Logo du Rayon Vert Revue de cinéma en ligne

Toutes les publications

Le père et sa fille se reposent dans Aftersun
Rayon vert

« Aftersun » de Charlotte Wells : Adieu à l'enfance

7 mai 2023
L’enfant est ce compagnon, visible ou invisible, dont les signes de reconnaissance et la toujours neuve lumière n’empêchent ni la part de l’ombre ni le sentiment de la solitude, ni la certitude de la séparation. Sa présence en nous et à côté de nous est vécue comme une énigme et une initiation comme une jeune fille est si proche, si loin de son père dans Aftersun. Charlotte Wells, sa réalisatrice, premier tir sans faire de balles, nous introduit dans ce monde à la fois si familier et étrange de l'enfant qu'elle fut, de l'enfant que nous resterons si nous savons retenir cette leçon de l'Enfantin que le film nous transmet de son lointain.
Julien De Saint Jean tatoue le dragon sur le bras de Khalil Gharbia dans Le Paradis
Rayon vert

« Le Paradis » de Zeno Graton : Le dragon et le centre fermé

5 mai 2023
Avec Le Paradis, Zeno Graton montre que le désir pour l'autre et l'amour, à l'intérieur d'un centre fermé pour mineurs, apparaissent comme les véritables échappatoires d'un quotidien régi par les tensions intérieures et extérieures. C'est l'audace et la subtilité de son film qui donne corps à ce paradoxe à travers l'allégorie d'un puissant dragon qui se loge dans le centre fermé. Le retour au trou n'est plus un échec sur toute la ligne mais l'assurance qu'il y a dans les boucles de l'enfermement autre chose que de l'étouffement et de la résignation : une forme de paradis.
Une photo de Nan Goldin de dos dans Toute la beauté et le sang versé
Critique

« Toute la beauté et le sang versé » de Laura Poitras : Panser pour demain

2 mai 2023
Toute la beauté et le sang versé ouvre les pages d'un livre consacré aux morts, mais aussi aux vivants et aux morts-vivants sans pour autant se complaire dans la fatalité du sort réservé à ceux dont le sang a coulé. Laura Poitras, grande cinéaste de l'instant, filme une volonté d'effacement qui porte en même temps une tentative de panser et nettoyer pour que les photos et l'activisme de Nan Goldin se constituent comme un acte de mémoire à partir duquel reconstruire et réécrire.
D'Artagnan se bat avec son épée dans Les trois mousquetaires D'Artagnan
Critique

« Les trois mousquetaires : D'Artagnan » de Martin Bourboulon : Touché, coulé

29 avril 2023
Quelle nécessité y a-t-il à écrire sur un film, Les trois mousquetaires : D'Artagnan, dont nul ne peut ignorer que tout le mal qui pourrait en être dit n'affectera jamais son million d'entrée ? À quoi bon en parler, sauf à s'agacer les dents sur un os déjà rongé ? On voudrait plutôt en dire tout le mal, non pas pour empêcher quiconque à le regarder, mais au contraire pour inciter le monde entier, s'il était possible, à (bien) le voir. On voudrait lui faire cette publicité-là : voir ce film pour dire tout ce qu'il n'y a pas à voir ; voir ce film pour montrer tout ce qu'il faudrait bien y voir. Regarder en face ce cinéma pour signifier, non pas ce qu'est le cinéma – on en serait bien en peine –, mais essayer de l'approcher de manière apophatique, comme on ne pourrait approcher prudemment Dieu que de manière négative, pour dire que, non, décidément, ce n'est pas du cinéma mais un programme d'hypnose qui préparerait son public à un sommeil profond en ces temps de contestation.
Achille Reggiani lutte contre son chien dans Bowling Saturne
Interview

« Bowling Saturne » : Interview de Patricia Mazuy

22 avril 2023
Avec Bowling Saturne, Patricia Mazuy signe un conte noir et macabre qui interroge l'héritage de la violence et, plus précisément, celui laissé par le XXème siècle au XXIème. Nous avons rencontré la cinéaste qui s'est longuement étendue sur cette question, mais aussi sur la mise en scène du film, l'animalité ou encore le naturalisme.
Ken Ogata porte Sumiko Sakamoto dans la montagne dans La Ballade de Narayama
Rayon vert

« La Ballade de Narayama » de Shōhei Imamura : Le néolithique à l’estomac

20 avril 2023
Nous venons du néolithique et de son ventre nous ne sommes pas sortis. La communauté rurale archaïque de La Ballade de Narayama en a longtemps eu le trésor, férocement, qui est un or entouré d’ossements vivants, une caverne de gags cruels et d’absurdités stupéfiantes. Nous y vérifions que nous sommes l’espèce aberrante par excellence, des animaux comme les autres et pas comme les autres, besoins et désirs, pulsions plus mythes. Et ça donne un beau bordel abondamment fréquenté par Shōhei Imamura, l’un des plus grands naturalistes en cinéma qui soient, doublé d’un ethnographe curieux, obsédé par notre non-contemporanéité.
Timéo Mahaut dans le film Les Pires.
Critique

