

La référence travaille donc Le fils préféré en exploitant des décalages qui deviennent eux-mêmes signifiants – le fils ne commet pas une tentative de meurtre, il tarde plutôt à secourir le père, mais le moment d’arrêt a bien valu comme le désir d’une mort. La référence à Vertigo dans Un balcon sur la mer agit de la même manière : le décalage lui-même participe de la constitution du sens, ou plutôt du sens transformé. Quelles sont les références manifestes à Vertigo dans Un balcon sur la mer ? Nous les énumérons, sans distinction de niveaux, qu’elles apparaissent de prime abord anecdotiques ou touchant au foyer même de l’intrigue, mais en pointant à chaque fois l’espace du décalage.

Marie-Jeanne, le personnage féminin interprété par Marie-Josée Croze, est double. Dès son apparition sous le regard de Marc Palestro (Jean Dujardin), nous percevons une identité complexe que vient d’emblée trahir sa blondeur teinte, encore plus troublante s’agissant d’une actrice qui a le plus souvent été vue brune à l’écran. La blondeur trompe Marc Palestro, l’égare dans ses souvenirs. Il reconnaît dans cette jeune femme son amour d’enfance, la jeune Cathy, qui était blonde, alors que la femme qu’il retrouve était l’amie – brune – de Cathy, elle-même jadis amoureuse secrète du jeune Marc. Si l’on pense ici immanquablement à la blonde Madeleine qui, dans Vertigo, se révèle être la brune Judy, le déplacement n’en est que plus signifiant : il y a bien deux jeunes filles dans Un Balcon sur la mer, alors que, dans la manipulation qui est au principe de Vertigo, les deux femmes n’en font qu’une. Si le film d’Hitchcock va de la différence vers l’identité, parce qu’il y a eu manipulation, celui de Nicole Garcia va de l’identité vers la différence parce qu’il y a eu confusion du souvenir.

Qu’il s’agisse bien ici d’une évocation « décalée » de Madeleine/Judy ne fait guère de doute. Divers éléments plus ponctuels signalent directement cette charge référentielle. On pourra penser évidemment au tailleur strict que porte Marie-Jeanne lors de sa première apparition – avec toujours un décalage, bien sûr : le tailleur est cette fois noir, et non pas gris, et son échancrure est plus en accord avec les environs d’Aix-en-Provence qu’avec le climat quasi-océanique de San Francisco. En outre, plusieurs scènes entre Marc et Marie-Jeanne évoquent manifestement des séquences analogues entre Scottie et Madeleine dans Vertigo. Nous en retenons deux.

À proximité de Cassis, Marie-Jeanne se baigne dans une crique déserte. Nous la découvrons en plongée, depuis le point surélevé où Marc Palestro la regarde. Bientôt il descend à son tour vers la mer pour la rejoindre. Ils se font face et sont sur le point de céder à leur désir. La situation des personnages autant que les angles de cadrage peuvent faire penser à la séquence de Vertigo qui conclut celle des séquoias géants. Scottie et Madeleine se sont arrêtés sur une route au bord de l’Océan. Subitement, après avoir elle-même évoqué la possibilité qu’elle soit folle, Madeleine se précipite en contre-bas, parmi les rochers qui sont battus par les vagues. Scottie court pour la rejoindre. Il la prend dans ses bras et l’embrasse pour la première fois. La tension dramatique est évidemment beaucoup plus forte à cet instant dans Vertigo que dans la séquence ensoleillée d’Un balcon sur la mer. Et pourtant… la rime avec Vertigo ne nous rend-elle pas d’autant plus sensible l’intensité du désir entre Marc et Marie-Jeanne, au moment même où le baiser est encore évité ? Il ne s’agit pas ici d’une dédramatisation de Vertigo, mais plutôt de la révélation, par le jeu de la référence implicite, d’une force dramatique sous-jacente à une séquence en apparence plus banale. Le décalage, encore une fois, est en lui-même producteur de sens.