« Les Pires » de Lise Akoka et Romane Gueret : Tropisme du cinéma social

15 avril 2023
« Sous quel astre ennemi faut-il que je sois née ? », demandait un personnage de Racine. En banlieue, entend-on trop souvent aujourd'hui. Les Pires, récompensé à Cannes en 2022, entendait objecter. Mais à vouloir faire un château à sa cité, il lui a réservé son plus beau tombeau.
Laure Calamy dans la scène où sa voiture tombe dans l'eau dans Bonne conduite
Critique

« Bonne conduite » de Jonathan Barré : Politique de la fausse route

11 avril 2023
Bonne conduite raconte l'histoire d'une gérante d'auto-école le jour, serial killeuse la nuit, qui élimine les nuisibles en un cinéma appliqué, un cinéma dépassé, qui ne passera jamais la seconde, incapable d'inventer sa route, sauf à rester sur son bord avec les rieurs de l'époque. Ou quand un film sous ses allures de légèreté fait un cinéma bien droitier.
Tilda Swinton dans le manoir dans Eternal Daughter
Rayon vert

« Eternal Daughter » de Joanna Hogg : Sur le souvenir supportable

7 avril 2023
Il n'y a rien de plus compliqué que de perdre un être cher et d'endurer le temps qu'il faut pour qu'un semblant de deuil, parfois impossible, s'accomplisse pour que les morts cohabitent avec nous sans nous hanter. Joanna Hogg filme ce processus dans Eternal Daughter qui est une fresque intime, influencée par Hitchcock et Shining, qui transforme le souvenir doux mais douloureux d'un être aimé en souvenir supportable.
Sally Hawkins en train de lire un livre dans The Lost King
Rayon vert

« The Lost King » de Stephen Frears : Roi maudit et reine de cœur

5 avril 2023
L’histoire (vraie) de Philippa Langley est édifiante. Voilà une employée d’un centre d’appel victime de fatigue chronique qui, il y a dix ans, s’est piquée de rendre justice à Richard III, dernier des Plantagenêt victime de légendes malveillantes fixées par les vainqueurs, les Tudor, et relayées par la pièce de théâtre que Shakespeare lui a dédié plus d’un siècle après son décès lors de la bataille de Bosworth en 1483. Dans The Lost King, le roi maudit aura donc eu besoin d’une reine de cœur qui ne l’est pas de sang pour retrouver à retardement les honneurs de la couronne. C’est un récit comme Stephen Frears les chérit, une histoire modeste de trésors cachés à proximité.
Kim Novak a le pouvoir dans "L'Adorable voisine"
La Chambre Verte

« L’Adorable voisine » de Richard Quine : La revanche manquée de Kim Novak

2 avril 2023
Partageant avec le Sueurs froides d'Hitchcock son couple vedette, L'Adorable voisine de Richard Quine, film mineur s'il en est, se livre néanmoins avec son mythique prédécesseur à un dialogue involontaire qui ne manquera pas de titiller et d'intriguer le cinéphile curieux. Donnant un certain temps l'occasion à Kim Novak d'inverser le rapport de fétichisation qui la liait à James Stewart, le film retombe sur ses pattes morales lors de son dernier tiers, mais n'en reste pas moins un objet de curiosité.
Mathieu (Jérémie Renier) et sa femme (Suzanne Clément) au bord du lac dans la forêt dans Ailleurs si j'y suis.
Critique

« Ailleurs si j'y suis » de François Pirot : L'appel de la morosité

28 mars 2023
Dans Ailleurs si j'y suis, Mathieu, Catherine et Stéphane sont loin d'être des rois de l'évasion. D'une manière cynique et paradoxale, le film reste largement traversé par le contrôle et martèle qu'il est impossible pour eux de changer de vie et de monde : la forêt, filmée à la fois de manière bucolico-exotique et anxiogène, ne leur offre pas un ailleurs mais débouche sur un retour à la morosité de leur quotidien.
Aldo Moro dans Buongiorno, notte.
Esthétique

« Buongiorno, notte » de Marco Bellocchio : Le sommeil, ses enfants et ses monstres

27 mars 2023
1978, l’Italie est sous haute tension. L’enlèvement d’Aldo Moro par les Bridages Rouges aurait pu mettre le feu à la plaine qui s’apprêtait à accueillir les mânes du « compromis historique » scellé entre la Démocratie Chrétienne et le Parti Communiste. Marco Bellocchio y est revenu par deux fois, avec un long-métrage en 2003 (Buongiorno, notte) et en 2022 avec une mini-série (Esterno notte). Le redoublement du retour mérite qu’on y revienne à notre tour tant il est le marqueur d’une époque dont on n’est toujours pas sorti. Aldo Moro, ce corps qui manque, apparaît ainsi comme un corps en trop, l’encombrant dont tous conviennent de se débarrasser. Avec un panache certain et quelques difficultés, Marco Bellocchio approfondit son obsession, fixée dès son premier film : l’inachèvement historique de l’unité nationale italienne a accouché d’enfants qui, interminablement, font dans leur chambre le procès de leurs parents.
Ramsès le voyant sur le toit de son immeuble dans Goutte d'Or.
Rayon vert

« Goutte d'Or » de Clément Cogitore : Géographie variable

20 mars 2023
Goutte d'Or de Clément Cogitore propose un voyage ésotérique à la fois vertical et horizontal dans la géographie du quartier de la Porte de la Chapelle. Au départ de cette zone en chantier, qu'est-ce qu'il y aurait à voir sinon des gravats ? Le cinéma de Clément Cogitore s'est toujours ouvert sur de l'inconnu, il cherche à pactiser avec le spectateur qui pourra être fasciné ou rester perplexe puisqu'on lui demande de croire au don de voyance qui est en même temps présenté comme une arnaque.
Itsasa Arana dans "Venez voir"
Rayon vert

« Venez voir » de Jonás Trueba : Match amical

17 mars 2023
À travers une scène de ping-pong improvisée a priori anecdotique, Jonás Trueba livre ce qui anime Venez voir et son cinéma : renoncer au désir de maitriser totalement sa vie, d’en comprendre une signification cachée absolue, de montrer au monde extérieur des signes de « réussite » matérielle ou familiale et déclarer forfait aux compétitions que le monde tente de nous imposer pour ne plus jouer que des matchs amicaux.
Dalva enlevant son rouge à lèvre de femme dans le film Dalva
Critique

« Dalva » d'Emmanuelle Nicot : Relooking réussi

14 mars 2023
Dalva s'en tire sans les honneurs dans le genre codifié du récit psychologique d'émancipation dont l'évolution n'est pas encore pour demain. C'est l'histoire d'un relooking réussi qui manque de profondeur même s'il faut bien sûr laisser du temps au temps. Avant d'être, dans sa deuxième partie, le récit du retour d'une enfant vers les dernières lueurs d'une enfance manquée parce que gâchée, le film d'Emmanuelle Nicot accumule tellement de tares qu'il faut répéter à nouveau ce qui ne va pas dans le formatage de ce cinéma qui recourt systématiquement aux mêmes clichés et répond de plus en plus à l'appel de l'humiliation.
Alyona Mikhailova dan "La Femme de Tchaïkovski"
Rayon vert

« La Femme de Tchaïkovski » de Kirill Serebrennikov : La journée de l'infemme

11 mars 2023
Que se produirait-il si la passion des 24h de la vie d'une femme de Stefan Zweig durait toute une vie ? La folie, celle de La Femme de Tchaïkovski. Une folie pour raconter autant son drame que celui de son pays, d'hier comme aujourd'hui, par Kirill Serebrennikov.
Tom et Ellen Bowen embarquent sur le bateau dans "Mariage royal" de Stanley Donen
Esthétique

« Mariage royal » de Stanley Donen : En quête de stabilité

10 mars 2023
S'articulant autour de trois scènes cultes de danse dans lesquelles les personnages sont en recherche constante du bon point d'ancrage et de l'équilibre, Mariage royal de Stanley Donen déploie un véritable discours sur la quête de stabilité. Si la recherche de l'équilibre en danse s'accompagne dans beaucoup de comédies musicales hollywoodiennes classiques de celle d'un équilibre de vie, le film de Donen est peut-être celui qui théorise le plus cette dialectique.
Charles (Denis Podalydès) attend le retour de sa femme dans "La Grande magie"
Esthétique

« La Grande magie » de Noémie Lvovsky : Sortir de la chambre close

3 mars 2023
Troisième film issu d'un appel à projets du CNC visant à favoriser la production de comédies musicales, La Grande magie de Noémie Lvovsky choisit de subvertir la commande et de proposer une comédie « anti-musicale » pour mieux discourir sur la fiction et ses effets. Plus complexe et rugueux qu'il n'y paraît de prime abord, le film tend à s'éloigner de l'éloge béat d'un spectacle illusoire qui maintiendrait son audience dans un enfermement confortable, et s'ouvre au monde tout en gardant la forme désuète d'une opérette de patronage.
Les Fabelmans au cinéma quand Sam est enfant dans The Fabelmans
Critique

« The Fabelmans » de Steven Spielberg : Le trou noir d'Œdipe

23 février 2023
De quoi The Fabelmans est-il le film ? La grande fable du génie précoce du cinéma adoubé par le maître John Ford est une fable amoindrie sur les pouvoirs du cinéma. Le plus grand chapiteau du monde coincé dans la lorgnette du nombril d'Œdipe, moins l'ombilic du cinéma que ses limbes. Le blockbuster qui fait exploser le quartier y a déposé des trous d'enfance et du trou noir est sorti un Hamelin du troisième type qui a tiré d'un trauma d'enfance ordinaire l'autorisation de confiner les enfants dans leur chambre, tenus à l'amour de leur kidnappeur, ce capitaine Crochet. Une fois fait un sort au syndrome de Stockholm, les symptômes peuvent capitonner une histoire de la cinéphilie qui, de contre-culture, est redevenue l'arme des colons qui se font aimer de leurs colonisés. L'enfance est captivée afin d'être convertible en très lucrative puérilité.
Le jeune prêtre danois filme le paysage islandais dans Godland
Critique