Au demeurant, Nicole Garcia et Jacques Fieschi jouent aussi sur l’ordre des scènes de référence. Si la scène du bord de l’Océan dans Vertigo faisait suite à celle des séquoias géants, c’est après celle de la crique qu’une situation d’Un balcon sur la mer rappelle une situation analogue à la scène des séquoias. Marc et Marie-Jeanne viennent d’avoir un accident, la nuit, sur une petite route au milieu d’un bois. Ils attendent du secours. Marie-Jeanne s’éloigne de quelques pas et, un bref moment, Marc la perd de vue. De la même manière, Scottie perd de vue Madeleine parmi les séquoias géants. L’inquiétude de Marc peut paraître excessive – sauf si on la rapporte à celle de Scottie. Pour celui-ci, Madeleine est perdue, quelque part dans l’espace et quelque part dans le temps. Elle vient de tenir des propos étranges qui situeraient sa naissance en un point du XIXe siècle, feignant de confondre sa propre identité avec celle d’une ancêtre suicidée, Carlotta Valdès. Rien de tel, bien sûr, dans Un balcon sur la mer. Et pourtant, c’est ici encore le trouble de l’identité qui est en jeu et qui perd les personnages dans cette obscure forêt. Marc appelle Marie-Jeanne « Cathy ». Si celle-ci ne répond pas tout de suite à l’appel de Marc – « je suis ici… » –, c’est parce qu’elle n’est pas celle qu’elle feint d’être. L’instant en suspens avant qu’elle réponde est celui d’un dédoublement, comme dans Vertigo.

Jean Dujardin embrasse Marie-Josée Croze dans Un Balcon sur la mer
© Les Productions du Trésor - Europacorp - France 3 Cinema - Pauline's Angel

La référence à Vertigo n’est pas seulement supportée par les personnages de Marie-Jeanne et de Marc. Le personnage de Sergio Bartoli (Toni Servillo), manipulateur qui, pour cacher des actes délictueux, fait jouer à Marie-Jeanne le rôle d’une acheteuse de biens immobiliers, évoque bien entendu Gavin Elster, lequel fait jouer à Madeleine le rôle de sa femme qu’il a lui-même assassinée. Et pourtant, le manipulateur et sa manipulation sont à nouveau décalés d’un film à l’autre. Si Elster apparaissait comme un démiurge puissant, piégeant Scottie avant de disparaître totalement du film, comme s’il ne pouvait être atteint par la découverte de son crime, Sergio Bartoli ne peut prétendre à la même envergure maléfique. Il faut d’ailleurs observer que son rôle se brouille d’emblée : lors de sa première apparition dans l’agence immobilière de Marc et de son beau-père (Michel Aumont), Nicole Garcia le cadre affalé sur une méridienne, dans une position inhabituelle qui apparaît exactement en miroir de celle que prend Scottie au début de Vertigo, dans l’appartement de Midge (Barbara Bel Geddes). Loin de la maîtrise de soi affichée par Elster, le manipulateur Sergio adopte plutôt l’attitude désinvolte d’un Scottie bientôt victime.

Bien sûr, le rôle de Sergio dans le rapport triangulaire avec Marc et Marie-Jeanne est identique à celui d’Elster dans la relation triangulaire avec Judy/Madeleine et Scottie. Sergio est lui aussi l’amant de celle à laquelle il fait jouer un rôle, et il sera démasqué en fin de compte parce qu’une histoire d’amour se noue entre les deux autres personnages. La structure relationnelle est la même et Vertigo sous-tend ici plus que jamais Un balcon sur la mer. Mais le manipulateur n’a manifestement pas la même emprise sur la manipulée que chez Hitchcock. Elle lui échappe au beau milieu de son entreprise, faisant échouer une nouvelle transaction délictueuse, et c’est Marc lui-même qui le démasque. C’est alors sous nos yeux que le manipulateur est confondu et avoue ses intrigues – là où Elster avait, lui, déjà disparu dans le hors-champ de l’histoire lorsque Scottie comprenait enfin qu’il avait été sa victime.