« Godland » de Hlynur Pálmason : L’Amour et la Violence

23 février 2023
Appelle-t-on Northern un western qui se passe dans le nord ? Godland est tour à tour émission de survie en pleine nature, télé-réalité d’enferment, compétition de Bachelor et la Ferme des Célébrités. Il récupère au passage certains tics de la télévision, qui viennent narrer ce qui n’a souvent pas besoin de l’être, et resasse ce que l’on sait déjà. Mais on lui concédera qu’il le fait avec une certaine économie et un style affirmé, le plaçant bien au-dessus de nombreux récits mensongers bourrés d’illusions sur la nature humaine.
Tous les passagers du bateau en mer dans Lifeboat d'Alfred Hitchcock.
Rayon vert

« Lifeboat » d'Alfred Hitchcock : Notre nazi

20 février 2023
Étonnant, méconnu, Lifeboat embarque et méduse. Grand film naturaliste ignoré, le film d'Alfred Hitchcock excède le récit de propagande de John Steinbeck en faisant monter au cœur du sauvetage une marée noire rappelant aux démocrates qu'ils ont les mains sales. Gangrène et amputation gagnent alors en mobilité pour affecter un précipité d'humanité qui ne se soigne pas du mal sans faire et se faire du mal. Le précis de cruauté a besoin d'une corde et d'un couteau pour nouer ensemble les moignons d'inhumanité d'une humanité à la dérive.
Kim Min-hee à la fin du film tourné par la romancière dans La Romancière, le film et le heureux hasard.
Rayon vert

« La Romancière, le film et le heureux hasard » de Hong Sang-soo : Le film des rêveurs

12 février 2023
La Romancière, le film et le heureux hasard tient dans le creux de sa fin, magnifique, où nous voyons dans des minutes précieuses le film de la romancière une fois réalisé. Sur un double niveau, il s'agit d'un film d'amour et de rêveurs d'une femme et d'un homme pour leur muse. Pour capter ces si brefs moments de grâce, Hong Sang-soo a repensé les bases de sa mise en scène en longs plans fixes pour y laisser entrer un autre regard.
Wen (Kristen Cui) dans "Knock at the Cabin" de M. Night Shyamalan
Critique

« Knock at the Cabin » de M. Night Shyamalan : Unfunny Games

7 février 2023
Si Knock at the Cabin ne déroge pas à la règle de la filmographie de M. Night Shyamalan et continue de creuser la réflexion de l'auteur sur la croyance, il est néanmoins condamné à être plus mineur car il exige de son spectateur un acte de foi qui, pour le coup, est beaucoup trop lié à la religion. Malgré tout, le film atteste une nouvelle fois de la propre croyance de Shyamalan dans le pouvoir du cinéma et des images.
Haider transporte une Biba géante dans "Joyland"
Rayon vert

« Joyland » de Saim Sadiq : L’émotion antérieure

6 février 2023
Au-delà de la « hype » consensuelle autour d'un film à sujet académique, bête de concours dans l'air du temps, le premier long métrage de Saim Sadiq parvient à surprendre grâce à un final inattendu, détenteur d'une émotion inespérée, et cela malgré la tentation tenace de basculer dans le film coup-de-poing. S'il n'échappe globalement pas à sa condition de film-exemple, Joyland parvient néanmoins à sauver deux de ses personnages avant sa conclusion, ce qui n’est déjà pas si mal.
Gilbert dans son jardin dans La Jungle étroite de Benjamin Hennot
Interview

Interview de Benjamin Hennot : "Mes films doivent renforcer l’imaginaire des luttes"

3 février 2023
« Je ne viens pas du cinéma. Je viens des luttes. C’est pour cette raison que mes films sont des outils pour les luttes. Ils doivent en priorité renforcer l’imaginaire des luttes ». En cinq films (La Jungle étroite (2013), L’abécédaire de Gilbert (2013), La bataille de l’eau noire (2015), Stan et Ulysse, l’esprit inventif (2018) et Détruire Rajeunit (2021)), Benjamin Hennot propose autant de tentatives de filmer l’énergie et l’ardeur qui ont porté ces différents mouvements populaires wallons. Le cinéaste revient avec nous sur son engagement et sa façon de travailler.
Omar Sy est le soldat "inconnu" dans "Tirailleurs" de Mathieu Vadepied
Critique

« Tirailleurs » de Mathieu Vadepied : L’illustre inconnu

1 février 2023
Poussé par la présence imposante à son affiche d'Omar Sy et par sa sélection à la très "sérieuse" et "parallèle" section Un Certain Regard à Cannes, Tirailleurs de Mathieu Vadepied se paie un succès commercial et se voit érigé en exemple, alors qu'il n'est au fond qu'un téléfilm académique et didactique. Plus grave, son twist final utilise une "trouvaille" scénaristique à des fins douteuses, jusqu'à prétendre à une ampleur qu'il ne mérite assurément pas. De "film pour les écoles", Tirailleurs passe à "cas d'école", exposant ce qu'il ne faut surtout pas faire.
La cheffe Lydia Tár (Cate Blanchett) dirige son orchestre dans Tár
Critique

« Tár » de Todd Field : Magistère amer

27 janvier 2023
Magistral. Le qualificatif s'impose facilement sous la plume des critiques et, pour une fois, son usage serait justifié si on voulait enfin se poser la question de savoir ce qu'il est censé signifier. Magistral, Tár l'est en effet et ce n'est pas forcément une qualité, on voudrait en discuter. Le magistère y est amer et l'amertume est un goudron qui, non seulement attire les plumes d'une critique dithyrambique, mais s'accorde également avec le nom de son héroïne, Tár, avant d'enliser un film dans l'aggloméré de ses intentions dont la distillation est auto-destructive.
Amer Hlehel et Ashraf Farah dans "Fièvre méditerranéenne"
Rayon vert

« Fièvre méditerranéenne » de Maha Haj : Palestine, le don de la mort par procuration

27 janvier 2023
Fièvre méditerranéenne est une comédie à pas feutrés dont le carburant est la dépression palestinienne. Avec l'arrivée d'un nouveau voisin, le désir revient mais si le désir tient de l'autre, la fiction qui s'en déduit a pour court-circuit la transmission d'une pulsion suicidaire, un don sans contre-don qui déchire le ventre. En se suicidant, le voisin se donne la mort à la place d'un autre. Le suicide par procuration, pour les Palestiniens d'Israël plus que jamais. Y a-t-il alors une autre place à donner à l'autre que celle d'une procuration suicidaire ?
Pádraic (Colin Farrell) passe à côté de son ami Colm (Brendan Gleeson) dans The Banshees of Inisherin
Rayon vert

« The Banshees of Inisherin » de Martin McDonagh : Aux confins de l'amitié

24 janvier 2023
À quoi tient The Banshees of Inisherin ? Presque rien, par son côté minimaliste, son épure conceptuelle, où pourtant une chose très grande se trouve racontée : l'état d'une amitié portée à l'extrémité de son être. Plutôt que de nous faire la visite touristique et pittoresque d'une petite île irlandaise dans les années 20 (ce que plusieurs critiques ont reproché au film, à tort), Martin McDonagh nous emmène aux confins d'une amitié entre deux hommes eux-mêmes liés à leurs animaux. The Banshees of Inisherin emprunte beaucoup à la conceptualité du théâtre, l'humour qu'il rend possible aussi, en ne tombant jamais dans le piège du théâtre filmé.
Nellie LaRoy (Margot Robbie) à la fête dans le prologue dans Babylon
Critique

« Babylon » de Damien Chazelle : "Smack My Bitch Up"

21 janvier 2023
Il fallait bien un triptyque et une écriture à quatre mains pour fouiller dans les tréfonds et recoins de Babylon. Damien Chazelle est un prodige, mais d'un genre particulier. La vérité du prodige a été établie par un groupe britannique de musique électronique au nom caractéristique, The Prodigy, quand il a intitulé son hit « Smack My Bitch Up » qui se traduit ainsi : « Claque ma chienne ». Le prodige est ainsi : ses turgescences sont des pièces montées dont la crème fouettée l'est au lasso, par des coups de fouet, écœurantes parce qu'elle sont sans cœur. Le prodige tourne ainsi des films comme un maquereau claque la croupe de ses « chiennes », avec l'épate et le swing tapageur de celui qui loue le spectacle en assurant que ses réussites acclamées sont des fessées nécessaires à faire gicler du pire le meilleur. Le spectacle est une chienne qu'il faut dresser en la bifflant et le prouve encore Babylon : l'apologie du cinéma des origines a le fantasme urologique mais c'est l'énurésie qui domine et les larmes ne sont que celles du crocodile.
Le chat noir et l'épouvantail en feu dans A Short Story de Bi Gan
Rayon vert

« A Short Story » de Bi Gan : Le train du souvenir

19 janvier 2023
Dans A Short Story de Bi Gan, la chambre semble condamnée à l’oubli. Elle doit se mettre à bouger pour que le souvenir se réincarne. Le passé et le présent ne sont pas des entités figées mais des trains en aller-retour constant : le souvenir se retrouve à condition de se mettre en marche vers lui et de lui ouvrir la porte.
Rebecca Hall est Margaret dans "Resurrection"
Critique