Enfin, notons que les espaces de l’action, tout particulièrement dans les flash-backs à Oran, participent d’une « scénographie » qui évoque elle aussi Vertigo. Comment ne pas percevoir l’escalier où se ruent les enfants et la terrasse où se cachent le jeune Marc et la jeune Cathy, comme des reprises et variations sur l’escalier et le sommet de la tour de San Juan Bautista où se noue et se dénoue le drame hitchcockien ? Dans l’avant-dernière séquence d’Un balcon sur la mer, Marc revient à Oran et monte à nouveau jusqu’à cette terrasse. Il y est seul et fond en larmes. C’est que Cathy est déjà morte, alors que Scottie y revenait avec Judy/Madeleine, pour un dénouement tragique. Parce qu’il y a deux femmes dans le film de Nicole Garcia, Marc peut pleurer la première (Cathy) avant de retrouver la seconde (Marie-Jeanne) – raison pour laquelle la séquence sur la terrasse n'est que l’avant-dernière, au contraire du retour à San Juan Bautista.

Qu’il s’agisse de la manipulation, du trouble de l’identité du personnage féminin, du sentiment confus de reconnaissance d’un corps, Vertigo et Un balcon sur la mer partagent les motifs d’un même imaginaire fictionnel. Mais c’est la mise en scène elle-même qui nous indique ce qui sous-tend les décalages que nous avons observés. Vertigo est évidemment construit sur le schème visuel de la verticalité. On sait l’importance de ces images de chutes et d’ascensions, la présence obsédante d’escaliers et de diverses tours dans le champ (clocher de San Juan Bautista, tour Coit à proximité de l’appartement de Scottie, etc.), ou encore la récurrence des cadrages en contre-plongée sur le corps élancé de James Stewart. La verticalité est à la fois ce qui menace d’engloutir les corps et ce que l’on prétend dominer. Ainsi, Scottie défie son propre vertige : il monte les marches d’un escabeau de cuisine en proclamant « I look up, I look down », comme s’il prenait possession de l’espace dans sa lente ascension – jusqu’à ce que son vertige l’aspire à nouveau, mettant à bas ses prétentions.

Nicole Garcia choisit une mise en scène parfaitement opposée : l’horizontalité tend à y effacer la verticalité, à l’élider, voire la briser. Avant tout, elle filme à hauteur d’homme. Il ne nous semble pas qu’un plan use d’une contre-plongée sur le corps de Jean Dujardin. La réalisatrice accentue d’ailleurs ainsi le contraste entre ce corps-là et celui de James Stewart. Là où le corps de Dujardin se dresse tout en restant massif, campé sur le sol, éminemment matériel, celui de Stewart, y compris dans sa maladresse, dans l’embarras de ses longues jambes, nous apparaît presque aérien et fragile. Par ailleurs, dans Un balcon sur la mer, les cadrages du décor, urbain comme naturel, privilégie là aussi l’horizontalité. Il suffit de penser à l’omniprésence de cette mer étale, cadrée dès les premiers plans du film et sur lesquels on reviendra à plusieurs reprises, prise depuis la côte algérienne, à Oran, ou depuis la côte française, notamment à proximité de Cassis. On se souviendra aussi des plans inauguraux d’Oran : les rues de la ville où se noue l’action sont parfaitement plates. Il n’est sans doute pas nécessaire d’insister ici sur le contraste évident, appuyé, avec les rues pentues du San Francisco de Vertigo. Ce n’est qu’à la toute fin d’Un balcon sur la mer, lorsque Marc retourne à Oran, que nous suivrons le héros dans les hauteurs de la ville, puis qui emprunte brièvement des ruelles en escalier, etc. Surtout, les éléments de mise en espace qui évoquent en même temps Vertigo sont eux-mêmes filmés en effaçant la verticalité pourtant impliquée. L’escalier qu’empruntent les enfants pour accéder à la terrasse est filmé en une succession de plans discontinus qui atténuent l’impression d’ascension, et il arrive même que les enfants s’arrêtent et s’asseyent sur les marches. Quant à la terrasse, elle apparaît comme un espace ample, si ample que son horizontalité prévaut sur sa position de surplomb. Le sommet de la tour de San Juan Bautista a été ici évasé. Même au terme d’une ascension, c’est encore l’horizontalité qui prévaut.