« Resurrection » d’Andrew Semans : L'emprise du mâle

18 janvier 2023
En dépit de la volonté manifeste de son actrice principale et productrice exécutive Rebecca Hall de s'ériger en nouvelle papesse du "post-#Metoo", et de la lourdeur de sa prémisse, présageant du pire dans le registre de l'allégorie sentencieuse, Resurrection d'Andrew Semans parvient à contourner ses tares potentielles en restant ambigu et par l'entremise d'un final hybride et organique qui n'est pas sans rappeler ceux des récents Men d'Alex Garland et Titane de Julia Ducourneau.
Megan Twohey (Carey Mulligan) et Jodi Kantor (Zoe Kazan) dans les bureaux du New York Times dans She Said
Critique

« She Said » de Maria Schrader : Aveu d'impuissance

15 janvier 2023
She Said témoigne d'une double impuissance. Maria Schrader n'a rien à montrer et un film comme celui-là (dit "féministe post #MeToo") ne peut venir que dans le temps d'après, après son sujet et après les articles si importants de Jodi Kantor et Megan Twohey. Ce qui est terriblement paradoxal quand on décide de s'attaquer à un monstre à la puissance libidinale maladive comme Harvey Weinstein. Impuissance aussi du cinéma à fonctionner de cette façon et d'autant plus terrible quand on sait que le prédateur était un grand producteur. She Said offre ainsi l'occasion de refaire le point sur la manière dont une forme de féminisme s'empare du cinéma.
Critique

« White Noise » de Noah Baumbach : Le fascisme à bas-bruit

10 janvier 2023
L'un des derniers films de l'année 2022, White Noise de Noah Baumbach, sorti le 30 décembre dernier sur Netflix, avait sans doute l'ambition de ramasser toute son époque : filmer la propagande médiatique, la crise sanitaire, la dépression généralisée d'un système capitaliste déliquescent et son porte-drapeau, les États-Unis, un contexte annonçant le fascisme qui gronde. Sauf qu'à le marteler, White Noise finit lui-même par (se) fasciser.
Antigone près du temple dans Antigone de Straub et Huillet
Rayon vert

« Antigone » de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet : Divine, indécidable

9 janvier 2023
Un jour de 1973, une rencontre avec un lieu a eu lieu, elle était imprévisible : les ruines antiques de Ségeste en Sicile. Son théâtre de plus de 2.000 ans est le site qui, 18 ans plus tard, a accueilli un bloc de textes et de contextes, antiquité gréco-romaine, romantisme allemand contemporain de la Révolution française et début de la Guerre froide, qui a gardé intact le secret d'une décision authentique, valable pour tous les temps. Antigone d'après la pièce de Sophocle, la traduction de Hölderlin et la mise en scène de Brecht est devenu le film dédié aux peuples opprimés par la raison d'État, ainsi qu'à ceux qui osent dire non en sachant qu'il y a dans toute décision un courage qui est folie, un fond d'indécidable qui est abîme. Son danger est ce qu'il faut pourtant tenter quand la justice ne se confond plus avec le droit qui la trahit.
Empédocle dans La Mort d'Empédocle de Jean-Marie Straub
Rayon vert

« La Mort d'Empédocle » de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet : "Vous avez soif depuis très longtemps d’inhabituel"

9 janvier 2023
L’inachèvement est douleur quand il laisse en souffrance des potentialités non réalisées. Il est autant bonheur en promettant qu’elles seront un jour réalisées. Avenir du communisme, déclosion de la révolution, malgré toutes les trahisons, en dépit de tous les procès. Empédocle a le génie colérique de l’interruption et c’est ainsi qu’il est filmé par Jean-Marie Straub et Danièle Huillet dans La Mort d’Empédocle, dans la clairière aux trois lumières, Grèce antique, Révolution française, invention des frères Lumière. Empédocle est un volcan qui a de l’avenir en revenant du futur.
La fin de Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson
Rayon vert

Les Épiphanies : Tentative de ne pas faire un Top Cinéma 2022

6 janvier 2023
Les épiphanies sont pour nous autant d'occasions de ne pas faire de top cinéma 2022 : ni hiérarchie, ni jugement de goût, rien que le passage d'affects quelque part entre les écrans de cinéma et les pensées et les corps des spectateurs.
Richard Farnsworth au volant de son tracteur sur les routes dans Une histoire vraie
Rayon vert

« Une histoire vraie » de David Lynch : Le cow-boy à roulotte, une comète

2 janvier 2023
Une histoire vraie n'est pas un western crépusculaire de plus. Le film de David Lynch est d'après la fin – la fin du western, la fin du monde lui-même. Une histoire vraie est un autre film schizo mais subliminal, mal vu, incompris, ourlé d'une mélancolie extrême. Le divertissement familial produit par Disney a dans les plis de foudroyants secrets stellaires. C'est un film post-apocalyptique où le dernier homme du monde d'avant est un pachyderme autant qu'une étoile filante, le dinosaure cachant un dieu solaire piégé dans le corps d'un grabataire. Et, pour dernier désir, Alvin Straight, un cirque à lui tout seul, n'a plus qu'une ultime parade à donner, un dernier feu de joie à faire crépiter avant de remonter au ciel d'où il est tombé.
Sandrine Kiberlain et Vincent Lacoste dans Le Parfum vert
Critique

« Le Parfum vert » de Nicolas Pariser : Eau de Cologne bon marché

27 décembre 2022
BD et cinéphilie à la rescousse de l'Europe menacée par un fascisme jamais passé ? C'est le pari décalé de Nicolas Pariser et si l'exercice de style démarre sur les chapeaux de roue d'une bonne impulsion théorique (le point commun des récits de persécution de Hergé et d'Hitchcock ayant pour contexte les années 30 est l'absence de toutes références juives), il achoppe sur ses propres impensés. Le Parfum vert patauge en effet gaiement dans l'eau de Cologne bon marché, celle d'une Europe à sauver malgré tout contre un antilibéralisme qui, à chaque fois, ferait le jeu du vieil antisémitisme en oubliant que l'Europe a fait aussi le lit d'un nationalisme ayant la haine du musulman et de l'immigré. On répond mal aux urgences de l'époque en ajoutant aux impensés d'hier les impensés non moins biaisés d'aujourd'hui.
La dream team des USA après leur victoire aux Jeux olympiques dans The Redeem Team
Esthétique

« The Redeem Team » : Les patriotes au travail

21 décembre 2022
Avec The Redeem Team, Jon Weinbach et ses monteurs ont récupéré une quantité impressionnante d'images tournées sur plusieurs années aux côtés des basketteurs de l'équipe olympique américaine dans sa course pour la médaille d'or et le rachat de son honneur. Quelle est la nature de ces images ? Se mettent-elles vraiment au service du discours patriotique du film à la gloire de ses héros ? The Redeem Team montre ce qui généralement, au cinéma, est étranger au patriotisme et, dans une certaine mesure, à l'héroïsme : le travail.
Des images d'archives de joueuses de volley dans Les Sorcières de L'Orient
Esthétique

« Les Sorcières de l'Orient » de Julien Faraut : Dans le filet

21 décembre 2022
La synchronisation des horloges du temps est à l'heure olympique : Les Sorcières de l'orient de Julien Faraut dédié aux exploits de l'équipe de volleyball féminin durant les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 est sorti moins d'une semaine après l'ouverture des 32èmes olympiades qui se déroulent 57 ans après à nouveau dans la capitale japonaise. Il y a pourtant une étrange inactualité qui se dégage d'un documentaire qui, sous ses dehors pop, se met exclusivement au service de l'arraisonnement d'un sport par une opération idéologique de renaissance d'une nation qui remonte à plus d'un demi-siècle. Que des médaillées d'or participent à redorer le blason terni d'une nation défaite par son impérialisme est une réalité historique qui méritait une analyse politique circonstanciée. Qu'un film s'épargne ce travail en mérite une autre.
La famille Sully dans Avatar 2 : La Voie de l'eau
Critique

« Avatar 2 : La voie de l'eau » de James Cameron : Hydrocéphale on est mal

17 décembre 2022
L'hydrocéphalie est une anomalie pathologique, un trouble du liquide cérébro-spinal dont l'excès perturbe le cerveau. On croit avoir la tête bien pleine, elle est remplie d'une eau qui asphyxie la pensée. Avatar 2 : La voie de l'eau est un avatar monumental du post-cinéma, le cinéma liquidé dans les eaux bleues du langage binaire et d'un imaginaire réactionnaire, l'esprit des traditions tribales coulé dans la méga-machine techno-militaire. L'hydrophilie confine à l'hydrocéphalie et si James Cameron fait de grands ronds dans l'eau, c'est une suite de petits zéros.
Lee Kang-sheng et Anong Houngheuangsy dans "Days" de Tsai Ming-liang
Critique

« Days » de Tsai Ming-liang : Ce qui s'épanche et penche

13 décembre 2022
Lee Kang-sheng n'est pas l'acteur fétiche de Tsai Ming-liang : il en est la condition, alpha et oméga, trois décennies déjà, on ne s'en lasserait pas. On ne sait pas ce que peut un corps et celui de Lee est le corps du désir de Tsai, moins une énigme (qui laisserait entendre qu'il y a du sens et un autre à le résoudre) qu'un mystère (faisant silence de ce que l'on ne peut dire et qu'il faut taire). L'écoulement est un miroir biface, le tain d'une double imprégnation. Si Lee est l'autre dont Tsai a tant besoin, l'homo-érotisme retourné en hétéro-narcissisme et les épanchements mieux que les mots, c'est en prenant tout le temps qu'il faut, le dur désir de durer qui s'écoule en douceur, pour montrer ce que le temps fait au visage en y faisant voir cette vieille compagne toujours déjà là : la mort au travail. Mais celle de qui, Tsai ou Lee ? Ce qui s'épanche sans piper mot a des penchements frisant aujourd'hui l'aporie.
Les enfants de Samir Ardjoum dans L'Image manquante
Rayon vert