Un balcon sur la mer ramène Vertigo à l’horizontal, même et surtout lorsqu’une ascension semble être en jeu. C’est que l’univers filmique de Nicole Garcia, s’il se nourrit du tragique implacable de Vertigo, se refuse pourtant à prendre en charge la nécessité qui gouverne le film d’Hitchcock. Nécessité, en effet, car toute l’intrigue est dominée par la puissance et la liberté qui veulent s’imposer au réel. Elster n’est démiurge que pour cette raison. Scottie a au fond les mêmes prétentions, qui le rendent presqu’aussi manipulateur qu’Elster quand il s’efforce de refaçonner Judy à l’image de Madeleine. Il n’y a pas de hasard dans Vertigo, il y a une volonté de créer et de manipuler le regard. Le seul « accident » que l’on pourrait y déceler est la rencontre apparemment fortuite entre un Scottie errant et une Judy revenue à une vie plus banale. Mais cette rencontre a lieu devant le fleuriste où, jadis, Scottie avait suivi puis observé Madeleine à la dérobée. Rien de neuf, rien de contingent, mais la répétition du même et la concurrence entre les prétentions à la création/manipulation, celles de Scottie après celles d’Elster.

La verticalité structurante de Vertigo est celle de la prétention à la maîtrise de l’espace. L’horizontalité qu’investit Un balcon sur la mer est celle de l’accident, de la contingence et de la confusion qu’elle génère dans nos vies. C’est par accident que Marc retrouve Marie-Jeanne – en effet, ne perdons pas de vue que, si manipulation il y a, elle ne vise nullement Marc lui-même : Sergio veut gruger l’agence immobilière, mais ignore tout des relations passées entre son amante et son collègue. C’est ensuite du fait de l’insondable confusion des souvenirs que Marc prend Marie-Jeanne pour Cathy. La jeune femme elle-même ne veut pas manipuler Marc. Elle n’a simplement pas le courage de le détromper – telle, cette fois, une Midge surprise d’une confusion qui lui permet de supplanter sa rivale. C’est enfin par un concours de circonstances que Marc comprendra son erreur, en retrouvant le père de Marie-Jeanne. Mais peut-on dire qu’il élucide ainsi quoi que ce soit ? Nul moment ici qui équivaudrait à la brusque compréhension de Scottie lorsqu’il découvre le collier de Carlotta Valdès au cou de Judy. Marc, lui, paraît s’enfoncer toujours plus profondément dans l’épaisseur d’un monde opaque, celui de ses souvenirs autant que de son existence présente, dans laquelle son couple vacille. Il n’y a chez lui aucun rêve de puissance ou de maîtrise démiurgique. S’il perd pied, ce n’est pas parce qu’il prétend s’élever jusqu’à la recréation d’un être jadis aimé, comme Scottie a aimé Madeleine, mais parce qu’il se perd dans l’épaisseur du temps et du monde, une épaisseur de hasards, de contingences, d’opacités. Le vertige de Marc n’est pas celui de la dangereuse hauteur, il est celui de la confuse matière de notre existence. Les derniers mots du film sont prononcés par Marc : « Je me suis perdu ».

Pourtant, la référence à Vertigo n’en est que plus opérante. Les pleurs de Marc sur la terrasse où il revient seul nous paraissent encore plus lourds et profonds parce que nous nous souvenons de Scottie sur le parapet de la tour de San Juan Bautista, démuni et écartant les bras dans une pose quasiment christique. Le cinéma de Nicole Garcia est un cinéma du romanesque mais qui nourrit sa profondeur d’une relation à la fois entretenue et distanciée avec le tragique(3). Comme une horizontalité qui pourtant se creuse de quelques profonds abîmes.

 

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