« L’image manquante » de Samir Ardjoum : Le livre d’hommage

7 décembre 2022
Il y a des films qui n’ont ni reçu l’honneur des salles ni celui des festivals parce qu’ils sont trop grands. Non pas parce qu’ils seraient d’un génie supérieur, aussitôt invisibles au commun. Mais parce qu’ils ouvrent sur un ailleurs, un film à venir, une troisième image encore imperceptible à l’instant de leur réalisation, donc non-vu. Ainsi de Samir Ardjoum avec L’image manquante qui, à partir d’images d’archives familiales, bien avant tout le monde, avant cette heure du recueillement, à partir de son livre d’images personnelles, qui sera toujours en défaut d’une image, pensant faire un film à destination domestique, a composé instamment un livre d’hommage à Jean-Luc Godard, autant dire au cinéma.
L'équipe des Tabac Force dans "Fumer fait tousser"
Le Majeur en crise

« Fumer fait tousser » de Quentin Dupieux : Histoires sans fins

2 décembre 2022
Avec Fumer fait tousser, Quentin Dupieux semble jouer avec ses détracteurs qui lui reprochent de faire des films sans chutes, et propose un film gigogne fait d'histoires sans fins dans lequel il revendique son droit à la débilité et au mauvais goût, dans un élan à la fois anarchique et théorique.
Rayon vert

« marseilleS » de Viviane Candas : Vies minusculeS

2 décembre 2022
C'est dans le devenir-minoritaire que gît le devenir-révolutionnaire, selon le couple Deleuze-Guattari. Le dernier film de Viviane Candas, marseilleS, s'inscrit dans cette trajectoire à travers le thème des luttes pour la reconnaissance d'une mémoire, celle des fractures de la guerre coloniale autant que de l'indépendance de l'Algérie, à partir d'une ville, Marseille, qui en serait le laboratoire. Viviane Candas parvient ainsi à problématiser le statut de minorité en tant que maillon faible d'un pays comme d'une ville où se condenseraient pourtant les principales tensions les traversant. Questions essentielles : comment faire société sur fond de déni ? Comment faite front à l'affront de ce qui gonfle, ici comme ailleurs, aujourd'hui, le ventre de la bête immonde ?
Leila (Taraneh Allidousti) et ses frères décident du sort de leur père dans Leila et ses frères
Rayon vert

« Leila et ses frères » : Les ascenseurs de Saeed Roustaee

27 novembre 2022
Si les ascenseurs émotionnels, sociaux et comiques fonctionnent bien dans Leila et ses frères, c'est malgré tout au détriment d'un personnage humilié, comme pris dans le béton et écrasé par le rouleau compresseur de la petite entreprise de travaux de Saeed Roustaee, avec la même lâcheté que chez Asghar Farhadi.
Laurence Coly (Guslagie Malanda) au tribunal dans Saint Omer
Critique

« Saint Omer » d’Alice Diop : Soutenir la langue et tenir à son irréparable

26 novembre 2022
C’est une histoire de trait d’union, celui d’une ville – Saint-Omer et sa cour d’assises – qui manque dans le titre d’un film qui y trouve son lieu en faisant au procès des sauvageries maternelles mythiques celui des langues soutenues dont les liaisons font tant défaut au cinéma français. Le film d’Alice Diop impressionne en faisant entendre dans la langue ce qui soutient l’expression de son accusée, qui fait silence autour de l’énigme de son infanticide. Il perd cependant en puissance de position par des interpositions qui, plus que la transposition d’un fait divers dans une fiction qui sait ce qu’elle doit au documentaire, indiquent la limite d’un geste tendu par son désir de réparation et de consolation. Si le ventre des mères blessées abrite aussi l’universel, c’est moins en trait d’union qu’en démarquant une non réconciliation.
Jaylin Webb et Anthony Hopkins assis sur un banc dans Armageddon Time
Rayon vert

« Armageddon Time » de James Gray : Enfance sans fards

25 novembre 2022
Dans Armageddon Time, James Gray n’entend pas poser sur sa jeunesse un regard nostalgique et émouvant, informé par l’adulte et l’artiste qu’il est devenu, mais travaille plutôt avec les exigences parfois arides de la quête d’exactitude du souvenir. S’attachant à traduire les contours indécis et les silhouettes d’un passé résolument sombre, coulés dans l’étroitesse et la violence du cadre domestique et scolaire, il offre néanmoins à son alter ego Paul Graff une véritable épaisseur et une porte de sortie finale, lui permettant à la fois d'échapper à la rudesse du monde tout en continuant à le hanter.
Noriko et son sourire, au centre de l'image et du film dans "ÉTé précoce
Rayon vert

« Été précoce » de Yasujirô Ozu : Là où le sourire demeure

21 novembre 2022
À travers le sourire de son héroïne Noriko, omniprésent tout le long d'Été précoce, Yasujirô Ozu capture comme à son habitude la vie et les sentiments d’une famille japonaise en proie aux mutations sociales de son époque. C'est ici dans une scène étonnante et touchante, lors de laquelle Noriko découvre malgré elle des sentiments enfouis, que le film et la vie de son personnage principal basculent, toujours sous le patronage de ce sourire obsédant.